Sur les chemins perdus
Auteur : Stéphane Chaumet
Éditions : Globe (11 Janvier 2024)
ISBN : 978-2383612759
144 pages
Quatrième de couverture
Après cinq ans d’emprisonnement, Karen regagne la liberté et
les rues bruyantes de Bogotá. Enfermée, elle avait fini par trouver sa place,
malgré la promiscuité et les injustices de cette société miniature. Une fois
dehors, elle se tourne vers Sacha, un poète venu donner des ateliers d’écriture
aux prisonnières. Avec lui, elle ne va pas écrire, mais parler, livrer le récit
d’une vie bouleversée par la violence.
Mon avis
Court mais percutant !
En sortant de prison, Karen a contacté Sacha. Pourquoi
lui ? Elle ne sait pas vraiment l’expliquer. Il avait animé des ateliers
d’écriture lorsqu’elle était emprisonnée et un lien ténu, mais un lien quand
même, s’était tissé entre eux. Est-ce pour ça qu’il lui avait laissé son numéro
de téléphone, pour poursuivre éventuellement les séances ? Ou plutôt pour
qu’elle ait quelqu’un à qui se raccrocher une fois dehors ?
Toujours est-il qu’elle envoie un sms et qu’il lui répond.
Elle débarque chez lui pour partager une soupe. Et ce ne sera pas seulement un
repas, elle va au fils des rencontres et des jours, vider son sac, petit à
petit, par balbutiements, par bribes, car ça lui fait mal de revenir sur son
histoire. Elle a une trentaine d’années mais c’est comme si elle avait vécu
vingt vies.
C’est un long monologue qui nous est présenté mais il n’a
rien de soporifique, bien au contraire. L’auteur a une plume sure, sensible,
très juste dans le propos. Il a fait de
nombreux séjours en Amérique du Sud, a vécu à Bogotá où se déroule ce livre. Qu’a-t-il
observé, vu ?
Il décrit le cheminement de Karen, les routes qu’elle a
prises suite à de terribles concours de circonstances. Les choix qu’elle a
faits, ceux qu’elle a subis car il ne pouvait pas en être autrement. Ses
espoirs, ses peurs, ses désillusions. Son envie de vivre, d’avancer, de s’en
sortir malgré les difficultés, les obstacles. Elle s’est fourvoyée, Karen, elle
n’a pas toujours fréquenté les bonnes personnes mais sa volonté lui a permis de
continuer même face à l’injustice. Les FARC, les paramilitaires, la violence de
la guérilla, les rapports sexuels forcés, l’avortement, elle a tout connu dans
des conditions exécrables, à la limite invivables. Elle a dû mentir pour
survivre. Comment s’en sortir avec de tels traumatismes comme bagages ?
L’auteur a su se glisser dans la peau d’une femme, il lui prête
sa voix et porte sa parole à travers ses mots, ses phrases, dans un style
puissant, porteur de sens, bouleversant. Il nous montre comment la prison peut
transformer en bien ou en mal. Il évoque les médias en Colombie qui ne
s’intéressent aux geôles que lorsqu’il y a des mutineries ou des morts.
Cette lecture a été pour moi une claque. Stéphane Chaumet a
su me transmettre des émotions très fortes à travers le parcours chaotique
d’une femme attachante malgré ses erreurs. Qui n’en fait pas ? Qui
pourrait se permettre de la juger ? Même la justice s’est trompée….
Ce roman est un cri.
Celui d’une femme qui hurle sa détresse, sa honte quelques fois, son besoin
viscéral de vivre malgré tout. Comme si en se confiant elle expulsait tout ce
qui l’a détruit pour se reconstruire enfin.
Celui presque muet de Sacha, qui écoute, accompagne, guide en toute discrétion,
acceptant les sautes d’humeur, les revers de Karen lorsque l’émotion la
submerge et qu’elle n’arrive plus à communiquer.
Celui silencieux du lecteur, de la lectrice, le ventre noué, les larmes au bord
des cils qui espère des jours meilleurs pour cette femme….
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