A l’ombre des Patriarches
Auteur : Pierre Pouchairet
Éditions : Jigal (Février 2016)
ISBN : 979-10-92016-66-6
292 pages
Quatrième de
couverture
Alors que la région
s’embrase à nouveau, que les affrontements intercommunautaires se multiplient
et que les morts s’accumulent de part et d’autre, Dany et Guy, deux inspecteurs
de la police judiciaire israélienne, enquêtent sur le meurtre d’une Européenne
retrouvée assassinée en plein quartier arabe à Jérusalem-Est. Ils débutent
leurs investigations sous haute tension d’autant que, pour les extrémistes, les
coupables paraissent tout désignés et qu’une telle horreur appelle forcément
vengeance… Parallèlement, Maïssa, flic palestinienne, se retrouve chargée
d’enquêter sur l’enlèvement d’une de ses amies en poste dans une organisation
internationale…
Mon avis
Et quand il croit
ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix…..*
Aragon avait raison… « Rien n'est jamais acquis à l'homme Ni sa
force Ni sa faiblesse ni son cœur… » et si besoin Pierre Pouchairet nous le
rappelle dans un excellent roman.
C’est en Israël, principalement à Jérusalem, que nous
retrouvons les personnages de ce livre.
Des hommes et des femmes qui se côtoient, toujours en équilibre
précaire, sur la brèche. Avec leurs différences,
leurs croyances, leurs convictions, leurs remords, leurs peurs, leurs
angoisses, ils vivent les uns près des autres s’acceptant tant bien que mal.
Parfois obligés de collaborer, de s’écouter, de se mettre d’accord et rien
n’est plus difficile que ça…. Surtout quand il y a un meurtre, qui plus est
celui d’une femme, trouvée assassinée dans un quartier chaud où elle n’aurait
pas dû être ….. Ce serait tellement plus simple de prendre les coupables qui
semblent tout désignés, les ennemis, ceux qui ne pensent pas pareils, qui ne
prient pas pareil…. Pourquoi mener l’enquête alors que la solution offerte sous
les yeux paraît évidente, arrangeant les medias et certains observateurs
extérieurs…. D’autant plus que lorsque certains veulent aller plus loin dans
les investigations, ils sentent bien qu’ils dérangent… Et il vaudrait mieux
maintenir un semblant de paix et de bonnes relations diplomatiques…. et faire comme si ……
On sent dans
l’écriture de l’auteur, combien la tension est présente, les situations à la
limite d’être explosives tant un mot, un geste, un coup de fil, un regard même,
peuvent être interprétés, analysés et de temps à autre exploités à mauvais
escient.
Décrire une telle mixité,
des événements aussi délicats, brûlants, sans tomber dans la caricature,
l’excès ou le voyeurisme n’est pas chose
aisée. Pierre Pouchairet excelle dans cet art de trouver les mots qui frappent
au cœur, tout en nous laissant l’esprit à vif pour enregistrer ce qui se passe.
On est là, ébahis, devant un quotidien décrit avec force et lucidité, fortement
ancré dans la vérité. Loin de la complaisance, c’est la réalité que nous
renvoient les phrases chocs. Des jours ordinaires avec leurs lots de violence,
de combats, de détresse humaine, de conflits sous jacents, difficiles à gérer
dans chaque lieu de travail, de rencontres……
Et puis de temps à autre, une lueur, un espoir, une main qui se tend,
une autre qui la rejoint. On se prend à respirer plus lentement, à savourer
cette accalmie, se demandant si les armes vont à nouveau faire feu….. Ce serait
tellement plus simple de rester dans cette bulle, loin du fracas…. Mais ce
n’est pas ça, la vraie vie, à Jérusalem et dans les alentours… C’est avec un accent de vérité qu’est décrit
le temps qui passe, là-bas, là où les hommes apprennent douloureusement à vivre
ensemble, faisant l’effort de ne pas se
méfier les uns des autres, essayant d’inscrire le mot confiance dans
leur vocabulaire…..
Les protagonistes de
cet ouvrage sont très humains, et de ce
fait ils sont fragiles dans leur humanité. Bien sûr, tous ou presque, vu le
contexte, font preuve de détermination, de volonté, mais ils ont une part
d’ombre, ils peuvent se montrer secrets, ne se dévoilant qu’avec parcimonie,
car pas totalement libérés, ni à l’aise, trouvant le regard des autres parfois
suspicieux ou lourd….. J’ai particulièrement suivi le parcours de Mike et de
Massa ainsi que les rapports qu’ils établissent avec autrui ….
J’ai énormément
apprécié cette lecture (une mention particulière pour la magnifique couverture
et cette belle phrase : « Et c’était bien
la présence des sépultures des patriarches qui rendait cet endroit aussi
symbolique pour les trois religions monothéistes se prévalant d’Abraham. »)
* Aragon
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