La peur bleue
Auteur : Maurice Gouiran
Éditions : Jigal (20 Mai 2021)
ISBN : 978-2377221271
260 pages
Quatrième de couverture
Plusieurs meurtres de vieux harkis, dans une scénographie
aussi horrible que spectaculaire, semblent dégager d’effrayants relents de
vengeance. Mais qui peut en vouloir aujourd’hui à ces octogénaires ? Et
pourquoi ? Clovis Narigou se laisse entraîner, une fois de plus, dans une
enquête qui fera resurgir les vieux fantômes et les non-dits d’une guerre
d‘Algérie qui n’osa jamais dire son nom. Les recherches de Clovis Narigou et de
la capitaine Emma Govgaline s’avèrent d’autant plus délicates qu’il y a de l’électricité
dans l’air : la cité phocéenne est en proie au scandale de l’habitat indigne,
des immeubles effondrés et des logements insalubres loués par quelques élus
locaux indélicats.
Mon avis
Maurice Gouiran est un dénicheur d’affaires tues, oubliées,
ou dont on n’a qu’une version expurgée. Il n’hésite jamais à écorcher les
hommes politiques vivants ou décédés. Autrement dit, il ne manie pas la langue
de bois et secoue le cocotier, quitte à déranger. Sa grande force, c’est qu’il
oblige le lecteur à aller plus loin, à réfléchir, voire à se documenter pour
mieux comprendre les thématiques soulevées. C’est un aspect très intéressant et
didactique de ses récits.
Cette fois-ci, on pénètre dans son roman par deux entrées. On
est à Marseille où une enquête est diligentée pour comprendre pourquoi
plusieurs immeubles se sont effondrés.
Les élus dénoncent la pluie qui a probablement provoqué des éboulements.
La capitaine Emma Govgaline mène des investigations pour savoir, entre autres,
si les travaux obligatoires d’entretien ont réellement été faits …. Qui se
cache derrière la location de ces logements qui, au final, étaient non
fonctionnels, insalubres ?
En parallèle un vieil
homme est retrouvé mort, assassiné. Un des policiers dépêchés sur les lieux
reconnaît son père avec qui il avait perdu contact. La mise en scène pour
présenter le corps est particulièrement horrible. Il s’avère que c’était un
paisible retraité, harki et que ce crime ne va pas rester un cas isolé. Qui est
le tueur ? Quel message essaie-t-il de faire passer en agissant
ainsi ? Quel but poursuit-il ?
J’ai très vite réalisé que je connaissais peu de choses des
harkis. La vie dans des camps (avec des conditions très difficiles), la
non-reconnaissance par l’état, oui, mais je n’imaginais pas tout. Et surtout j’ignorais
les mots durs prononcés par certains dirigeants français.
Je pense que Monsieur Gouiran est un humaniste. Il glisse sa
gouaille marseillaise dans son texte mais on ne rit pas tant que ça.
Finalement, pas étonnant qu’il cite Escudero, ils se ressemblent. Ce sont des « révoltés »,
droits, engagés, qui luttent avec leurs mots, et qui n’ont pas peur de dire ce
qu’ils ressentent. Et qui nous obligent à ouvrir les yeux.
Dans ce recueil, l’auteur évoque la guerre d’Algérie et une
opération : « La bleuite » ou « Le complot bleu », dont
peu, tant en Algérie qu’en France ont entendu parler. Cela consistait à écrire
des listes de soi-disant collaborateurs algériens de l'armée française et à les
donner aux chefs de l’Armée de libération nationale (ALN) pour entraîner un
« nettoyage » en tuant les personnes ainsi désignées. Des faits
historiques réels et terriblement injustes. Ici, ils permettent de tisser une
belle intrigue.
Clovis, le journaliste, berger dans la garrigue va aider
Emma et ses collègues à questionner les personnes liées de près ou de loin aux
harkis tués. Ils vont remonter la piste à l’envers pour comprendre l’indicible,
alerter ceux qui restent, éviter que de telles erreurs se reproduisent.
C’est avec une écriture vive, alerte, accompagnée de
nombreuses références historiques que l’auteur construit son texte. Il parle d’une
guerre qui date de plus de soixante ans et qui a encore des répercussions aujourd’hui
sur les descendants des harkis… C’est noir, c’est dur mais ça parle de la vraie
vie, pas celle qu’on met en vitrine, non, l’autre, qui est dans l’arrière-boutique
où il faut vraiment creuser pour voir….
NB : Encore une superbe couverture !
Page 29, Lény Escudero - Sacco et les autres, je l’ai écouté avant de reprendre ma lecture…. Quel chanteur !
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