Ce monde disparu (World gone by)
Auteur : Dennis Lehane
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Isabelle Maillet
Éditions: Rivages (28/10/2015)
Collection : Rivages Thriller
ISBN : 978-2743634063
352 pages
Quatrième de couverture
En 1943, le monde est en guerre mais aux USA la mafia est
prospère. Après avoir régné sur le trafic d'alcool en Floride, Joe Coughlin a
passé la main à son second Dion Bartolo. Joe agit comme conseiller occulte pour
les gangsters Meyer Lansky et Lucky Luciano. Mais un jour, il reçoit la visite
d'un gardien de prison qui est porteur d'un terrible message : quelqu'un veut
sa peau. Troublé par cette mise en garde, Joe cherche à découvrir qui est son
ennemi. L'enjeu est d'autant plus sérieux qu'une taupe a rencardé la police sur
l'existence d'un labo de drogue clandestin...
Mon avis
C’est avec ce livre que Dennis Lehane conclut sa trilogie
sur la famille Coughlin. Contrairement au tome précédent, on ne se trouve pas
avec une grande fresque dans les mains (le nombre de pages a d’ailleurs
considérablement diminué), le temps et l’espace sont plus « ciblés », il y a
peu d’années, moins de lieux, moins de protagonistes….Ce n’est pas pour autant
une « petite » histoire. Le fond a du corps, de la tenue, même si Dennis Lehane
a fait beaucoup mieux.
Ce monde disparu est un monde désenchanté où les hommes ne
croient presque en rien, à part, peut-être, aux fantômes qui les hantent….
Joe est « rangé des voitures » mais sa vie, à moins de
quarante ans, ressemble à celle de quelqu’un qui a trop et mal vécu. Il a un
fils et pour ce dernier, il est père jusqu’au bout des ongles, le faisant
passer en priorité avant toute autre chose, d’autant plus qu’il n’a que lui, sa
maman étant décédée. Ce petit Tomas est peut-être la seule personne, en
apparence, car Joe est un dur qui ne se dévoile pas, qui lui procure des
émotions. Le protéger, ne pas en faire un orphelin est sa seule hantise, sa
seule raison de vivre ?
« Quand Tomas cilla, Joe comprit qu’il découvrait chez son
père quelque chose qu’il n’avait encore jamais vu : cette fureur redoutable et
glacée qu’il avait tout fait pour dissimuler au cours de son existence. [….] la
marque de naissance des hommes de la famille Coughlin. »
Je crois que, derrière la fureur glacée, déterminée, de Joe,
il y a un papa, un vrai, avec toute sa tendresse, tout son amour, toute son
affection pour Tomas, le sang de son sang….
La guerre des gangs existe, comme la seconde guerre mondiale
(en toile de fond assez peu développée) qui se déroule loin des Etats-Unis où
se situe le principal de l’action. La première est mesquine, insidieuse,
sournoise ; personne n’est fiable, même si chacun veut faire croire qu’il est
plus honnête que le voisin…. Mais c’est quoi l’honnêteté, c’est quoi « être de
la même famille et être frères » ?
Les faits sont retranscrits froidement, sans artifice,
bruts, et de temps à autre, sanglants. On observe les erreurs mais également
les réussites de ceux qui sont là, sous nos yeux. Les personnages de l’auteur
ont ce supplément d’âme qui les rend palpables et on se prend à aimer ses
voyous sans foi ni loi. Pourquoi ? Peut-être, parce qu’on voit au-delà des
apparences….derrière le masque de froideur que les gens de ce milieu adopte….
L’écriture est celle qui fouille les âmes, les raisons des
choix ou des refus et encore comment un être humain peut en arriver à basculer
du mauvais côté. Les destins sont marqués au fer rouge, les vies sont
tortueuses, torturées, jamais droites, mais ces trafiquants ont besoin de
sentir les poussées d’adrénaline pour avoir l’impression d’exister et ils ne
peuvent y arriver qu’avec le contact de la violence, de la fourberie, de la
fraude…. C’est leur moteur …. De toute façon, ils n’ont rien connu d’autre…..
Désenchanté, sans illusions, mais terriblement réaliste, ce
dernier opus termine la trilogie avec un ton précis et juste. Peut-être pas du
grand Lehane mais du bon, sans aucun doute.
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