"L'île des souvenirs" de Chrystel Duchamp

 

L'île des souvenirs
Auteur : Chrystel Duchamp
Éditions : L’Archipel (9 Mars 2023)
ISBN : 978-2809846973
242 pages

Quatrième de couverture

Quand Delphine se réveille dans un lieu inconnu, elle est menottée à un radiateur. Bientôt rejointe par une autre prisonnière, qu'elle connaît. L'enquête confiée à la Crim n'avance pas assez vite aux yeux de l'opinion.

Mon avis

Depuis ses premiers écrits publiés chez Archipel, je « suis » Chrystel Duchamp. Elle sait non seulement se renouveler mais son style se bonifie avec le temps. Ce titre (mon préféré) c’est du lourd et cette cofondatrice des « Louves du polar » a tout d’une grande !

La construction de son dernier roman présente les principaux protagonistes : les victimes, l’enquêteur, le profiler, la psycho traumatologue.  Dans chacune des parties, plusieurs chapitres nous emmènent à la suite de l’intervenant concerné. On découvre son profil psychologique, son rôle dans « l’affaire », ses réflexions, son raisonnement face aux faits qui sont évoqués. 

L’écriture est percutante, claire, concise, précise. En quelques phrases, on a les grands traits de caractère de chacun, ses envies, ses forces, ses faiblesses, même si certains se dévoilent moins. En parallèle l’intrigue continue car chaque personnage arrive dans le récit au bon moment pour prendre sa place et faire avancer les investigations. J’ai trouvé cela très astucieux, intéressant.

J’apprécie qu’à chaque fois l’auteur glisse des liens avec l’art, d’une façon différente, mais toujours captivante. Ici, le dessin de la couverture ainsi que le titre de l’ouvrage sont « rattachés » à des événements de l’histoire et c’est vraiment subtil. Chapeau ! De plus, on sent qu’elle se documente en amont pour intégrer de solides références dans son texte. Cela aussi c’est bien pensé car c’est fait avec intelligence. Elle nous éclaire notamment sur l’amnésie dissociative, le fonctionnement de la mémoire et les séances de remémoration. Jusqu’où un traumatisme important peut entraîner « l’effacement » de nos souvenirs ? Comment faire revenir ces derniers ? Dans quel but se rappeler la souffrance, l’horreur d’un vécu que notre cerveau a soigneusement choisi d’oublier ? On peut se demander si c’est bien utile, n’est-ce pas ? Et pourtant si cela peut aider à coincer un assassin, c’est une bonne idée non ?

Dans ce recueil, nous faisons connaissance avec Delphine, une jeune femme étudiante issue d’une famille bourgeoise. Elle a du mal à assumer son homosexualité car dans son milieu familial, c’est le genre de choix qui dérange. Pour ses études, elle s’est suffisamment éloignée pour cacher cette tendance à ses parents. Mais ce n’est pas si simple que ça. Quand on est amoureux-se, on a envie de partager, de faire connaître l’élu-e de son cœur à ceux qu’on aime. Comment faire si on sait que l’on ne sera pas compris ? Se taire ? Tricher ? Un jour, Delphine disparaît et se retrouve prisonnière. Qui l’a piégée ? Dans quel but ? Pourquoi ? Les enquêteurs piétinent et il leur faudra de l’aide pour cerner les acteurs de cette tragédie.

 La pression, l’angoisse montent au fil des pages. On a peur, on a mal pour certains qui se font malmener, questionner. C’est quelques fois lourd pour eux mais si c’est pour arrêter le meurtrier, on se dit qu’il faut en passer par là et basta. On se demande si ceux qui participent d’une façon ou d’une autre à l’enquête vont trouver la solution. Et quand on croit pouvoir souffler, Chrystel Duchamp nous sort un témoin qui nous déstabilise, nous bouleverse, nous laisse abasourdi. C’est très très fort et même si ça fait mal, c’est pour ça qu’on l’aime ! Bravo !

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