Beaux rivages
Auteur : Nina Bouraoui
Éditions : Jean-Claude Lattès (24 Août 2016)
ISBN : 9782709650526
252 pages
Quatrième de couverture
C’est une histoire simple, universelle. Après huit ans
d’amour, Adrian quitte A. pour une autre femme. Beaux rivages est la
radiographie de cette séparation. Quels que soient notre âge, notre sexe, notre
origine sociale, nous sommes tous égaux devant un grand chagrin d’amour. Les
larmes rassemblent davantage que les baisers. J’ai écrit Beaux rivages pour
tous les quittés du monde. Pour ceux qui ont perdu la foi en perdant leur
bonheur. Pour ceux qui pensent qu’ils ne sauront plus vivre sans l’autre et qu’ils
ne sauront plus aimer. Pour comprendre pourquoi une rupture nous laisse si
désarmés. Et pour rappeler que l’amour triomphera toujours. En cela, c’est un
roman de résistance.
Mon avis
Rien n’est jamais acquis à l’homme…..
Ce récit se situe entre la tuerie au journal Charlie Hebdo
(janvier 2015) et l’attentat contre le Bataclan (novembre 2015). C’est une
période où les gens sont dans l’urgence de vivre, de profiter de chaque instant
mais également, pour certains, en plein doute.
Il s’appelle Adrian, elle se nomme A. Elle a longtemps pensé
que leurs initiales communes étaient « un signe », un de ceux qui préfigurent
un grand Amour, avec un A majuscule comme leurs prénoms. D’ailleurs, elle se
présente comme A. Comme si elle était transparente en dehors de son « nom », ne
vivant que par leur relation, n’existant qu’à travers cette lettre, « leur »
lettre…. C’est elle qui parle, qui autopsie, dissèque son départ à lui pour une
autre…. Les signes avant coureurs qu’elle n’a pas vus (ou pas voulus voir ?),
les silences, les absences. Ils se voulaient libres, chacun chez soi et
ensemble, chez l’un ou chez l’autre. Et puis, un jour, l’annonce par texto….Et
pour elle, la lente dégringolade…. « Adrian avait détruit l’espérance…. »
Que faire ? Sombrer dans le désespoir ou se battre et avec
quelles armes ? Elle découvre que sa rivale, l’autre, son ennemie détestable
tient un blog où elle s’expose, se met en scène avec ou sans Adrian, à la vue
de tous, donc de A. Pourquoi agit-elle ainsi ? Est-ce une méthode pour reléguer
A ., loin, très loin, est-ce une façon de se persuader qu’Adrian et elle
existent en tant que couple ? Et pour A., comment agir ? Elle ne sait plus …
Doit-elle se tenir éloignée de ce mode de communication ou au contraire,
regarder jusqu’à plus soif, pour guérir de son aimé en le reléguant au range
des souvenirs? La femme qui tient ce blog choisit-elle ce qu’elle expose pour
la faire souffrir de l’autre côté de l’écran ou ne fait-elle que ce qui lui
plaît: poster des photographies avec des commentaires? Jusqu’où la manipulation
des réseaux sociaux peut-elle aller ? Un lien existe, A. ne peut le nier, mais
est-il sain ou pervers ? Va-t-il l’aider à guéri r ou la détruire encore plus ?
« Nous étions reliées, en dépit de la haine que j’éprouvais. »
Le style de Nina Bouraoui est à découvrir. Les phrases sont
longues, très longues, seulement rythmées par quelques virgules. Comme
lorsqu’on se confie, presque en apnée, reprenant de temps à autre sa
respiration. Les vannes sont ouvertes alors elle parle, elle parle… On dirait
qu’il lui faut tout dire, tout révéler avant que le souffle lui manque….. Elle
joue avec la ponctuation, les ellipses, un phrasé parfois saccadé pour nous
transmettre toutes les questions qu’elle se pose, tous les souvenirs qui
surgissent, l’espoir que peut-être …. et puis tout d’un coup le fait que, à
quoi bon espérer, croire en d’autres possibles ? Le ton est juste, c’est celui
des êtres blessés dans leur cœur, celui de ceux qui veulent comprendre le
pourquoi (mais y-a-t-il quelque chose à expliquer dans les sentiments ?)
lorsqu’un jour leur univers s’écroule…..
« L’amour est à réinventer » a dit Rimbaud. L’écriture de
l’amour aussi et Nina Bouraoui le fait bien joliment….
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