Noir côté cour
Auteur : Jacques Bablon
Éditions : Jigal (15 Septembre 2020)
ISBN : 978-2377221066
178 pages
Quatrième de couverture
Paris. Un immeuble ancien avec une cour pavée. Cinq étages.
Fin de semaine calme. Si ce n’est que… Que la grosse fête au quatrième chez ces
trentenaires bien dans leur époque tourne mal. Qu’au premier, un des deux
Lettons de passage dans la capitale a pris un éclat de grenade GLI-F4 dans le
dos et saigne comme un bœuf. Que l’homme du deuxième qui a accueilli une
sans-papiers ne rêve que de la baiser…. Etc….
Mon avis
Goutte d’eau….
C’est insidieux une goutte d’eau, ça se glisse, ça
dégouline, ça passe entre les lattes du plancher, ça descend chez le voisin et
ça peut faire des dégâts….C’est par l’intermédiaire de cette goutte que nous
allons visiter un petit immeuble parisien de cinq étages. Une cour pavée, des
caves, des fenêtres complètent l’ensemble. Sur la pointe des pieds, le lecteur
accompagne la goutte et passe sur les différents paliers. Derrière chaque
porte, des hommes, des femmes, ordinaires, des gens qui semblent discrets, ne
cherchant pas à se faire remarquer. Certains observent silencieusement,
d’autres attendent une opportunité ou fuient doucement, un seul ne bouge plus,
se tait, il est mort. L’eau le frôle, il ne sent rien….
Qui sont tous ces gens, qu’ont-ils en commun ? Ils
partagent ou ont partagé la même résidence. Parfois ils se parlent un peu,
parfois pas du tout. Il y a ceux qui vivent leur vie sans s’occuper de ce qui
se passe, d’autres observent, surveillent, analysent chaque fait et geste.
Jacques Bablon est un minimaliste, en quelques mots bien
ciblés, il campe un décor, décrit ses protagonistes et dès les premières
lignes, on est dans l’histoire. Comment, en si peu de phrases, peut-il planter
une atmosphère, nous faire partager les tourments, les joies, les secrets de
chacun ? Tout simplement parce qu’il utilise un vocabulaire précis,
pointu, des phrases courtes sans fioriture. Ça frappe fort, ça va à l’essentiel
et ça suffit largement pour qu’on comprenne que la vie, très souvent, c’est une
succession d’événements infimes, de hasards, qui modifient le cours d’un
quotidien que l’on croyait bien réglé. Rien n’est acquis, rien n’est défini.
Les habitants de l’immeuble nous le démontrent. Quand on sait ce qu’ont fait les voisins, ou
ce qu’ils font ou ce qu’ils voudraient faire, on a comme une forme de pouvoir
sur eux et on peut agir pour interférer sur leur avenir. Ils n’ont pas une vie
facile, et elle ne leur fait guère de cadeaux…. Alors ils cherchent, imaginent,
envisagent ce qui pourrait être … En parallèle, on se demande qui a assassiné
l’homme trouvé mort et comment tout cela va s’imbriquer ….
Dans ce court roman, Jacques Bablon évoque, par petites
touches, des sujets brulants, d’actualité : les Black Bloc, les migrants,
les hommes non respectueux des femmes, la famille et la place prépondérante
qu’elle tient chez chacun de nous etc. Tous les individus évoqués sont reliés
par le lieu où ils vivent. Leur bâtisse est le point commun. J’ai trouvé cela
intéressant et je verrai bien une adaptation en film (de préférence dans l’immeuble
de la photo de couverture, où a-t-elle été prise ?)
Ce qui me plaît chez Jacques Bablon, c’est la force de ses
propos en si peu de pages. Son récit est puissant, noir, réaliste, et on se dit
qu’il doit sacrément observer notre société malade pour la décrypter aussi finement.
C’est un recueil qui se lit vite, on y découvre des tranches
de vie, des gens atypiques aux décisions soudaines ou réfléchies. C’est noir,
mais il y a de l’espoir, pas beaucoup, juste une petite lumière au bout du
tunnel dans les dernières pages et c’est suffisant pour se dire que, peut-être,
tout n’est pas perdu, qu’on peut encore croire en l’homme ou …… en la
femme ;- )
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