Le dernier festin des vaincus
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (2 novembre 2023)
ISBN : 978-2372581257
250 pages
Quatrième de couverture
Un soir de réveillon, Naomi Shehaan disparaît de la réserve
indienne de Meshkanau. Dans une région minée par la corruption, le racisme, la
violence et la misère, un jeune flic, Logan Robertson, tente de briser l'omerta
qui entoure cette affaire. Il est rejoint par Nathan et Alice qui, en renouant
avec leur passé, plongent dans l'enfer de ce dernier jalon avant la toundra. Un
thriller dur qui éclaire sur les violences intracommunautaires et les
traumatismes liés aux pensionnats indiens, dont les femmes sont les premières
victimes. « Au Canada, une autochtone a dix fois plus de risque de se faire
assassiner qu'une autre femme. »
Mon avis
Meshkanau, au Canada, une réserve indienne.
Un lendemain de réveillon, la mère de Naomi Shehaan réalise
qu’elle n’est pas rentrée. Elle la recherche chez son petit ami, à droite, à
gauche mais rien. Une fugue de plus ? Elle reviendra sans doute dans quelques
jours…. ou pas …..
Ici, certains habitants sont partis vers les villes
voisines, pour ne pas être stigmatisés, « parqués », catalogués, ou
peut-être pour voir autre chose. Mais ce n’est pas forcément simple, leur
aspect physique fait que de temps à autre, on les repère. Quelques-uns sont
intégrés, en apparence seulement, car ils restent sur le qui-vive, de peur
d’une dérive liée à leurs origines.
D’autres sont restés dans la réserve, malgré les difficultés
croissantes, le manque de travail, la violence, l’alcool et la drogue qui rendent
fou, la pauvreté, la peur de ne jamais s’en sortir. Autrefois, les enfants sont
allés au pensionnat pour apprendre. Mais ils étaient « les étrangers »,
ceux dont on ne veut pas et ils ont été humiliés, détruits par des sévices
insupportables, impardonnables. Marqués à vie, que sont-ils devenus ?
Quelques hommes qui ont le « pouvoir » profitent
de leur position dans la réserve. Ils sont capables de « faire chanter »
les indiens, de les manipuler, de les abuser. Ils mentent mais les autorités
les croient.
Alors chercher Naomi, est-ce que ça vaut la peine que la
police s’en mêle ? Peut-être qu’en confiant un semblant d’enquête à un
jeune flic sans expérience, l’affaire sera réglée (et classée sans suite) très
vite ?
Dans la réserve, les gens sont en colère. II est question d’implanter
une scierie sur leurs terres. Pour faire passer la pilule, on leur promet du
travail mais personne n’est dupe. Et puis, avec ce projet, les forêts seront
abîmées, les lacs moins accessibles…. La protection de la nature n’est
clairement pas la priorité de ceux qui veulent installer cette entreprise, business
is business….
C’est dans cette atmosphère délétère que les personnages évoluent.
Les relations sont tendues entre « blancs » et indiens. Il y en a qui
essaient de se parler, de communiquer, mais c’est tellement difficile. Nathan
et Alice que tout pourrait opposer, veulent comprendre ce qu’il s’est passé
pour Naomi. Parfois, ils avancent, mais on les rejette aussitôt, on leur met
des bâtons dans les roues. De quoi s’occupent-ils ? Ne peuvent-ils pas
rester à leur place ? Quand on gratte, on dérange…alors évidemment….
Toutes ces horreurs ont existé, existent encore. Estelle
Tharreau les décrit factuellement, et ça nous fait d’autant plus mal. C’est
terrible. Je connaissais déjà ces situations mais c’est toujours révoltant.
L’auteur a su, une fois encore, se renseigner et inscrire son récit dans un
contexte tangible.
Elle se renouvelle à chaque livre avec des sujets variés, toujours intéressants. Son écriture puissante transmet de nombreuses émotions. Le lecteur a peur, sent la colère monter, voit une pointe d’espérance avant que tout s’écroule et recommence…. C’est la réalité, la vie là-bas, mais aussi ailleurs…. Inscrit dans un contexte crédible, ce roman bouscule, bouleverse, prend aux tripes … Une réussite !
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