Khalil
Auteur : Yasmina Khadra
Éditions : Julliard (16 Août 2018)
ISBN : 9782260024224
264 pages
Quatrième de couverture
Vendredi 13 novembre 2015. L'air est encore doux pour un
soir d'hiver. Tandis que les Bleus électrisent le Stade de France, aux
terrasses des brasseries parisiennes on trinque aux retrouvailles et aux
rencontres heureuses. Une ceinture d'explosifs autour de la taille, Khalil
attend de passer à l'acte. Il fait partie du commando qui s'apprête à
ensanglanter la capitale. Qui est Khalil ? Comment en est-il arrivé là ?
Mon avis
« Il ne s’agit
pas de comment ça finit, mais de comment ça commence. »*
Avec un ton très juste, sans fioriture inutile, Yasmina Khadra
a pénétré dans l’esprit et l’intimité d’un kamikaze, Khalil. Une prise de risque
à la mesure de ce grand écrivain qui a réussi un nouveau roman empreint de
vérité, même si elle dérange. Aucun jugement, aucun atermoiement, des faits, rien que des faits … Khalil a grandi en Belgique mais il ne ressent pas
de sentiment d’appartenance à ce pays, dans lequel il arrive qu’on lui fasse
comprendre qu’il n’est qu’un étranger.
Que faire pour « être quelqu’un », pour
« exister » ? Lorsque de fréquentations en fréquentations, il se
retrouve face à des choix, il ne veut pas perdre la face, il suit le mouvement
dans un premier temps, puis, de fil en aiguille, il se construit une nouvelle
personnalité, persuadé d’être dans le vrai. Pas ou peu de dilemme, plus il
avance, plus tout cela lui apparaît comme la seule solution, qui plus est, la
meilleure.
« J’étais sur
leur chemin, objet perdu, ils m’ont ramassé et m’ont gardé puisque personne ne
m’avait réclamé . »
Avec un doigté remarquable, l’auteur pose des mots précis,
choisis avec intelligence sur le cheminement de Khalil qui est en recherche, qui
veut donner du sens à sa vie. Lui qui vivait de petits boulots, de petits
trafics, lui qui vivotait et ne faisait pas grand-chose, se retrouve avec un
idéal, une contenance. Il devient « visible »…. Le récit nous
montre l’évolution intérieure de cet homme, mais également sa métamorphose
profonde, la modification de ses relations avec la famille, les amis, les
voisins …. A travers ses pensées, ses conversations, on le voit changer,
devenir un autre, douter, puis revenir vers ses nouveaux frères….
« Je n’étais plus
une épave à la dérive- j’étais de nouveau sur mes rails, parfaitement dans mon
élément. »
En employant le « je », les paroles et les pensées de Khalil nous
percutent de plein fouet. On le sent sur la brèche, de plus en plus versé du
côté de la folie, qui pour lui, s’apparente à une forme de bien-être. C’est
d’une lucidité terrible tant l’auteur colle au parcours de cet homme, montrant
ce qui a pu l’amener à choisir l’inexplicable.
Il n’y a plus de discernement dans le quotidien de ce futur kamikaze, seul
compte son désir, son besoin d’être et pour cela il est prêt à tout….
Ce récit est une réussite, magnifiquement douloureuse, mais une réussite. L’auteur a pris des
risques en choisissant un tel sujet, il le maîtrise à la perfection, ne tombant
dans un aucun travers. Son écriture est incisive, précise, poétique de temps à
autre,
« La plaine
semblait broyer du noir en ce jour sans joie et sans soleil. »
porteuse de sens, profonde, magnifiée par chaque terme employé
d’une sobriété toute en retenue, d’une pertinence incroyable. Je ne sais pas
comment s’est fait le choix d’un tel thème, comment le récit a été écrit,
construit, mais ce dont je suis certaine, c’est que Yasmina Khadra est un
excellent explorateur des âmes humaines…..
* page 141
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