La dernière ville sur terre (The Last Town on Earth)
Auteur : Thomas Mullen
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Bondil
Éditions : Rivages (4 janvier 2023)-2006 en langue originale
ISBN : 978-2743658441
560 pages
Quatrième de couverture
1918, État de Washington. Au cœur des forêts du Nord-Ouest
Pacifique se trouve une ville industrielle appelée Commonwealth,
conçue comme un refuge pour les travailleurs et les syndicalistes. Le président
Wilson a fait entrer son pays dans la Première Guerre. Mais une autre menace
s'est abattue sur la région : la grippe espagnole. Lorsque les habitants de
Commonwealth votent en faveur d'une quarantaine, des gardes sont postés sur
l'unique route menant à la ville. Philip Worthy aura la malchance d'être en
service lorsqu'un soldat se présentera pour demander l'asile.
Mon avis
Magistral ! Encore du très grand Thomas Mullen !
Avec lui, pas de rebondissements à outrance, d’actions sans arrêt mais une atmosphère
qui s’installe durablement et des personnages dont la psychologie est finement
étudiée.
On est en 1918, Commonwealth est
une ville où il fait bon vivre. Elle a été conçue par Charles, il a installé la
scierie où les ouvriers sont rémunérés et reconnus à leur juste valeur. Chaque
salarié peut avoir un logement et construire une famille. Mais voilà qu’en plus
de la guerre, la grippe espagnole est annoncée et tout le monde sait qu’elle
fait de terribles ravages. La première bourgade est à vingt-cinq kilomètres,
alors se confiner le temps de laisser passer le virus semble une solution
plutôt pas mal. D’autant plus qu’à Commonwealth, rien ne manque : école,
épicerie, médecin et hommes courageux, tout est là !
Voulant le soutien de la majorité, une réunion est mise en
place et chacun peut donner son avis. Finalement, c’est oui, personne ne devra
rentrer, ni sortir pendant quelque temps, histoire que la pandémie ne les
touche pas. Des tours de garde sont organisés et Philip, un jeune homme de seize
ans veut aider. Il est associé aux volontaires, notamment à Graham son ami plus
âgé. La quarantaine ne devrait durer qu’un mois, tout au plus deux. Ils ont de
quoi manger et rattraperont le travail plus tard.
Vu comme ça, cela paraît simple, un mauvais moment à passer,
et peut-être pas si mauvais qu’on l’imagine puisqu’on restera entre personnes
de connaissance. Et c’est là que l’auteur réussit un récit captivant. Il
démontre combien ce presque huis clos modifie les rapports humains. Au début,
tout est facile et puis une réflexion, une remarque et on peut se méfier du
voisin, des décisions prises en remettant en cause leur légitimité. Le déclencheur ?
Un homme qui arrive de la plaine, de l’extérieur et qui demande de l’aide, gîte
et couvert…. Que faire ? Le chasser, l’accueillir en le tenant à l’écart ?
Les ressentis ne sont pas les mêmes et il est pourtant nécessaire d’agir dans
un sens ou un autre. Et une fois le choix fait, ne pas se laisser envahir par
les questions, les regrets… Et tout cela peut être lourd de conséquences ….
Avec beaucoup de finesse, l’auteur décrypte les liens de
cette communauté, leur évolution au fil des jours, des semaines.
« Tant de choses avaient changé depuis la
quarantaine. Au coin des rues, les gens étaient peu loquaces, sur le pas des
portes, les conversations vite interrompues, de brefs signes de tête
remplaçaient les poignées de main. »
Les habitants n’osent plus sortir, la peur se diffuse même
si personne n’est malade. La moindre toux, le plus petit reniflement…. Tiens ça
ne vous fait penser à rien ? Bien sûr, on peut faire un parallèle avec le
COVID. Lui aussi a modifié les relations entre les personnes. Mais attention,
la parution de cet ouvrage en langue originale date de 2006 !
Dans ce roman, une réelle réflexion sur la guerre, les peurs
humaines qui transforment les hommes, est menée. Le contexte historique est
intéressant. Avec son écriture profonde, porteuse de sens, Thomas Mullen aborde
différents thèmes avec brio. Une fois commencé, on n’a qu’un souhait :
tourner les pages et suivre les protagonistes, attachants pour la plupart. On
les comprend dans leur complexité, leurs interrogations, leur faiblesse, leur
force…. Philip, Elsie et quelques autres sont charmants et j’ai eu du plaisir à
les découvrir et à passer du temps avec eux.
J’ai été captivée par ce livre du début et à la fin !
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