Les sous-traitants
Auteur : Stéphane Lanos
Éditions : de la Lanterne (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2487978034
480 pages
Quatrième de couverture
Quinze ans après l’accident de la centrale nucléaire de
Cruas, la Nouvelle République est au pouvoir. Elle a mis fin à la politique de
Préférence nationale et applique son programme de Fin de l’État social. Lyon,
juillet 2037. Une tuerie de masse éclate en plein centre-ville. Alexandre,
journaliste arrogant et mis au placard de la rédaction de DNews, est envoyé à
Lyon pour couvrir l’événement avec sa cameraman Alicia. Le suspect, fou
furieux, est traqué par la police, mais également par des mercenaires qui agissent
pour le compte de la mystérieuse société Arès. Il est finalement découvert, tué
par arme à feu. Alors que les autorités veulent faire croire à un suicide,
Alexandre comprend qu’il a été assassiné…
Mon avis
Cette dystopie peut être lue indépendamment du « 100
ème singe », titre précédent évoquant une France qui perd pied
politiquement. L’écriture nerveuse de l’auteur nous plonge en 2037. Les gens
aisés vivent entre eux, dans des résidences ultra protégées. Les autres sont
relégués dans des coins où ils ne doivent pas faire de vagues et où les
conditions de vie sont bien différentes. Les progrès scientifiques sont
importants, trop sans doute, et offerts à ceux qui peuvent les monnayer.
« Madame » n’est plus au pouvoir et la Nouvelle
République est en place. Les gouvernants ont l’intention de mettre fin à l’état
social en se faisant aider de grands groupes industriels. Mais n’y a-t-il pas
des hommes qui manipulent dans l’ombre ? Entre la « vitrine » exposée,
le discours tenu et ce qui se trame derrière, le gouffre est immense …
Le but de la plupart des individus est de performer individuellement,
gavés de médicaments pour tenir le coup (angoisses, douleurs, manque de sommeil…),
connectés en permanence (lentilles, prothèses, exosquelette…). Certains ne s’embarrassent
plus d’une famille, d’une vie de couple, les deux seraient synonymes de perte
de temps. C’est dire combien leur quotidien est creux mais sont-ils encore
capables de raisonner par eux-mêmes ?
Alexandre, issu d’une riche famille, dragueur, beau gosse
parfois superficiel, n’a plus de missions au sein de la rédaction de DNews. Il
a trop « joué », courtisant toutes les femmes à sa portée sans réfléchir
et ça s’est retourné contre lui. Alors qu’il vient pour tenter sa chance une
dernière fois auprès de son patron, un concours de circonstances favorable lui permet
de partir à Lyon avec Alicia comme « camerawoman ». Là-bas, un homme
a tué plusieurs personnes sans qu’on en comprenne les raisons, d’autant plus qu’il
n’a rien revendiqué. Il sent que la situation n’est pas claire et il décide de
creuser l’affaire.
Alexandre est un petit « péteux », mais au fil du
temps, il va en rabattre et devenir un peu plus « buvable ». Sans
doute parce qu’il ne va pas fréquenter n’importe qui. Le caractère de sa coéquipière
est à l’opposé du sien mais elle finit par l’obliger à se poser les bonnes
questions. Alors, il s’investit, réfléchit, et progresse, il devient même attachant.
Des tas de pensées font leur chemin dans son esprit et comme son père n’est pas
très net, il n’hésite pas à s’opposer à lui, le poussant dans ses
retranchements. On sent qu’Alexandre découvre ce qu’il ignorait ou avait choisi
d’ignorer.
L’intrigue est menée sur un rythme soutenu, on suit
différents personnages (le nom, la date et le lieu sont indiqués, on ne se perd
jamais). Le style est percutant, volontaire. Stéphane Lanos, dans sa fiction,
pointe du doigt tout ce qui pourrait dériver si les sociétés privées prenaient
trop de pouvoir, si certaines substances n’étaient pas utilisées à bon escient.
C’est édifiant. Il tient des propos forts et son récit peut entraîner de
nombreuses discussions, débtas et réflexions. Il décrit un contexte politique
qui, sous prétexte d’être rassurant, étouffe les initiatives, dirige les
personnalités, pilote tout sans avoir l’air en manœuvrant et en tirant les ficelles.
La tension monte au fil des pages, il nous tient en haleine. Son texte est
habilement construit malgré de nombreuses ramifications.
J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Elle secoue, nous
rappelle qu’il faut être vigilant face aux inégalités, à la violence, aux progrès
scientifiques détournés …. L’évolution des protagonistes est intéressante,
certains restent butés dans leurs convictions, d’autres ouvrent les yeux et
quelques-uns sont prêts à tout pour remettre l’honnêteté au centre des débats.
C’est un roman particulièrement réussi !
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