"À propos des femmes" de Susan Sontag (On Women)

 

À propos des femmes (On Women)
Auteur : Susan Sontag
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nathalie Bru
Et par Robert Louis et Philippe Blanchard pour l’essai « fascinant fascisme »
Éditions Christian Bourgois (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2267056167
226 pages

Quatrième de couverture

Ce recueil rassemble pour la première fois les textes les plus importants sur la condition féminine publiés par Susan Sontag dans les années 1970, un moment d’effervescence conceptuelle sur cette question. Elle y écrit sur la beauté, le vieillissement féminin, la sexualité et le pouvoir, se révélant être une pionnière dans la lutte pour une véritable égalité, tout en restant l’écrivaine polémique qu’elle a toujours revendiqué être. Elle y discute de manière vive avec d’autres penseuses féministes, comme Adrienne Rich. Car ces textes sont aussi l’occasion pour Sontag de s’engager, de se livrer sur son parcours singulier et de dévoiler ce que signifie pour elle de vivre en tant que femme.

Mon avis

Susan Sontag (1933-2004) est une essayiste, romancière et militante américaine. Les textes (des essais, un échange avec Adrienne Rich et une interview) rassemblés dans « À propos des femmes » ont été écrits dans les années 70 et restent d’actualité pour la plupart. Ils abordent des thèmes variés.

Le premier « Les deux poids deux mesures du vieillissement » est édifiant. Je l’ai trouvé très juste et réaliste. Susan Sontag souligne notamment que certaines choses n’ont pas le même impact s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. La « valeur » des rides qui peuvent « embellir » ou le contraire. Les femmes qui doivent rester séduisantes et attirantes, qui seront plus vite critiquées si leur partenaire est plus jeune alors qu’on le tolère chez les hommes. Toutes les remarques qu’elle fait, même si on souhaite que ce soit différent (et ça l’est mais pas très souvent, soyons honnête) sont encore synonymes de ce que nous, les femmes, rencontrons ou vivons. J’ai souri en lisant ce qu’elle dit sur le fait de mentir sur notre âge (le compteur doit se bloquer, non ?), c’est tellement vrai ! C’est l’essai que j’ai préféré.

Pour le deuxième « Le tiers monde des femmes », il y a des réponses à des questions qui lui ont été posées. Elle parle de féminisme et explique qu’elle ne se définit pas comme une femme libérée. Pourtant en la lisant, j’ai pensé qu’elle n’en était pas loin. Elle écrit entre autres :

« La première responsabilité d’une femme « libérée » est de mener une vie la plus pleine, la plus libre et la plus imaginative possible. Sa seconde responsabilité est d’être solidaire des autres femmes. »

Je ne vais pas détailler toutes les parties de ce livre mais c’est très intéressant. Elle laisse libre cours à ses idées, à ses réflexions. Son analyse pour le bronzage est plus que vrai.

« Ce qui est prisé tant dans la pâleur que dans le bronzage est une couleur de peau dissociée du labeur -signe de luxe, de privilège, de loisir. »

Tout a été bien traduit car l’écriture est fluide, le vocabulaire de qualité. La préface apporte des informations sur l’auteur, ses choix de rédaction et le moment où elle a créé ses textes. J’ai beaucoup appris sur elle et, bien sûr, j’ai cherché d’autres renseignements, sur sa vie personnelle pour mieux la connaître.

Lorsqu’elle participe à un entretien ou répond à des questions, elle ne cache pas ses idées, elle dit ce qu’elle pense sans tabou, elle s’exprime avec force, elle ose, elle revendique … Elle a dû déranger et c’est sans doute pour ça que certains l’assimilaient à une écrivaine polémique. Mais je pense que finalement des personnes comme elle, impliquées, ne pratiquant pas la langue de bois, sont très utiles pour ouvrir de nouvelles perspectives et donner l’élan nécessaire à d’autres pour ne pas se laisser enfermer dans un « rôle », une « image ».

Le ton employé, le style m’ont beaucoup plu. C’est très abordable et ces textes nous apportent un autre éclairage sur des sujets divers. Une belle découverte !


"Mon Noël avec Marcia" de Peter Stamm (Marcia Aus Vermont)

 

Mon Noël avec Marcia (Marcia Aus Vermont)
Auteur : Peter Stamm
Traduit de l’allemand (Suisse) par Pierre Dehusses
Éditions : Christian Bourgois (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2267047707
80 pages

Quatrième de couverture

Alors que l'année touche à sa fin, Peter est convié à une résidence d'artistes dans le Vermont, au nord-est des États-Unis. Dès son arrivée, d'étranges événements font ressurgir les fantômes de son passé : tout semble évoquer Marcia, la femme qu'il a rencontrée trente ans plus tôt à New York, où il essayait de se faire un nom en tant qu'artiste. Le Noël qu'ils ont passé ensemble, découvre-t-il maintenant, aurait pu changer sa vie à jamais.

Mon avis

Ce petit livre explore les souvenirs, la mémoire, le passé, le futur, les relations humaines.

Peter est un peintre renommé et il est convié à une résidence d’artistes dans le Vermont, aux Etats-Unis. Il y a trente ans, à New-York, il a rencontré Marcia et son père semble être le mécène à l’origine du projet auquel il va participer. En découvrant ce lien, des réminiscences remontent …

Trente ans avant, il n’arrive pas à percer en tant qu’artiste. C’est la période de Noël, il décide de ne pas rentrer auprès de ses parents et de rester près de la statue de la Liberté. Alors qu’il déambule dans les rues, une femme lui demande du feu et puis elle suggère qu’ils achètent (mais elle n’a pas d’argent) quelques petites choses pour faire une soirée car c’est son anniversaire. C’est ce qu’on appelle une rencontre improbable mais il la suit après avoir un peu hésité. Il découvre son quotidien, sa façon bien particulière de gérer les relations humaines, notamment avec un couple d’amis. Au bout d’une semaine, il choisit de repartir, disparaît et passe à autre chose. Il n’aura plus jamais de contact.

Et là, dans ce coin reculé, où il est venu en tant que peintre reconnu, tout le submerge. D’abord par petites touches puis par vagues, surtout lorsqu’il trouve un album dans le tiroir de la chambre où il est logé. Cet objet a-t-il été déposé à son intention, par qui et pourquoi ? Les questions s’imposent à lui. Qu’aurait été sa vie s’il était resté ? Peut-on regretter ce qui n’a pas existé et dont on ne sait rien ? Ou est-il préférable d’oublier et de tourner la page ?

« Nous ne savions rien l’un de l’autre et je crois que nous avons tous les deux compris à ce moment-là qu’il était trop tard pour rattraper quoi que ce soit. »

La résidence où il séjourne, un peu isolée, en pleine nature, est propice à l’introspection. Il essaie de se projeter, d’imaginer, d’avoir une vision de ce qu’il a raté, de ce qu’il a laissé, de ce qui aurait pu être. Mais si longtemps après, ses pensées sont floues. Les situations ont-elles été comme il le pense ? Ressasser, réfléchir à tout ça, à quoi bon ?

Le texte alterne entre passé et présent, montrant les liens entre les deux. Peter se questionne sur son interprétation des événements, de ce qu’ils ont vécu ensemble. A-t-il bien ou mal cerné ce qu’il se passait ? Tout cela reste assez fragile. Il n’est pas vraiment sûr de lui. Il ne sait plus. Et j’ai bien senti que, moi aussi, je ne saurais pas tout. Par exemple, on ne saura pas grand-chose de Maria (j’ai apprécié la place de la photographie dans sa vie). D’ailleurs le but de cette petite histoire, ce n’est pas forcément de tout comprendre …

L’écriture transmet une certaine forme de nostalgie, de douce mélancolie, idéale par temps de froid avec un chocolat chaud. On se laisse bercer par les mots de Peter Stamm (merci au traducteur) qui suffisent, malgré un petit nombre de pages, à nous emporter dans un autre univers pour nous faire rêver …


"Entre ses mains" de Lucinda Berry (Under her care)

 

Entre ses mains (Under her care)
Auteur : Lucinda Berry
Traduit de l’anglais par Florian Dennisson
Éditions : L’oiseau noir (1er Septembre 2025)
ISBN : 978-2494715646
366 pages

Quatrième de couverture

Un jour d'été en Alabama, le corps de la femme du maire, sauvagement assassinée, est retrouvé sous un pont ferroviaire. À côté du cadavre se tient Mason Hill, l'enfant autiste de l'ancienne Miss USA, Genevieve Hill. Il n'en faut pas plus pour que les habitants de la région se forgent une opinion : le garçon est coupable. L'inspecteur chargé de l'affaire convoque Casey Walker, une pédopsychiatre spécialisée dans l'autisme, pour l'aider à y voir plus clair dans cette enquête. Mais plus Casey passe de temps avec la mère de Mason, plus elle est convaincue que l'ancienne reine de beauté fait bien plus que simplement protéger son fils.

Mon avis

Ce sont deux mamans louves, l’une et l’autre sont mères d’un enfant atteint de troubles du spectre autistique. Chacune protège celui ou celle à qui elle a donné la vie, souhaitant lui offrir le meilleur. Ce sont des jeunes qui ont besoin de calme, de rituels, de peu de changements. L’une est mère au foyer, l’autre est pédopsychiatre, spécialisée dans l’autisme.

Mason, le fils de Genevieve Hill a été trouvé à côté du corps de la femme du maire, sous un pont ferroviaire. Elle a été assassinée, frappée à la tête avec une pierre. La mère de Mason, qui n’était pas loin, sait qu’il ne ferait pas de mal à une mouche. Ça ne peut pas être lui ! Mais pour les habitants du coin, il est forcément coupable puisqu’il était sur place et que rien ne prouve qu’il y ait eu quelqu’un d’autre de présent.

L’inspecteur Layne chargé de l’enquête s’interroge beaucoup sur Mason. Ce dernier ne communique pas par la parole, ni par une application dédiée. Comment le comprendre ? Sa maman, ultra protectrice, ne laisse jamais son fils, de peur de générer des angoisses et des crises chez lui. Alors le policier cherche une solution pour entrer en contact. Il demande à Casey Walker une pédopsychiatre de le soutenir pour les entretiens, d’observer pour mieux cerner la personnalité de ce jeune.

Construit sous forme de récit choral, ce roman distribue la parole tour à tour aux deux femmes. Elles expliquent leurs rencontres, chacune avec leur ressenti, leur vie quotidienne, leurs difficultés, leur colère parfois… On apprend à les connaître, on cerne leur fonctionnement. Mais ce qu’on voit est parfois la partie visible de l’iceberg. Que se passe-t-il une fois la porte refermée ?

La tension monte au fil des pages. J’ai senti rapidement que quelque chose ne tournait pas rond. Mais quoi ? Ou qui ? L’impensable m’a effleurée mais je me disais que c’était impossible.

C’est une lecture addictive, avec du suspense, des rebondissements, de nouveaux personnages qui apportent un autre éclairage, c’est plutôt bien fait. Il aurait pu être intéressant de creuser l’aspect psychologique des protagonistes, ce qui les pousse à agir comme ils le font. On le sait mais quelques détails en plus auraient été les bienvenus, notamment sur leur vécu.

Mais j’ai été frustrée par la fin, un peu rapide. Je n’ai pas eu toutes les réponses que j’attendais, c’est un peu dommage. Mais j’ai passé un bon moment, c’est l’essentiel !

"Point de fuite" d'Estelle Tharreau

 

Point de fuite
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2372581684
256 pages

Quatrième de couverture

Alors qu'une tempête se déchaîne, un criminel tente d'échapper à la police et à son complice. Une réceptionniste dépose une étrange valise dans une chambre d'hôtel où un petit garçon est enfermé. Une femme guette l'arrivée du père de son enfant, et un steward désespéré attend d'embarquer pour un vol ultime. Tous approchent du point de non-retour qui fera basculer leur existence.

Mon avis

Un grand aéroport. Des personnes qui se croisent. Certains se côtoient par le travail, d’autres ne se connaissent pas. Il y a ceux qui attendent quelqu’un et ceux qui vont partir, seuls ou accompagnés. Ils s’en vont, pourquoi ? Pour le boulot (peut-être sont-ils pilotes de ligne, steward… ou leur profession les entraîne plus loin), pour retrouver des êtres aimés, pour chercher leurs racines, ou éventuellement pour fuir…

Comme un arbre de probabilités, ce récit se construit et se déconstruit sous nos yeux. Au bout de chaque branche, une solution, une proposition. Laquelle est la bonne ? Une hypothèse n’est pas validée, une porte se ferme et une autre s’ouvre …

Et puis la tempête arrive, la neige s’en mêle, tout se fige. Tous restent sur place. Tout est bloqué. Qu’en est-il de ce qui était prévu, de ces vols qui devaient se poser ou décoller ? Comment chacun va-t-il réagir ? On ne peut rien contre les éléments, ils dominent la situation et on doit s’adapter. Sauf que la couche de neige au sol s’épaissit, le gel s’installe, déréglant tout, et les flocons continuent de tomber.

Dans les halls d’arrivée et de départ, dans les couloirs, les vestiaires, derrière les guichets ou les bureaux, le lecteur fait connaissance avec les différents protagonistes. Ce sont des inconnus les uns pour les autres. Seront-ils reliés à un moment ou un autre par un fil ténu ? Échangeront-ils, dans ce lieu confiné, quelques mots ? Vont-ils se refermer, s’isoler ou communiquer pour faire passer le temps en attendant que les conditions s’améliorent ?

Ce qui est sûr, c’est que les événements extérieurs perturbent les prévisions, que ça dérange l’ordonnancement de la journée et que chacun affrontera cette « adversité » avec son caractère, sa façon d’être. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment ce grain de sable, pardon, ces flocons de neige, interviennent et empêchent « la roue » de tourner comme d’habitude. Pourtant chaque individu lutte pour garder son sang-froid, ses sens éveillés, sa libre conscience pour agir avec discernement.

Un aviateur regarde l’heure pour monter dans son avion, une femme scrute les panneaux d’information pour l’atterrissage du vol dans lequel son mari bien-aimé, absent depuis longtemps, a pris place. Le temps s’étire, ils espèrent, doutent, se lèvent, se rassoient ou pas…

Pris dans leurs pensées, concentrés sur leurs problèmes, sauront-ls voir une éventuelle faille ? quelque chose qui sortirait de l’ordinaire ? Et si c’était le cas, que faire ?

J’ai aimé ce nouveau roman d’Estelle Tharreau, qui s’essaie à plusieurs genres. Dans un huis clos, le lecteur peut se lasser, on fait du sur place donc il est difficile de faire bouger les choses ! Comme elle a bien construit son intrigue, elle glisse des indices petit à petit pour relancer l’intérêt de son histoire.

C’est un récit d’atmosphère abordant des sujets graves, l’amour, le déni, la peur, les relations parents/enfants, le harcèlement et bien d’autres encore … L’auteur décrit toutes ses scènes avec doigté, voire délicatesse. Elle ne juge pas, elle observe tous ceux à qui elle a donné vie et tout ça s’anime sous nos yeux.

Son écriture est prenante, on a envie de savoir ce qu’ils, elles, vont devenir, quelles décisions seront prises et pourquoi… Je suis rentrée facilement dans cet univers, j’ai senti la tension monter… C’est bien écrit et agréable à lire.


"Et mes yeux resteront ouverts ... pour que dure l'éternité" d'Isabelle Beaujean

 

Et mes yeux resteront ouverts
pour que dure l’éternité
Auteur : Isabelle Beaujan
Éditions : Créations Libres Livres (18 Octobre 2024)
ISBN : 978-2322550968
160 pages

Quatrième de couverture

J'attrape des lignes... Tout est poésie. J'ignore complètement, si quelqu'un hors de ce niveau de conscience peut comprendre. J'ignore si c'est un livre ou autre chose. C'est très fort... Je ne sais même pas si on finit un livre comme ça. C'est autre chose...

Mon avis

Il y a des livres qui ne s’expliquent pas. Ils vous parlent au cœur, à l’esprit et vous savez que vous les garderez précieusement, que vous les relirez et les partagerez très peu, qu’avec ceux ou celles qui auront la sensibilité pour comprendre.

« Et mes yeux resteront ouverts » est de ceux-là.  Dans ce recueil, Isabelle Beaujean parle du deuil, de la béance laissée par ceux qui, arrivés au bout du chemin, ont quitté leur « manteau de chair ».

Avec différentes polices de caractères, elle nous fait rencontrer les êtres qui ne sont plus à portée de main mais à portée de pensée.  Elle établit des dialogues, des échanges, expliquant que rien n’est jamais rompu car le lien est toujours là. Que voudraient nous transmettre nos morts ? Ou plutôt que transmettent-ils d’essentiel pour que nous puissions continuer la route en sentant leur « présence », leur accompagnement ?

Elle explique comment elle a laissé monter les mots en elle. Ils ont « pris vie », non pas pour remplir le vide laissé par l’absent-e mais pour continuer la conversation, découvrir l’indicible, s’en imprégner, le garder au creux de soi. À

Écrire l’a libérée, l’a aidée. Écrire l’a portée.
La lire m’a offert une forme de sérénité. Ses phrases résonnaient en moi, comme si je les attendais…

Isabelle Beaujan se met à nu, nous « faisant don » de son texte. Les émotions m’ont traversée, profondément émue. C’est à la fois personnel et universel …

À lire et à relire car je sais qu’entre les lignes, beaucoup d’autres choses sont dites …

 

La note de l’auteure, dans les premières pages, ainsi que vers la fin, est bouleversante.


"Discours du chef Seattle" par Eric Derrien et Delphine Dumont

 

Discours du chef Seattle
patrimoine commun de l’Humanité
Retranscrit par Éric Derrien
Illustré par Delphine Dumont
Éditions au Pluriel (5 Septembre 2025)
ISBN : 978-2492598210
46 pages

Quatrième de couverture

Quand il fut prononcé en 1854, ce discours d’un chef indien connut diverses traductions par des missionnaires et par des militaires. Il s’en suivit deux formes de censures, l’une religieuse, l’autre stratégique...

Mon avis

Ce livre est un petit bijou tant par le contenu et la forme (texte et illustrations) que par le message qu’il transmet.

Éric Derrien est passionné de cultures sioux et amérindiennes (comme je le comprends, moi qui ai pleuré en lisant « Petit Arbre » et « Pleure Geronimo »). Il a étudié plusieurs versions du discours du chef Seattle et après les avoir confrontées, il a retranscrit ce que nous découvrons. Il a voulu être le plus proche possible de ce qui a été énoncé devant le représentant du gouvernement des États-Unis.

Pour rappel, il était proposé aux indiens de « vendre » leurs terrains aux américains et de s’installer, entre eux, tranquillement (!), dans une réserve… Ils sont restés dignes mais leur chef a parlé.

Le chef Seattle (1786-1866), comme ses semblables, était un sage (pour eux, on devrait mettre une majuscule à Sage). Il avait tout compris sur le rôle de la terre nourricière, du respect de la planète et de l’importance de la transmission aux générations futures, avec respect et intelligence.

Il parle de l’importance des traditions, de la terre qui accueille ceux qui sont morts pour que le lien reste. Il explique que la terre est sacrée et que si les blancs s’y installent, ils devront comprendre ça pour la chérir et l’honorer. Pour eux, la terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la terre.

Je ne vais pas détailler tout ce qui est écrit dans ce texte magnifique mais il est encore d’actualité. Le lire, le faire lire, est un moyen de faire venir des échanges, une discussion sur l’attitude de ceux qui « oublient » que préserver notre planète, vivre en harmonie avec la nature et les autres est indispensable

Les illustrations de Delphine Dumont ont été faites au stylo bille, c’est stupéfiant, bluffant ! Il y a plusieurs portraits (inspirés des photos d’Edward Curtis) et ils sont tous très expressifs et emplis d’émotions. Leur format réel est de 21 cm par 28 cm et chacun représente 70 à 90 heures de travail ! Le rendu est beau, très délicat. Le trait est d’une finesse extraordinaire.

Cette lecture m’a beaucoup émue, c’est le genre de recueil qu’il faut laisser à porter demain !


"Faux-semblants" de Didier Esposito

 

Faux-semblants
Auteur : Didier Esposito
Éditions du Caïman (12 Juin 2025)
ISBN : 978-2493739278
250 pages

Quatrième de couverture

Cartier travaille à la brigade criminelle de Valence et enquête sur une série de meurtres et de viols. Quand l'opportunité de mettre la main sur le suspect se présente, son groupe met en place au petit matin un dispositif de surveillance aux abords du domicile de sa maîtresse supposée. Mais l’affaire tourne mal et sous un déluge de balles, Cartier tire sur le suspect, celui-ci sombrant immédiatement dans le coma. Le policier est alors placé en garde à vue, les éléments allant à l’encontre de sa version s’accumulant. Mis en examen et suspendu, il commence alors une descente aux enfers. Il est même jeté en pâture aux médias et aux réseaux sociaux, sur la base d’images partielles de vidéo-surveillance se contentant pour la plupart de laisser libre court aux préjugés et aux raccourcis sur sa profession. Mais une fois les braises refroidies, des morts suspectes s’enchaînent dans l’entourage du policier suspendu. La chasse à l’homme reprend, loin des règles du code de procédure pénale...

Mon avis

Valence dans la Drôme, il pleut énormément ce soir-là et Cartier est au boulot. Avec ses collègues, il a enquêté sur plusieurs affaires qui semblent liées, des faits graves de viols et de meurtres. Recoupant leurs informations, ils pensent avoir trouvé le suspect. Comme celui-ci a une maîtresse, qu’il fréquente régulièrement, ils sont tous en place pour l’interpeler lorsqu’il viendra lui rendre visite.

Tout ne se passe pas comme prévu et Cartier tire sur l’homme qui finit à l’hôpital, dans le coma. Il faut prouver la légitime défense, ce devrait être simple mais ça ne l’est pas. Il est placé en garde à vue. Tout s’enchaîne et dégénère très vite. Quelques secondes d’une vidéo de l’altercation sur les réseaux sociaux et le voilà accusé de racisme (le blessé est d’origine africaine). Une bavure policière ? Certains médias s’acharnent sur lui, c’est l’engrenage avec des réactions en chaîne. La lente destruction d’un homme …

« Presque du jour au lendemain, l’enquêteur se retrouva sans emploi, sans fonction. Expulsé de la société. »

Comment quelqu’un qui est là pour faire régner la loi peut se retrouver de l’autre côté de la barrière ? Au début, il est confiant, il connaît les rouages, le timing. Il suffit d’être patient, tout cela va se régler vite. Sauf qu’il ne maîtrise rien, il subit. Et le peu d’éléments récupérés ne confortent pas sa version. Il se retrouve mis en examen et suspendu. Sa vie professionnelle vole en éclats et, dégât collatéral, sa vie personnelle ne vaut guère mieux.

Impuissant à se justifier, il perd pied, les nuits blanches s’accumulent. Que faire ? Il choisit de s’éloigner de la ville, pour être plus tranquille mais …. des événements bizarres surviennent dans son environnement immédiat. Relation de cause à effet ? Comment analyser ce qui lui arrive ? Entre ce qu’il croit percevoir et la réalité, il ne doit pas se tromper. De plus, il n’est pas censé travailler donc il se doit d’être prudent dans ces agissements.

Dans cet excellent roman, à l’écriture addictive, au rythme trépidant, l’auteur, officier de police judiciaire, démontre qu’une info sortie de son contexte, une image mal interprétée, peuvent fausser les réponses qu’on donne et les décisions qui sont prises. Il souligne l’influence de la presse, de la radio, de la télévision et de tous les réseaux sociaux. Certains sont avides de « scandale » pour faire de l’audimat et ne cherchent pas à vérifier ce qu’ils ont récupéré. Peu importe les dommages que cela peut engendrer.

Cette lecture m’a énormément plu. Je suis rentrée dans l’histoire et je n’avais plus envie de lâcher le livre. Je me suis interrogée. Après la suspension de Cartier, comment Didier Esposito allai-t-il faire rebondir son récit ? Il s’en est sorti de main de maître ! Chapeau ! Je n’aurais pas pensé à ce qu’il a mis en place et ça tient la route !

L’atmosphère des différents lieux est parfaitement retranscrite, les scènes également, ça pourrait donner naissance à un bon téléfilm !

Une intrigue bien ficelée et un suspense qui vous tiennent en haleine !