"La vallée des éperdus" de Rémy Belhomme

 

La vallée des éperdus
Auteur : Rémy Belhomme
Éditions au Pluriel (29 Juin 2023)
ISBN : 978-2492598135
280 pages

Quatrième de couverture

1974, Virgile fuit la région parisienne et débarque en Ardèche méridionale. Qu’est-il venu chercher, que va-t-il trouver dans ce pays de châtaignes ? Entre son voisin Philo, qui peint des paysages ferroviaires et des « michelines » à longueur de journée, les communautés hippies qui ont investi les hameaux et les paysans qui gravitent autour de la bourgade des Vans, Virgile s’adaptera-t-il à cette vie entre campagne et montagne... Y-a-t-il, au fond, tant de différences entre eux ?

Mon avis

Je me demande parfois si tous les éperdus de la terre ne se sont pas donné rendez-vous au creux de notre vallée. *

1974, Virgile est un peu rebelle, sans doute ce qu’on a appelé « un soixante huitard attardé ». Il a gardé en lui une certaine forme de révolte. Bien sûr, on pourrait se questionner sur son passé. Pourquoi est-il comme ça ? Mais lorsqu’on fait sa connaissance, il vit de petits larcins, discrets, dans la banlieue parisienne. Il n’a pas de gros besoins, ça tombe bien. Mais à force de jouer avec le feu, il finit par se faire coincer…. Ceux qui l’arrêtent lui proposent un marché : pour éviter la case prison, un séjour en Ardèche dans un trou perdu où sa mission sera d’espionner (surtout les hippies, avec eux, la police craint des dérives) et de rendre compte de ce qu’il observe.

Est-ce que ça vaut le coup d’aller s’enterrer dans un coin paumé ? C’est toujours mieux que d’être entre quatre murs avec des barreaux aux fenêtres, non ? Virgile accepte.

Il part avec son combi Volkswagen, trouve la maison, vraiment isolée, à part un voisin, s’installe et examine l’environnement. Le village n’est pas à côté, les journées vont être longues…. L’espionnage et la délation, c’est pas son fort à Virgile…. Comment va-t-il satisfaire ses commanditaires ? Il se lie un peu avec Philo, le voisin, un vieux qui pourrait être son père… Une relation se noue entre les deux hommes et le lecteur découvre comment elle évolue…. Ensuite, il y a quelques personnes dans le village et aux alentours, des jeunes, d’autres plus âgés…. Virgile discute plus ou moins avec chacun, il essaie de s’acclimater, de tenir sa part du contrat avec ceux qui l’ont envoyé là-bas.

Ce n’est pas aisé. En Ardèche, les gens sont des taiseux…

« Les Ardéchois, économes de leurs effusions jusqu’à l’avarice, se contentent d’une fugace oscillation du menton. »

Virgile va-t-il s’en sortir ou retombera-t-il dans ses travers ? Ne risque-t-il pas de retrouver quelques mauvaises fréquentations ?  Ce n’est pas évident de passer de la région parisienne à un lieu un peu « hors du temps », parfois figé dans ses anciennes coutumes… Il risque de s’ennuyer et quand on s’ennuie …. On peut faire n’importe quoi …..

J’ai eu un immense plaisir à cette lecture. J’ai trouvé l’écriture délicate, adaptée aux lieux, à l’époque, aux personnages. Les lettres de Philo sont magnifiques, à la fois pleines de retenue et de vivacité dans un bel équilibre. Il y a d’intéressantes réflexions sur le monde rural, en comparaison avec la ville. L’auteur parle aussi de ces jeunes post 68 qui se cherchaient, chantaient, cuisinaient, s’installaient en communauté pour vivre de beaux moments ensemble. Il est également question d’amitié, de solidarité, de tout ce qui fait la vie, notamment les plaisirs simples qui procurent un sentiment de bien-être et de sérénité.

En exergue de chaque chapitre, un extrait de chanson, une citation, je me suis prise à fredonner plusieurs fois car même dans l’histoire, certains titres évoqués me rappelaient des souvenirs « buvons encore une dernière fois… »

Rémy Belhomme décrit (avec humour de temps en temps) tellement bien les situations, l’atmosphère, qu’on a l’impression de voir un film où les images défilent devant nos yeux.  Son récit m’a touchée, émue, sans doute parce que ses personnages sont palpables et qu’une humanité infinie se dégage de l’ensemble.

* page 193


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