"Les fantômes ne pleurent pas" d'Ane Riel (Urværk)

 

Les Fantômes ne pleurent pas (Urværk)
Auteur : Ane Riel
Traduit du danois par Terje Sinding
Éditions du Seuil (12 Mai 2023)
ISBN : 9782021500363
274 pages

Quatrième de couverture

Alma vit seule. Elle se débrouille malgré sa mémoire vacillante et son grand âge. Les jours s’écoulent, identiques et lents. Jusqu’à ce qu’une amitié inattendue avec un petit garçon et son chien donne un nouveau souffle à son existence.

Mon avis

C’est le deuxième livre d’Ane Riel que je dévore. Elle a un don unique pour créer une atmosphère, avec une histoire atypique.

C’est un presque huis clos, on est dans la maison d’Alma et on n’en sort pas sauf par l’intermédiaire des souvenirs. Alma est une vieille dame, on découvrira son histoire familiale tout au long du livre lorsqu’elle se rappelle, entre autres, de certains faits. L’âge est là, maintenant elle est sourde, marche avec difficulté, a de l’arthrose, ne sort plus de chez elle. L’épicier pose de quoi manger chaque semaine. Tous les soirs, elle remonte son horloge de Bornholm, « sa dame ». Elle a un lien particulier avec cette pendule. Elles ne peuvent pas vivre l’une sans l’autre, vont-elles s’arrêter en même temps ?

Alma voit ses capacités diminuer, elle se moque de ses faiblesses, de ses difficultés mais elle choisit de vivre encore sans jamais se lamenter. Un jour, Alma voit, sur le chemin qu’elle aperçoit de chez elle, un petit garçon et son chien, elle va essayer de rentrer en contact avec eux. C’est quelque chose qui la « bouscule » un peu, qui l’oblige à laisser ses habitudes et petites routines de côté. Elle vit, dans un premier temps, cette rencontre dans son imagination et puis qui sait ?

Mais Alma oublie. Alors elle met des petits papiers comme autant de rappels à la « normalité ». Elle s’apostrophe : pense à boire, parfois tu perds la tête etc. Il ne faudrait pas qu’elle rate quelque chose. Chaque jour elle avance à petits pas et de temps à autre, un événement antérieur se rappelle à elle.

Dans les chapitres, aux titres assez courts, on alterne le passé et le présent, il n’y a pas de repères mais ils seraient inutiles, le lecteur sait exactement où il en est. Les phrases sont le plus souvent courtes et elles font mouche. Des descriptions précises faites de peu de mots, tout le superflu ayant été ôté. On est au cœur des sentiments, des scènes, on y est, comme si on assistait à chaque fait. Il faut même, parfois, lire et comprendre entre les lignes parce qu’on ne parle pas de tout.

L’écriture est magnifique (j’ai lu que Terje Sinding, le traducteur, était norvégien, mais il a réalisé, je pense, un travail remarquable donc il doit bien connaître la langue danoise). Le récit est empli d’émotions diverses, c’est dur avec des pointes d’humour, c’est tendre avec une belle réflexion sur le temps qui passe, la mort qui approche…. C’est à la fois bouleversant, attendrissant, captivant. Le texte est écrit du point de vue d’Alma (sans employer le « je ») et on a ses impressions. Comme il arrive que son esprit soit confus, on doit ensuite assembler les différents éléments qu’elle a donnés. Mais pour autant le style n’a rien de brouillon et c’est tout à fait remarquable que l’auteur ait réussi à retransmettre le ressenti de cette femme qui se perd un peu.

J’ai eu beaucoup d’affection pour Alma, qui est restée droite malgré ses souffrances, qui a su décider de bouger hors de ses lignes pour aller vers un garçonnet afin de partager de petits bonheurs avec lui.

Ce recueil est captivant, étonnant, inoubliable. Pour moi Ane Riel est un écrivain de qualité au phrasé exceptionnel.


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