Marilou est partout (Marilou is Everythere)
Auteur : Sarah Elaine Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Héloïse Esquié
Éditions : Sonatine (28 Août 2020)
ISBN : 978-2355847936
470 pages
Quatrième de couverture
Élevée au cœur de la Pennsylvanie rurale, Cindy, une gamine
livrée à elle-même, ne sait rien du rêve américain. Lorsqu'une belle
adolescente surnommée Marilou disparaît près de chez elle, Cindy se rapproche
de la mère de celle-ci, Bernadette. Jusqu'à ce que l'impensable se produise :
Bernadette, folle de douleur, la prend peu à peu pour sa fille. À quel prix
cette illusion fragile peut-elle tenir?
Mon avis
Cindy vit à Pennsylvanie, dans une maison délabrée où l’électricité
est rarement payée. Il n’y a pas toujours de quoi manger. Le père est absent,
la mère disparaît régulièrement et elle est complètement détachée de ses
enfants. Cindy survit plus qu’elle ne vit dans cette famille. Le collège, c’est
en pointillés comme le reste d’ailleurs… Virgil, son frère aide une voisine qui
vit avec sa fille, Jude. Elle aussi n’a pas de paternel, il passe parfois…mais
ne s’attarde pas. Virgil et Jude ont été (sont ? là aussi, c’est assez
flou) en couple. Jude, contrairement à Cindy, est une adolescente assez appréciée,
plutôt populaire auprès de leurs camarades. Elles ont peu de points communs. Virgil
fait des petits travaux chez la mère de Jude. Parfois Cindy et son autre frère
l’accompagnent.
Un été, suite à une sortie entre jeunes, Jude disparaît. Fugue,
enlèvement, chute et amnésie ? Tout est envisagé. Pour aider un peu la
Maman de Jude, Cindy, qui est plutôt désœuvrée, va quelques fois dans la
demeure voisine, puis de plus en plus souvent, comme si elle y trouvait quelque
chose qui lui fait du bien. La génitrice de Jude est plutôt perdue, elle boit
beaucoup et sa mémoire lui joue des tours. Elle s’imagine de temps à autre que
sa fille est là chez elles. Est-ce que son esprit chavire ? Est-ce qu’elle
prend Cindy pour Jude ? Une étrange relation se tisse entre ces deux-là. Comme
si Jude avait laissé une place vacante, occupée peu à peu par Cindy, tant dans
l’espace habitable que dans le cœur d’une femme. C’est bizarre, on se demande
sans cesse si c’est malsain ou si ça leur fait du bien.
C’est Cindy qui parle dans le roman écrit à la première
personne.
« Je n’avais jamais été moi-même, et trouvais ça insuffisant. »
Est-ce que se glisser dans la peau d’une autre lui donne l’impression d’exister, d’être quelqu’un, d’habiter un autre monde ? C’est une adolescente insolite, totalement atypique, qui évoque la vie avec des mots poétiques. Elle observe et décortique ce qu’elle voit et en parle avec un vocabulaire issu du seul livre qu’elle a chez elle : Les contes et légendes de Chine.
« Le temps s’est assombri telle la vie qui s’écoule d’une créature. »
Alors que son quotidien est fait de misère, son esprit s’évade vers d’autres possibles. Elle part à la dérive, s’incruste dans la peau d’une autre. Peut-être qu’elle pense aider Bernadette, la mère de Jude, en agissant comme cela ? Elle ne la laisse pas seule et cela lui sert de justification. Il y a pourtant une angoisse sourde qui suinte à travers les lignes. Quel avenir pour l’une et l’autre, pour tous ceux qui sont autour ? Peut-on cautionner cet état de fait, peut-on accepter de « faire comme si » ?
« Je n’avais jamais été moi-même, et trouvais ça insuffisant. »
Est-ce que se glisser dans la peau d’une autre lui donne l’impression d’exister, d’être quelqu’un, d’habiter un autre monde ? C’est une adolescente insolite, totalement atypique, qui évoque la vie avec des mots poétiques. Elle observe et décortique ce qu’elle voit et en parle avec un vocabulaire issu du seul livre qu’elle a chez elle : Les contes et légendes de Chine.
« Le temps s’est assombri telle la vie qui s’écoule d’une créature. »
Alors que son quotidien est fait de misère, son esprit s’évade vers d’autres possibles. Elle part à la dérive, s’incruste dans la peau d’une autre. Peut-être qu’elle pense aider Bernadette, la mère de Jude, en agissant comme cela ? Elle ne la laisse pas seule et cela lui sert de justification. Il y a pourtant une angoisse sourde qui suinte à travers les lignes. Quel avenir pour l’une et l’autre, pour tous ceux qui sont autour ? Peut-on cautionner cet état de fait, peut-on accepter de « faire comme si » ?
Avec une écriture délicate, pointilleuse, l’auteur nous emmène
dans un récit surprenant, douloureux, mais original. Elle porte un regard
acéré, précis, sur chacun de ses personnages. Il y a une espèce d’empathie pour
chacun mais elle n’en fait pas trop. Ils ont des difficultés, leur vie n’est
pas aisée, mais tous essaient, malgré tout d’avancer. Dans ce presque huis-clos, chaque
protagoniste a une place particulière dans la vie de Cindy, chacun joue sa
partition, les interactions sont peu nombreuses, comme si elles faisaient peur.
Comme c’est Cindy qui raconte, on est au cœur de ses pensées, de ses ressentis,
de ses émotions. On devrait avoir pitié mais on ce n’est pas vraiment le cas.
On s’interroge surtout sur le « comment va-t-elle rebondir, se sortir de
cette situation où elle s’enfonce ? » et lorsqu’on découvre les
derniers chapitres, on est encore surpris.
Cette lecture m’a étonnée et m’a beaucoup intéressée. On
sort des sentiers battus et ce n’est jamais pesant.
NB : Merci à la traductrice qui a fait un bon travail !
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