Nos cœurs disparus (Our Missing Hearts)
Auteur : Celeste Ng
Traduit de l’anglais par Julie Sibony
Éditions : Sonatine (24 Août 2023)
ISBN : 978-2355849831
386 pages
Quatrième de couverture
États-Unis d'Amérique, dans un futur pas si lointain.
L'existence de tous est rythmée par des lois liberticides. Tout citoyen de
culture étrangère est considéré comme dangereux pour la société. Les livres
tenus pour séditieux sont retirés des bibliothèques. À commencer par ceux de la
poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt
Mon avis
« Peut-être que c’est ça, la vie, après tout :
une liste infinie de transgressions qui n’empêchent pas les joies mais
simplement les recouvrent, les deux listes se mêlant et se confondant l’une
l’autre, tous ces petits moments qui constituent la mosaïque d’une personne,
d’une relation, d’une vie. »
On est aux Etats-Unis, ça pourrait être bientôt ou plus tard
… On se doit de rester vigilant… Seuls les américains sont des gens bien. Les
autres, il faut s’en méfier, surtout s’ils sont asiatiques car c’est à cause
d’eux que les problèmes économiques sont arrivés. D’ailleurs savent-ils élever
leurs enfants ? Ne leur apprennent-ils pas des choses erronées ? Il est
préférable de leur ôter la garde de leur progéniture, de les confier à des
familles d’accueil qui les guideront dans le droit chemin, comme leurs
enseignants. Les livres ont disparu, ou presque. Ne subsistent que ceux qui
sont sélectionnés, choisis mais le plus souvent, comme disent les professeurs,
ils sont obsolètes dès qu’ils sont publiés donc inutiles de lire… Le PACT
(Preserving American Culture and Traditions Act : Loi sur la sauvegarde de
la culture et des traditions américaines) a été instauré, il est considéré
comme « crucial pour la sécurité nationale » et la plupart
pensent qu’il a mis fin à la Crise. Dans les rues, partout, les
étrangers essaient de se faire oublier, ils baissent la tête et se cachent. Dix
ans que ça dure, que le monde est lisse, aseptisé.
Mais depuis, quelques mois, quelques-uns luttent dans
l’ombre. Ils ont repris comme slogan, une phrase d’une poétesse
sino-américaine, Margaret Miu. Elle, elle a tout fait pour ne pas se faire
remarquer, ainsi que son mari Ethan et son fils Bird. Mais le gouvernement l’a
dans le collimateur, ces gens qui se révoltent, c’est à cause d’elle,
non ?
Comment faire pour ne pas mettre en danger sa famille ?
Comment faire pour que les mots, les phrases, le vécu de chacun ne perdent pas
de leur force, de leur intérêt ? Comment continuer de transmettre tout ce
qui a existé, existe encore en quelque sorte et que les jeunes ignorent ?
Car c’est bien ça, entre autres, le nœud du problème. Le
PACT isole, vide la spontanéité, tout semble policé, parfait, mais uniquement
si on suit les règles imposées. La poésie de l’instant suspendu quand on croise
une situation originale (je pense aux statues, aux arbres évoqués dans le
récit) n’existe plus.
Cet excellent roman nous apporte le point de vue de Bird
puis celui de sa Maman, mais tous les autres protagonistes sont très présents. On
suit le quotidien, celui qui affole, qui fait peur ou celui qui donne envie d’espérer,
de penser que l’homme peut être bon, à l’écoute, respectueux. On ne sait pas ce
qu’il va se passer, tout est possible, alors on lit, on s’accroche car c’est
très addictif ! On voit ceux qui se résignent, ceux qui ne baissent pas
les bras et on ne sait pas de quel côté on aurait été parce que la peur est là….
L’écriture de Celeste NG est lumineuse, puissante, lyrique,
fascinante. Elle vous embarque, vous met les larmes aux yeux, vous laisse le cœur
en vrac, vous bouleverse, vous emplit d’un tas d’émotions, de sentiments ….
Chaque phrase fait mouche, vous transperce, vous cloue….
Cette lecture est un coup de cœur mais également un coup au cœur
parce que c’est douloureux de se dire qu’il faut faire attention pour que de
tels actes ne voient pas le jour. En fin d’ouvrage, l’auteur nous parle de la
genèse de son histoire et c’est édifiant.
Des recueils comme celui-ci sont indispensables pour ne pas
oublier et ne pas perdre la liberté, nos libertés….
« Tous nos cœurs disparus
Disséminés, partis germer ailleurs. »
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