Arène
Auteur : Négar Djavadi
Éditions : Liana levi (20 Août 2020)
ISBN : 979-1034903092
432 pages
Quatrième de couverture
Benjamin Grossman veut croire qu'il a réussi, qu'il
appartient au monde de ceux auxquels rien ne peut arriver. L'imprévu fait pourtant
irruption un soir, banalement : son téléphone disparaît dans un bar-tabac de
Belleville, au moment où un gamin en survêt le bouscule. Une poursuite s'engage
jusqu'au bord du canal Saint-Martin, suivie d'une altercation inutile. Tout
pourrait s'arrêter là, mais, le lendemain, une vidéo prise à la dérobée par une
lycéenne fait le tour des réseaux sociaux.
Mon avis
Abandonner le
passé et …. être un (e ) autre ?
Paris, ses quartiers, sa banlieue, ses habitants : ceux
qui ont réussi, ceux qui essaient d’y arriver, ceux qui galèrent, ceux qui ne
savent plus où est leur place (s’ils en ont une), ceux qui doutent, ceux qui
espèrent, ceux qui parlent (parfois trop ou mal), ceux qui se taisent, ceux qui
hurlent leur désespoir, leurs frayeurs…. Est-ce qu’ils se voient, se parlent, s’entendent,
se regardent, se prêtent attention ? Pas le temps, pas le même milieu,
trop de boulot, trop de stress, trop de problèmes (que fait la police ?),
pas assez de …. Pas assez de quoi ? D’humanité sans doute… C’est tout cela
et bien plus encore que nous présente Négar Djavadi dans un excellent roman
coup de poing, coup de gu….
Dans ce recueil, on fait connaissance avec Benjamin qui a
fui la cité et qui est parvenu à ses fins : de l’argent, des relations, un
métier qui flashe mais il a peu de temps pour sa mère à part pour l’appel
hebdomadaire. Une visite en coup de vent et il découvre qu’elle a donné SA
chambre à un jeune réfugié….Quelle idée, pourquoi ? Il y a aussi Sam, une
jeune femme maghrébine qui travaille dans la police et qui a du mal à présenter
son fiancé français à sa famille. Puis une adolescente qui filme des faits
divers qu’elle met en ligne sur les réseaux sociaux. Ce ne sont pas les seuls
protagonistes, il y a en d’autres. On passe de l’un à l’autre et on se demande
quand ils vont se rencontrer. Finalement, ce sont d’infimes connexions qui
créent le lien, parfois juste un battement d’ailes de papillon qui influence la
suite, qui modifie le cours presque déjà tracé… Et l’effet domino entraîne le
reste, des dégâts, des crises, des séparations….
C’est avec une écriture que je qualifierai de « journalistique »,
descriptive et visuelle que l’auteur nous plonge dans la capitale pour quelques
jours. Une petite semaine, c’est largement suffisant pour nous rappeler que :
- les médias sont destructeurs lorsque les reporters enflent
un fait, le déforment, l’interprètent, manipulent les images,
- les réseaux sociaux mettent de temps à autre le feu aux
poudres, et c’est dangereux,
- c’est la jungle pour certains qui sont rejetés et ne
savent plus où aller,
- devant les préjugés, les réflexes d’autoprotection, l’homme
est terriblement impuissant,
- la pression au boulot fait qu’on cesse de s’appartenir
pour n’agir qu’en fonction du chef, de ses désirs, pour aller plus haut, mais
où ?
Le style vif, rapide, donne de la puissance au récit. Le
texte est porteur de sens, très riche. Les personnages sont présentés avec leur
profil familial, amical, professionnel, on voit rapidement qui ils sont « en
surface » et petit à petit, le vernis craque et leurs failles apparaissent.
Aucun n’est une caricature, tous pourraient être un collègue, une connaissance,
voire un ami du lecteur. Leur souhait commun, être eux, vivre leur vie en adéquation
avec ce qu’ils ressentent…. Mais se couler dans le moule, dans ce que les
autres attendent de vous, c’est parfois plus facile…. Et le poids du passé, des
traditions, est lourd à porter... Alors, on fait quoi ? Et surtout, on
aurait fait quoi si on s’était trouvé confronté aux événements évoqués dans cet
opus ? Parce qu’il faut le souligner, c’est de la fiction mais ça ressemble
beaucoup à la vraie vie. On y trouve la part de désespérance, l’étincelle d’espoir
(mais que c’est petit une étincelle), l’indifférence, les regrets … et toujours
cette question lancinante : et moi, à leur place, quelle aurait été ma
réaction ?
Cette lecture a été une vraie claque pour moi. Ancrée dans la
réalité, dans un Paris loin des cartes postales, elle secoue, elle bouleverse,
elle nous embarque et comme chacun des individus qui peuple les pages, on n’en
sort pas indemne.
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