Les eaux noires
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (7 Octobre 2021)
ISBN : 978-2372580922
252 pages
Quatrième de couverture
Lorsque les eaux noires recrachent le corps de la fille de
Joséfa, personne ne peut imaginer la descente aux enfers qui attend les
habitants de la Baie des Naufragés. L'assassin restant introuvable, à l'abri
des petits secrets et des grands vices, une mécanique de malheur va alors tout balayer
sur son passage…
Mon avis
C’est presqu’au milieu de nulle part … Yprat, une baie peu
habitée dans le Nord. Un cul de sac en quelque sorte avec quelques maisons.
Tout se sait, tout se voit, tout s’entend … Pourtant dans chaque demeure, il y
a des secrets, des non-dits. On s’attarde d’abord sur Joséfa qui élève seule sa
fille, Suzy, 17 ans. Elle travaille de nuit et a confié la clé à des voisins
obligeants que Suzy pourra appeler en cas de problème. Elle n’a pas vu ou
plutôt pas voulu voir que son adolescente est en train de devenir une belle
femme… Les enfants restent toujours les « petits » de leur mère.
Alors quand Suzy est retrouvée morte dans une tenue légère, cette mère ne peut
pas y croire. Ce n’est pas possible, qu’est-ce qui lui a échappé, de quoi
est-elle coupable, elle qui a fait le maximum pour sa progéniture ?
Elle harcèle la police, les amies de Suzy, les voisins,
celui qui sort le soir pour fumer, celui qui se promène la nuit pour faire des
clichés d’oiseaux nocturnes, celle qui voit tout derrière ses rideaux…
Bien entendu, elle n’obtient pas de réponse, personne n’a rien vu ou personne
ne veut parler, comment savoir où se situe la limite ? Elle devient
lionne, s’accroche, insiste, sombre dans des espèces de délire, se met en
colère contre tout le monde. Elle ne comprend pas, elle veut des réponses. On
sent que c’est une mère courage, qu’elle se battra toujours quitte à y laisser
son emploi, sa santé, ses quelques soutiens ….
Mais la situation traîne, les gens se moquent de cette femme
qui continue de croire qu’elle va trouver le coupable. Enfin, sa fille dans
cette tenue affriolante, ça voulait bien dire quelque chose non ? Et puis
cette maman n’était-elle pas très (trop ?) proche de certains voisins
célibataires ? On peut légitimement se poser des questions, non ?
Dans cette baie, tout se sait, mais rien ne se sait. Sans
doute la faute à quelques taiseux, à quelques langues de vipère, les uns ne
parlent pas assez, les autres parlent trop….pas de mesure et si en plus on
rajoute les menteurs….
Avec une plume acérée, quasi chirurgicale, Estelle Tharreau décrit
à la perfection ce microcosme humain. Chaque personnage est détaillé dans ses
forces, dans ses failles, dans ce qu’il est, dans ce qu’il fait, dans ce qu’il
cache, dans ce qu’il montre. Personne n’est vraiment celui ou celle qu’on
imagine. Plus on avance dans le roman, plus on découvre de ci de là une petite
révélation qui peut changer le cours de l’enquête qui piétine. Cela modifie
également notre regard sur les habitants de ce coin paumé où même la nature
semble hostile.
Le récit avance au fil des jours, des semaines, des mois. On
suit les recherches de Jo, les investigations des policiers. Si la mer pouvait
parler, si les vagues pouvaient murmurer… car c’est bien cette baie qui est le
témoin majeur, celle qui sait tout et ne peut rien dire. En lisant, je visualisais
les flots grondeurs, les cailloux, j’entendais le vent, le bruit du ressac, je
sentais l’iode, et j’avais peur parfois… parce qu’on plonge dans cette
histoire, elle nous colle à la peau, on ne peut pas la lâcher, on veut savoir,
on veut que Jo trouve la paix ou quelque chose d’approchant….
Ce livre est réussi, il y a du rythme malgré un lieu
pratiquement fixe qui fait penser à un huis clos, l’angoisse monte au fil des
pages car on sent bien que personne n’est clair, qu’il faut se méfier et qu’une
étincelle peut tout enflammer.
C’est un excellent thriller avec une approche psychologique
des individus très intéressante.
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