"Elles" de Saskia Jacquemin

 

Elles
Auteur : Saskia Jacquemin
Éditions : 5 Sens (15 octobre 2025)
ISBN : ‎ 978-2889498390
266 pages

Quatrième de couverture

Lorsque Elia se retrouve plantée devant ce supermarché, les pieds trempés et le cœur en éclats, elle réalise à quel point son monde vient de s’écrouler. Pas loin, une autre femme est en fuite, entraînant dans sa course une petite fille. Une grand-mère réunira ces destins que rien n’aurait dû faire se rencontrer. « Elles », c’est l’histoire de quatre femmes de générations différentes aux destins entremêlés. Elles pourraient être vos sœurs, vos filles, vos mères. Agnès, Elia, Sinaï et Nina ont le point commun de n’avoir pas été épargnées par la vie mais d’avoir su coaguler rapidement des blessures imposées.

Mon avis

Elia, Sinaï, Agnès, trois femmes. Elles n’avaient aucune raison de se croiser, de se parler et puis, la magie de la vie les a fait se rencontrer.

« Il se disait souvent que ces deux femmes devaient être l’une pour l’autre, des rencontres de vie, celles qu’on explique difficilement et qu’on n’oublie jamais. »

Dans les chapitres avec l’en-tête de leur prénom, elles s’expriment, parlent de leur quotidien, de leurs espoirs, de leurs déceptions, de leurs peurs, de leurs joies …. De temps à autre, on peut lire le journal de Nina, beaucoup plus jeune. On « accompagne » ces personnes sur plusieurs années, au cœur de leur vie, dans leur intimité.

« Ces femmes n’étaient pas censées se rencontrer et pourtant, leurs destins s’étaient emmêlés les uns aux autres, laissant naître des racines qui devenaient profondes. »

Certains disent qu’une femme s’accomplit dans la maternité, lorsqu’elle devient mère. Mais on peut être mère ou père, sans porter l’enfant au creux de son ventre. On peut également être heureux-se sans être parents. L’essentiel, c’est de se sentir bien dans ses choix, dans ce qu’on souhaite au plus profond de soi sans laisser peser les influences extérieures.

Ce sont de magnifiques portraits que nous offre Saskia Jacquemin. Elle décrit celles qu’elle présente avec retenue, délicatesse, sans les juger, sans trop de pathos. Il y a les coups du sort, ce qu’on ne maîtrise pas et qui peine ou détruit, et il y a parfois un regard échangé, un mot ou un geste qui aident à avancer, à se relever, à croire encore en l’avenir.

C’est tout cela et bien plus encore qu’on découvre dans ce roman intimiste. Elles ont toutes une blessure morale et le besoin de ne pas s’appesantir sur elles-mêmes. Résilientes avant tout, elles se battent avec leurs moyens, et se rendent rapidement compte que lorsqu’on donne un peu de soi, on reçoit beaucoup plus.

J’ai trouvé cette lecture émouvante, emplie d’émotion. Bien sûr, j’ai parfois pensé que « c’était encore vraiment pas de chance » pour certains protagonistes mais il arrive que, dans la réalité, ce soit ainsi. Alors, le fait que tout soit condensé permet d’aborder plusieurs thèmes dans un seul récit, différentes situations que l’on pourrait connaître et face auxquelles on devrait réagir. On peut d’ailleurs se demander ce qu’on ferait si on était confronté aux événements évoqués. Et c’est là qu’en lisant, j’ai réalisé que, face à une situation, chacun réagit avec ce qu’il est, ce qu’il a vécu. On n’a pas tous le même recul par rapport à un fait grave en fonction de notre passé, des gens qu’on côtoie, de ce qu’on veut pour le futur.

Le style est fluide, les ressentis sont exprimés avec pudeur, finesse, sans en rajouter. On passe assez vite d’un personnage à l’autre, tout en comprenant aisément ce qui va les relier petit à petit.

J’ai trouvé ce livre bien écrit et plaisant à lire, même si quelques fois, c’est très triste et que ça m’a fait de la peine…. La couverture est belle !


"Ma voisine face au fleuve" de Frank Andriat

 

Ma voisine face au fleuve
Auteur : Frank Andriat
Éditions au Pluriel (18 Novembre 2025)
ISBN : 978-2492598241
208 pages

Quatrième de couverture

Antoine, professeur de lettres, vit dans un appartement face à un fleuve qui lui apporte sérénité et paix. Il se reconstruit après une rupture qui a fait voler sa vie en éclats. Sybille s’installe dans l’appartement voisin. Ils se découvrent un parcours de vie blessé. Au fil des rencontres bercées par les reflets de la lumière sur l’eau, par la musique baroque et par le vol des troupes de bernaches, un lien se tisse entre les deux voisins que de petits détails du quotidien vont rapprocher.

Mon avis

Antoine est professeur de français, il aime la littérature, la poésie, Christian Bobin, les phrases qui font rêver et les élèves motivés. Il a eu un parcours de vie peu aisé et pensait avoir trouvé un équilibre avec Amélie. Mais elle l’a quitté il y a trois ans. Il est seul dans un appartement qui donne sur le fleuve. C’est une vue apaisante pour lui, avec les reflets qui ne sont jamais les mêmes. Au collège, sa collègue Mathilde est son amie et il sait qu’il peut compter sur elle, lui parler, se confier.

Sybille vient de quitter Merlin, un compagnon toxique. Mais comme c’est elle qui a fui le domicile conjugal, son conjoint a mis ce fait à profit pour récupérer la garde de leur fils Jérôme. Elle ne le verra que les fins de semaine. Installée dans un joli logement, sur le même palier qu’Antoine, elle attend la visite de son fils. Elle réalise très vite que « son ex » n’a rien laissé au hasard. L’enfant est « formaté » par les réflexions de son père qui lui a lavé le cerveau, qui présente les faits en sa faveur. Il cherche à l’éloigner de sa mère, voire à le dégoûter de venir chez elle.

Sybille souffre, elle doit faire face, soupeser ses mots pour ne pas envenimer la situation, ne pas surréagir car Jérôme le dira à son papa, mais que c’est difficile. Il faut préserver le collégien des conflits des adultes et en parallèle, ne pas se laisser faire. Elle est sur la corde raide. Heureusement elle s’épanouit dans sa profession.

Un jour, elle voit son voisin sur le parking de l’immeuble. Il lui propose de l’aide pour porter ses sacs de courses. Tout d’abord très méfiante, elle finit par accepter en se disant que ça n’ira pas plus loin. Et puis, ils se croisent d’autres fois et petit à petit un lien se tisse et la confiance arrive. Ils discutent un peu, échangent …

Les chapitres alternent entre Antoine (qui s’exprime en disant « je ») et Sybille (avec un narrateur extérieur). On découvre leurs points de vue, leurs ressentis, les événements qui jalonnent leur quotidien.

Le style de l’auteur est infiniment poétique, doux, lumineux. Les descriptions du fleuve, par exemple, apportent une note délicate.

« Quelques oiseaux célèbrent l’obscurité qui avance sur la pointe des pieds. Les blancs entre leurs chants installent la nuit, bercée par l’eau infatigable et par les lampadaires qui peignent sur sa surface des éclats mordorés. »

J’ai été charmée par la « musicalité » de l’écriture, par l’atmosphère qui se dégage lorsque la nature ou les relations humaines - paisibles - sont évoquées. Le fleuve a un « rôle » important.
Lire Frank Andriat, c’est prendre le temps de contempler, d’écouter cette petite histoire qui se déroule sous nos yeux.
Je me suis attachée à Sybille, cette femme qui veut protéger son fils et qui a beaucoup subi. Combien sont-elles, dans la vraie vie, à lui ressembler ?  À se battre pour exister librement, sans emprise ?

Ce récit m’a beaucoup plu. Peu importe qu’il y ait d’heureuses coïncidences ou des temporalités un peu rapides. L’essentiel est ailleurs, dans la qualité du phrasé, dans la construction du texte où tout semble parfaitement en symbiose. Les mots de l’auteur parlent à la tête et au cœur et c’est ce que j’aime quand je découvre un livre !


"Trop tard pour mourir" d'Olivier Kourilsky

 

Trop tard pour mourir
Auteur : Olivier Kourilsky
Éditions : Glyphe (28 Août 2025)
ISBN : 978-2352851684
230 pages

Quatrième de couverture

Chirurgien dans un hôpital du Morbihan, David Corbin est confronté à une série d'infections post-opératoires. Il suspecte des actes de malveillance en raison de l'hostilité permanente d'un collègue. Son ami Moussa Ndiaye, anesthésiste dans le même hôpital, essaie d'oublier une affaire criminelle à laquelle il a été malgré lui lié autrefois, mais il est rattrapé par cet épisode glauque. Bientôt s'engage une course contre la montre avec un tueur mystérieux qui élimine un à un tous les intervenants de cette histoire ancienne.

Mon avis

David Corbin, mariée à Marlène, est chirurgien en Bretagne. Il a postulé car il voulait changer de région et il est heureux d’avoir été choisi. Dans l’hôpital où il vient d’être nommé, un collègue le jalouse, persuadé que ce poste lui revenait de droit. Il n’est pas toujours agréable avec Corbin. Ce dernier met son poing dans sa poche, se consacre à sa tâche, avec sérieux, application, faisant le maximum pour tous les malades qui lui sont confiés et essayant de ne pas donner prise à une quelconque remarque désagréable de l’autre docteur.

Il opère toujours avec toutes les précautions nécessaires pour éviter le moindre problème. Pourtant, une nuit, le téléphone sonne chez lui. Un de ses patients est fiévreux et présente une infection. Il se rend sur place au plus vite pour tenter d’endiguer les complications post-opératoires.

Un fait isolé ? Malheureusement non, d’autres cas similaires surviennent et il est aussitôt question de fermer son service. Le médecin est inquiet, et l’envieux jubile… Il va bien falloir trouver une solution et tout cela est bien embêtant. Corbin sait qu’il peut compter sur le soutien de Moussa Ndiaye, anesthésiste avec lequel il collabore régulièrement mais il n’est pas là.

En effet, ce dernier s’absente et part sur Paris. Il est, en quelque sorte, rattrapé par son passé (que nous découvrons avec des retours en arrière dans une autre police de caractères). Jeune étudiant en médecine, l’argent lui manquait … il fallait bien arrondir les fins de mois. Il a eu quelques activités « en dehors des clous ». Mais c’était il y a longtemps, tout cela est derrière lui …  c’est ce qu’il croyait …

Le récit alterne entre le Morbihan et la capitale. On passe aisément d’un lieu à l’autre et pas de mélanges avec les personnages, ils sont bien ciblés. Il y a du rythme et le suspense va crescendo quand on sent, d’un côté comme de l’autre, que les événements graves ne s’arrêteront pas.

Dans ce roman, l’auteur met en avant plusieurs thèmes. Il ne les approfondit pas tous mais le fait de les évoquer montre sa sensibilité. La précarité estudiantine en est un ainsi que le fait que certains emplois liés à l’art ne soient pas assez lucratifs. Et bien sûr, le milieu hospitalier, (qu’il connaît bien puisque c’est son métier), où certains n’ont que leur ambition pour moteur, ayant sans doute oublié l’objectif de base de leur profession …

L’écriture est fluide sans fioriture, les chapitres courts. On va à l’essentiel. J’ai trouvé Moussa très attachant dans sa détresse et je pense qu’il a fait les bons choix. Ce n’est jamais aisé d’être en paix avec son passé …

C’est une lecture fluide, plaisante, pas compliquée mais suffisamment intéressante pour qu’on ait envie de comprendre les raisons d’agir de chacun ainsi que leur mode de fonctionnement.

J’ai passé un bon moment, merci Docteur K !

NB : le montage photo de la couverture me plaît beaucoup !


"Flitop" de David de Thuin

 

Flitop
Auteur : David de Thuin
Éditions : Jarjille (14 Novembre 2025)
ISBN : 978-2493649386
68 pages

Quatrième de couverture

Que faire lorsque vos légumes sont attaqués par toute sorte de bestioles et que votre éthique personnelle vous interdit d'utiliser les moyens qui s'imposent ?

Mon avis

Cette bande dessinée, constituée de trois histoires, met Flitop en scène. Comme les autres personnages, il a un style un peu animal, naïf, avec un tracé tout arrondi et de belles couleurs. Il est confronté à différentes problématiques qu’il essaie de résoudre avec bonhomie et gentillesse. Il le dit lui-même :

« Je vais discuter et on trouvera un arrangement. »

Il est face à des « envahisseurs ». D’abord dans son potager où de jolies petites bêtes se sont installées dans ses légumes. Comment va-t-il manger si tout est squatté et abîmé ?
Puis la maréchaussée veut qu’il coupe un arbre dont les racines débordent un peu sur le trottoir.

Il est bien ennuyé mais reste assez maître de lui et essaie de ne pas s’énerver…. Et puis il rencontre des « envahisseurs » arrivés en soucoupe et qui semblent avoir de bonnes idées …

Les péripéties que subit Flitop sont intéressantes et peuvent donner lieu à des discussions avec le jeune lecteur qui les découvre, en lui demandant comment il aurait réagi face à des situations semblables et en dialoguant sur les thèmes évoqués entre « les lignes » (partage, respect, etc).

Les vignettes ne sont pas toutes de la même taille en fonction de l’importance du contenu. Les dessins sont à la fois simples et suffisamment complets pour qu’on visualise bien le lieu où ça se déroule. Pour les onomatopées, les couleurs sont épurées pour se concentrer sur le son.

Les bulles sont bien remplies d’où l’intérêt de lire avec l’enfant s’il débute pour qu’il garde le plaisir de suivre Flitop et ses compagnons.

Si l’enfant lit seul, il s’attachera au contenu et rira devant les mini conflits, les mines humoristiques, les petits détails amusants. S’il lit avec un adulte, ce dernier découvrira des passages plus « matures » avec des phrases qui résonneront en lui, comme autant de réflexions bien actuelles, qui le feront sourire dans ce contexte.

« Vous n’allez quand même pas brutaliser une femme enceinte ! ? » « Je respecte toute forme de vie. »

Tout cela donne un bel ensemble tant sur le fond que la forme.

J’ai trouvé cet album très réussi avec des aventures divertissantes et bien pensées. Il a un petit côté original qui plaira à beaucoup ! Pour ma part, j’ai vraiment aimé !

"Un martini blanc sans glaçon" d'Angélique Lhérault

 

Un martini blanc sans glaçon
Auteur : Angélique Lhérault
Éditions : Librinova (24 Novembre 2025)
ISBN : 9791040592327
264 pages

Quatrième de couverture

Depuis que Sacha a quitté la France pour s'installer à New York, tout lui sourit. Elle est devenue une autrice à succès, s'est mariée à un brillant éditeur, et a fondé une famille. Mais ces derniers temps, son inspiration galopante s'est tarie. Peut-être est-ce à cause de son mari, qui semble étrangement distant ces derniers temps ? Lors d'une de ces soirées mondaines dont elle a horreur, elle croise la route de Joshua, un musicien qui lui demande d'écrire sa biographie. Ce projet les rapproche dangereusement l'un de l'autre, tandis qu'un fantôme du passé revient hanter la romancière, menaçant de faire éclater au grand jour tous ses secrets...

Mon avis

Sacha est française mais c’est à New-York qu’elle a réussi. Elle est autrice, en couple avec Logan, maman d’une jeune adolescente. Tout lui sourit sauf que depuis quelque temps, elle souffre du syndrome de la page blanche. De plus, son époux lui paraît bizarre. Heureusement, elle a des amies sur qui elle peut compter et qui sont toujours là pour elle.

Elle n’aime pas les galas de charité, les soirées sophistiquées mais de temps en temps, elle est bien obligée d’y aller. Ce soir-là, elle rencontre un chanteur connu qui lui demande de rédiger sa biographie. L’occasion de retrouver le plaisir d’écrire ? C’est ce qu’elle souhaite. Comme en plus, cet homme est intéressant, elle a tout à y gagner. Il est nécessaire qu’ils se rencontrent souvent et un lien se noue ….

Tout pourrait continuer tranquillement sauf que Sacha aperçoit quelqu’un qu’elle ne veut pas voir. Cela la déstabilise complètement. Est-ce bien la personne à laquelle elle pense ? Si oui, pourquoi est-elle ici ? Elle garde tout ça pour elle souhaitant se tromper…. Mais elle a peur d’un effet boomerang … Quand on ne dit pas tout, on prend des risques ….

À partir de là, le récit va rentrer dans une phase plus mystérieuse. Sacha se retrouve face à des coïncidences peu plaisantes et elle n’est pas à l’aise. Elle ne sait plus à qui se confier, d’autant plus que son compagnon est fuyant. Avec sa fille, c’est parfois compliqué, comme souvent avec les ados. Tous ces événements la mettent sous pression.

En commençant ce roman, après avoir vu la couverture et lu le résumé, je m’attendais à une lecture facile pour le train ou la salle d’attente du médecin, une bluette avec un peu de suspense et quelques faits bizarres pour accrocher le lecteur mais un ensemble plutôt léger. Il n’en est rien !

Plusieurs thèmes sont abordés : l’amitié, l’amour, le poids du passé, le mensonge, la manipulation, la perversité, la jalousie…

L’idée de départ est plutôt bonne mais quelques petites choses m’ont dérangée. Quelques invraisemblances que je ne détailler pas pour éviter de dévoiler quoi que ce soit. Les concordances de temps ne sont pas toujours correctes, voire carrément hasardeuses et ça donne un style peu équilibré. Heureusement, les dialogues vifs sont bien construits et apportent du rythme. Certains protagonistes ne sont pas clairs et on peut s’interroger sur le fait que personne ne se rende compte de rien mais bon … .

J’ai malgré tout passé un moment assez plaisant car l’intrigue a été bien pensée, même s’il y a quelques imperfections. Je suis certaine que Angélique Lhérault va se bonifier.


"Frappe chirurgicale" de Sébastien Bouchery

Frappe chirurgicale
Auteur : Sébastien Bouchery
Éditions du Caïman (21 Octobre 2025)
ISBN : 978-2493739285
420 pages

Quatrième de couverture

Paris, 1981. Louis Verneuil, chirurgien à l’hôpital Saint-Antoine et accessoirement, vétéran d’Indochine, n’aspire qu’à une chose : la paix. Misanthrope et solitaire, il fait pourtant l’erreur un soir de céder aux charmes d’une jeune serveuse, elle-même dans le viseur d’un voyou à la solde de la famille Marzi qui a la mainmise sur la capitale. Une série de réactions en chaîne se met en place et Verneuil devient une cible. Une proie sauvage que personne n’aurait dû sortir de sa tanière...

Mon avis

La boxe est évoquée dans ce roman et moi j’ai pris un uppercut littéraire, une claque. Quatre-cent-vingt pages de tension, d’espoir, de ventre noué, de mains moites et de waouh.

1981, Louis Verneuil, chirurgien, vit seul dans un appartement à Paris. Quand il a du temps, il retape une maison en banlieue. Pas n’importe laquelle, il l’a choisie par besoin, sans doute pour guérir une de ses blessures. Parce que l’homme a souffert. Il a connu l’Indochine et a vu et vécu des choses horribles. De cette période, il a gardé une solide amitié avec un camarade, peut-être une des seules personnes avec qui il est resté en contact. Après, d’autres événements graves l’ont marqué mais, en taiseux, il en parle peu. C’est donc un solitaire, bosseur et discret, qui ne recherche pas la compagnie. Ce qu’il veut ?  Qu’on le laisse tranquille !

Un soir, en sortant du boulot, il s’arrête au Saint-Loup pour boire un scotch, ou plusieurs, une façon comme une autre de se délester du fardeau de la journée. Une jeune femme, Nelly, l’aborde, mais il n’a pas envie, ni de parler, ni de l’écouter, encore moins d’un « et plus si affinité »… Et puis, il le voit bien, elle est trop jeune pour lui. Pourtant, ils finissent par se faire du bien mais il est très clair :  ce sera sans avenir. Pas de chance, pendant les heures où elle est serveuse, elle a tapé dans l’œil de Togo, un petit voyou. Il lui a fait des avances qu’elle a repoussées. Vexé - son orgueil en a pris un coup - il entend bien lui faire payer ce qu’il considère comme une humiliation. Dont acte. Verneuil n’apprécie pas que le malfrat se soit vengé et il souhaite calmer ses ardeurs pour que Nelly ne se sente pas en danger et renoue avec une vie quotidienne apaisée.

Il ne sait pas où il a mis ses poings et ses pieds, le doc. Il se retrouve entraîné plus loin que ce qu’il pensait car, derrière Togo et ses acolytes, se cachent des individus sans foi ni loi, la gangrène des quartiers …. Que faire ? Se mettre en retrait et oublier ? Essayer de dialoguer ? S’attaquer à plus fort que soi ?

Entre le 10 et le 23 Mars 1981, plusieurs vies basculent. Des chapitres courts, de l’action, des rebondissements, des scènes qu’on déroule comme un vieux film en noir et blanc, une écriture qui fait mouche, sans fioriture et je suis restée scotchée aux pages. Vous prenez les faits bruts, parfois violents, en pleine face. Pas de répit pour le lecteur. Pas de temps mort. Je lisais en apnée, prête à en découdre, à aider tant j’étais dedans.

Le rythme est trépidant, Les personnages sont bien campés et les scènes très visuelles (normal, l’auteur est également scénariste). Il est intéressant de voir comment chacun analyse et ressent les différentes situations. Verneuil et le commissaire Lebreton sont deux protagonistes fascinants. Chacun est à la limite de ce qui est autorisé. Volontaires, impliqués, intuitifs, intelligents (avec la tête et le cœur), tiraillés pour cerner la limite entre le bien et le mal, ils sont attachants.

J’avais lu Gangway du même auteur. Avec Frappe chirurgicale, il s’est lancé dans un nouveau style et il a réussi avec brio, j’ai énormément aimé. Dans les dernières pages, il explique la genèse de cet opus et ce qui l’a inspiré, ça complète bien la lecture.  

NB : Monsieur Bouchery, la fin m’a brisé le cœur !

 

"Une morte de trop" d'Olivier Kourilsky

 

Une morte de trop
Auteur : Olivier Kourilsky
Éditions : Glyphe (12 Janvier 2024)
ISBN : ‎ 978-2352851516
260 pages

Quatrième de couverture

Hervé Larose, un braqueur particulièrement dangereux, criminel sans scrupules, orchestre une évasion sanglante du centre pénitentiaire. Son objectif ? Organiser avec ses complices un nouveau hold-up de bijoux. Un des policiers chargés de l'enquête, le lieutenant Tran, tombe sous le charme de Karine Rochas, la ravissante matonne prise en otage lors de la fuite du truand. Mais il découvre qu'elle cache quelque chose.

Mon avis

Le lieutenant Tran se rend près de Réau, en Seine et Marne, dans un centre pénitentiaire où il vient interroger Hervé Larose. Ce dernier est un malfaiteur particulièrement dangereux, en attente de son procès. Il a participé à de multiples braquages. Son ADN vient d’être retrouvé sur un cadavre (une jeune femme disparue depuis un an) découvert en forêt et c’est pour essayer d’établir des liens qu’il va être questionné.

Malheureusement lorsque Tran arrive, il apprend que le détenu est malade et en passe d’être évacué vers un hôpital. Karine Rochas, la surveillante, le reçoit et lui explique la situation. Même s’ils ont passé peu de temps ensemble, il est tombé sous le charme de cette femme pétillante et belle. Si elle est célibataire … pourquoi ne pas envisager un rapprochement dans l’avenir ? Il aura bien l’occasion de revenir …

Sur le point de repartir, il entend des coups de feu. Le malfrat s’est fait la malle, probablement aidé par ses anciens coéquipiers libres qui ont bloqué le véhicule dans lequel il était. En plus ils ont pris en otage la matonne ! L’officier de police est très ennuyé et inquiet. Chargé de l’enquête, avec d’autres, il doit essayer de coincer Rochas, et de résoudre le mystère de l’assassinat avéré de la personne qui était dans les bois. Deux affaires à mener de front …

Les investigations sont difficiles, certaines zones d’ombre empêchent d’avancer. Tran est complètement subjuguée, voire envoûtée, par la gardienne. Attention lui rappelle sa supérieure à ne pas mélanger vie privée et professionnelle, ce qui, chacun le sait, n’est pas une bonne idée ! Et puis, elle ne semble pas tout à fait nette cette pionne … Lui, en étant troublé, risque d’être moins efficace…. Il est donc indispensable d’être vigilant, attentif à tout et surtout ne pas se laisser perturber et faire le boulot correctement.

Des chapitres courts, dont certains en italiques pour une incursion dans le passé, une écriture musclée, une intrigue aux ramifications variées, ce roman a de nombreux atouts. J’ai trouvé intéressant que l’auteur se penche sur les processus de manipulation, de vengeance. Est-ce que se venger apporte la paix ? Et si oui, à quel prix ? Le profil psychologique des protagonistes est réfléchi et détaillé. Leurs raisons d’agir, d’une façon ou d’une autre, sont analysées pour certains et c’est fait avec finesse. Quelques fois, face à l’inertie ressentie de la justice, on a envie d’intervenir …est-ce la solution ?

J’ai beaucoup aimé cette lecture. J’ai trouvé le texte très abouti. Le suspense est bien présent et rien n’est vraiment prévisible. J’ai réalisé que je n’avais pas cerné tous les individus, ni leurs motivations. Olivier Kourilsky a parfaitement construit son récit et je n’avais qu’un souhait : tourner les pages !


"La Faille" de Wojciech Chmielarz (Żmijowisko)

 

La Faille (Żmijowisko)
Auteur: Wojciech Chmielarz
Traduit du polonais par Anastazja Deresz
Éditions : Mera (21 Novembre 2025)
ISBN : 978-2487149335
380 pages

Quatrième de couverture

Lorsque Maciej apprend que sa femme Janina a perdu la vie dans un accident de voiture, son monde s'effondre. Comment annoncer à ses deux jeunes filles qu'elles viennent de perdre leur mère ? Que dire à ses beaux-parents ? Et comment continuer à vivre, alors que sa vie paisible s'assombrit soudainement et tourne au cauchemar ? De plus, il ne comprend pas pourquoi l'accident s'est produit près de Mragowo, alors que sa femme lui avait assuré partir en voyage d'affaires à Cracovie. S’est-elle trompée ou lui a-t-elle menti ? Lorsqu'un homme mystérieux fait son apparition à l'enterrement, Maciej commence à comprendre que Janina cachait de nombreux secrets.

Mon avis

Un tsunami, voilà à quoi est confronté Maciej lorsqu’il apprend que sa femme a trouvé la mort dans un accident de voiture. Comment protéger leurs deux filles ? Dans un premier temps, il ne dit rien mais il sait que ce n’est pas possible. Il faut dire la vérité. Aidé de ses beaux-parents et de Renata, la meilleure amie de sa femme, il essaie de faire face et de gérer la situation.

Mais il est très vite déstabilisé. Son épouse a péri sur une route où elle n’était pas censée être et aux funérailles, un inconnu semble très affecté. De quoi s’interroger et se demander si sa compagne ne lui mentait pas. Face à ces zones d’ombre, Maciej refuse les compromis, il veut savoir, comprendre, tout en ne se mettant pas en danger car ses enfants ont besoin de lui.

Ce qu’il ne mesure pas, en se lançant dans des investigations, c’est d’une part que ce qu’il risque de découvrir peut le faire souffrir, et d’autre part, que tout cela va l’emmener sur des chemins de traverse où les décisions seront à prendre dans l’urgence, ce qu’il aurait souhaité éviter… mais on ne choisit pas ….

Avec une écriture (merci à la traductrice) fluide, maintenant une tension et un suspense permanents, l’auteur nous entraîne dans un thriller oscillant entre enquête et approche psychologique de quelques personnages (il y a une liste dans les premières pages pour bien se repérer). Il maîtrise parfaitement son intrigue et introduit des rebondissements au bon moment. On va de surprise en surprise et quand on pense que c’est fini, un petit truc vient relancer tout ça ! C’est très bien pensé.

Différentes thématiques sont abordées : le deuil, la communication dans les couples, la routine qui gangrène les relations amoureuses, le besoin de s’accomplir au travail, le désir de vengeance, le mensonge, les non-dits etc.

Je ne connaissais pas Wojciech Chmielarz et c’est une belle découverte ! Il a réussi à me captiver. De plus, je me suis posée de nombreuses questions. Les réactions du mari étaient celles d’un homme blessé à qui, de temps à autre, son propre destin échappait. Je ne sais pas si j’aurais pris les mêmes décisions que lui mais quand un drame nous touche personnellement tout est différent. J’ai beaucoup apprécié cette lecture.


"Mogador" de Richard Canal

 

Mogador
Auteur : Richard Canal
Éditions : du Caïman (20 Septembre 2025)
ISBN : 978-2493739292
334 pages

Quatrième de couverture

Le Mogador, un hôtel délabré sur la côte sénégalaise. Les propriétaires, Sarah et Patrick, un couple français à la dérive, sont harcelés par le fisc. Pour seul client, Pierrot, un tueur à gages exfiltré après un contrat en Italie. Mais lors d’un passage à sa banque, Sarah réalise qu’on pourrait facilement la braquer...

Mon avis

Sarah et Patrick ont quitté la France. Ils sont installés au Sénégal, sur la côte, où ils gèrent un hôtel, le Mogador. Pour eux, un moyen de faire fortune ou, à défaut, de vivre au soleil, de se la couler douce avec des revenus réguliers. Un rêve caressé, seulement caressé… Car pour réussir, il faut des clients et pour l’instant, il n’y en a qu’un, avec un bel arriéré de paiement. Il s’appelle Pierrot et dès qu’on fait sa connaissance, on sent qu’il n’est pas net. Est-il venu se cacher ? De qui ? De quoi ? Les rares appels qu’il passe (à la poste, pas de cellulaires dans ce récit) ne lui apportent pas satisfaction. Au Mogador, il se fait discret. Pour le couple de gérants, il faut trouver de l’argent, pour leur client également … Une association de malfaiteurs en perspective ?

Samba Ndieye est inspecteur de police. Son « terrain de chasse » c’est Pikine, la face noire de Dakar. Drogue, misère, chômage, SIDA, ceux qui résident dans ce coin sont sans illusions …. Ils ne vivent pas, ils essaient de survivre, de s’en sortir comme ils peuvent, parfois en dealant. Belle occasion pour ceux qui font régner la loi de faire de bonnes pioches, assez facilement, et peut-être en se servant au passage. Il faut faire attention car chez les trafiquants, il arrive que la tête soit quelqu’un de « respectable » et s’attaquer à trop fort est dangereux …

Quel que soit le lieu où le regard se porte, l’argent manque. C’est un pays où plus rien ne sourit aux hommes, où les choix sont difficiles et sont rarement les bons. Mais que faire ? Tenter de sauver ce qui peut l’être ? À quel prix ?

Il y a une atmosphère totalement palpable dans ce roman. On perçoit la moiteur, les bruits, la sueur aigre, la poussière. Tout cela nous imprègne. Les personnages également. Ils ont un côté désenchanté qui m’a beaucoup plu. Ils voudraient tous forcer le destin, vivre autre chose mais c’est compliqué. Personne ne maîtrise totalement son destin. J’étais totalement dedans, ressentant chaque émotion, visualisant chaque scène. Comme un film en noir et blanc se déroulant sous mes yeux, avec une forme de désespérance, je regardais ces petits blancs un tantinet arrogants, persuadés de leur pouvoir et de leur puissance. Et à côté, les autres qui ne savent pas comment s’en sortir. Les rapports humains ne peuvent pas être fluides dans ce récit. Les protagonistes traînent des « casseroles », des non-dits, des cachotteries, leur passé est lourd, leur présent difficile, quant à leur avenir, il semble bien obstrué ….

Richard Canal a vécu en Afrique. C’est sûrement pour cela qu’il évoque avec réalisme le quotidien des habitants. Il parle de la fracture sociale entre ceux qui sont venus avec des moyens financiers importants et ceux du cru qui galèrent tous les jours et vivotent. Son écriture est brute, sans fioriture. De temps à autre, une pointe d’humour se glisse devant une situation cocasse ou une remarque. Il y a même quelques lignes poétiques glissées dans le texte pour se poser, espérer ou croire à un autre futur.

Malgré sa noirceur, j’ai beaucoup aimé cette lecture. J’avais déjà voyagé aux Etats-Unis avec l’auteur, j’ai apprécié qu’il m’emmène ailleurs ! Et je veux bien le suivre encore !


"Addictus" de Rémy Belhomme

 

Addictus
Auteur : Rémy Belhomme
Éditions : au Pluriel (18 Novembre 2025)
ISBN : 978-2492598258
120 pages

Quatrième de couverture

Une farce théâtrale bien construite, où l’humour sert une critique sociale grinçante. Entre légèreté et cruauté, la pièce s’inscrit dans la tradition des grandes comédies satiriques.

Mon avis

« Artisan penseur – Conseil en contexture », voilà comment se définit Monsieur Jean Beaumage (un nom bien choisi !).

Lorsqu’il reçoit de futurs clients, il les interpelle. Est-ce qu’ils prennent le temps de penser ? Avec les vies bien remplies de chacun plus personne n’a le temps de penser ! Et pourtant, c’est indispensable… Et puis il enchaîne avec un discours bien huilé.

Le voici face à Léon Torsadou qui a une entreprise de cordes à linge et une contexture (la manière dont se présente un tout complexe d’après le boss), c’est-à-dire un problème à résoudre avec ses commerciaux. Le but pour Jean ? Lui vendre (aidé de son neveu qu’il fait passer pour un employé lambda) un pack de bienvenue, en le baratinant pour qu’il comprenne que c’est la seule solution.

À travers divers entretiens avec des clients, Beaumage, qui n’a aucune moralité, montre combien seul l’argent l’intéresse. C’est un manipulateur qui donne des conseils servant uniquement son intérêt. Il attend quelque chose en retour, tout le temps.

Pour les tâches de la vie quotidienne, il les confie à Yasmina. Elle travaille pour lui sans être payée, elle est son addicte. Son père ayant une dette envers Beaumage, il l’a en quelque sorte, laissée en gage. C’est de l’esclavage moderne. Elle ne cherchera pas à s’enfuir, ça ne se fait pas dans ses mœurs, on obéit.

En présentant des situations cocasses, Rémy Belhomme évoque des faits réels, le surendettement (obliger les gens à acheter pour mieux les avoir sous sa coupe et les rendre dépendants), les emplettes impulsives face à un charlatan, l’emprise sur les plus faibles et bien d’autres thèmes.

Les dialogues sont vifs, très parlants, bien écrits. Les scènes, bien réparties, mettent peu d’individus en place (ils sont listés avec leur rôle en début de livre). Il y a peu de didascalies car tout est très visuel.

Cette pièce de théâtre se décrit comme une farce satirique. Avec des jeux de mots, un humour bien dosé, l’auteur met en avant les dérives de notre société. Il présente ceux qui embobinent, parlent et agissent peu, qui se croient les plus forts et qui méprisent les autres en les prenant de haut …

Je me suis régalée avec cette lecture ! J’ai beaucoup ri, la scène avec Madame Louison, tenancière de maison close, est une pépite.

« C’est ça, c’est tout à fait ça. Une auberge rose. Quelle perspicacité, quelle finesse dans le jugement ! Mais suis-je bête ! J’oublie que vous connaissez bien la maison. Vous êtes un familier en quelque sorte. »

Je pense qu’il n’est pas simple d’écrire une pièce de théâtre et pourtant, j’ai trouvé celle-ci particulièrement réussie, très actuelle.  Je ne sais pas comment l’auteur a eu cette idée mais il a bien fait. J’ai lu qu’elle allait être mise en scène par l’association ART (Atelier de Recherche Théâtrale), j’espère que les comédiens joueront dans plusieurs villes et que je pourrai voir une représentation !

"Hercule et Maurice" de Gaëtan Dalle Fratte, Hélène Cordier, Luc Legeais

 

Hercule et Maurice
Auteurs : Gaëtan Dalle Fratte (Illustrations), Hélène Cordier (Couleurs), Luc Legeais (Rédacteur)
Éditions : Jarjille (14 Novembre 2025)
ISBN : 978-2493649263
36 pages

Quatrième de couverture

Maurice le dragon découvre qu'il est malade. Les principaux symptômes le poussent à éternuer des torrents de flammes. Cela se révèle quelque peu problématique dans sa bonne entente avec le village. Le docteur local n'étant guère spécialiste de l'anatomie dragon, il faut que Maurice, s'il veut guérir, retourne vers les siens, mais il faut pour cela accepter de faire face aux griefs passés. Le voyage est propice à l'échange entre ce dragon qui refuse un modèle des relations basées sur la domination et un jeune garçon qui n'a connu que cette façon de fonctionner...

Mon avis

Maurice le dragon, banni par les siens car il ne voulait pas se battre, se promène dans la nature avec un petit garçon, Hercule. Il passe près d’une maison en bois qui vient d’être terminée et où une grande famille va être accueillie. Il éternue et crache des flammes ! Catastrophe ! Tout est détruit. C’est très embêtant car lui qui est tout gentil va devenir un danger ambulant et risque de ne plus être bien accueilli dans le village…. Il est malade et se sent de plus en plus faible et bien sûr rien ne s’améliore côté gorge...

Si seulement le docteur pouvait l’aider mais c’est compliqué. Pourtant, une piste lui est proposée. Ce sera peut-être la solution pour se soigner… Pourquoi ne pas essayer ?

Le scénario de Luc Legeais plaira aux enfants de primaire qui pourront lire seuls et aux plus petits à qui on racontera cette bande dessinée. Hercule pense que pour réussir c’est mieux d’être grand et fort. Et il découvre qu’il n’y a pas que cette réalité, que l’on peut faire autrement. Il est prêt à en découdre mais la sensibilité transmise par le dragon l’aide à avoir un regard plus humain, plus empathique. Il s’adoucit.

Transmettre un message d’apaisement, de relations basées sur le respect, le partage et l’écoute est une excellente idée. Le faire avec ces deux personnages très attachants, des dessins doux, arrondis, aux couleurs pastel (Hélène Cordier, la coloriste a réalisé un beau travail), c’est encore mieux. Quelques mots suffisent à suggérer, à guider, pas besoin d’en rajouter.

Les illustrations de Gaëtan Dalle Fratte sont emplies de délicatesse, d’expression et pourtant, ce n’est pas envahi de détails (quelques traits suffisent à transmettre une émotion). La première page ferait un tableau magnifique (d’autres également). Les décors sont sobres mais très parlants. Les vignettes n’ont pas toutes la même mesure, tout en étant disposées harmonieusement.

Papier et couverture cartonnée sont irréprochables. Le texte est porteur de sens. Les dessins et les couleurs sont de qualité, une chaleur humaine et une lumière douce s’en dégagent ainsi qu’une atmosphère attendrissante où les tensions se gomment petit à petit. Tant sur la forme que le fond, cet album est une réussite. Je suis totalement conquise !


"Quatre jours sans ma mère" de Ramsès Kefi

 

Quatre jours sans ma mère
Auteur : Ramsès Kefi
Éditions : Philippe Rey (21 Août 2025)
ISBN : 978-2384822492
210 pages

Quatrième de couverture

Un soir, Amani, soixante-sept ans, femme de ménage à la retraite dans une cité HLM paisible en bordure de forêt, s'en va. Pas de dispute, pas se cris, pas de valise non plus. Juste une casserole de pâtes piquantes laissée sur la cuisinière et un mot griffonné à la hâte : " Je dois partir, vraiment. Mais je reviendrai. " Son mari Hédi, ancien maçon bougon, chancelle. Son fils Salmane s'effondre. À trente-six ans, il vit encore chez ses parents, travaille dans un fast-food, fuit l'amour et gaspille ses nuits sur un parking avec son meilleur ami, Archie, et d'autres copains cabossés. Père et fils tentent de comprendre ce qui a poussé le pilier de leur famille à disparaître.

Mon avis

Amani et Hédi étaient jeunes orphelins lorsqu’ils ont fui la Tunisie. Leur pays maintenant c’est la Caverne, une cité HLM française. Ils ont trouvé leur place avec Salmane, leur fils presque quadragénaire qui vit encore avec eux, alors que diplômé il pourrait prétendre à un avenir meilleur.

Leur quotidien est sans relief, banal, presque sans futur tant il est morose. Et un jour, un tsunami, la mère est partie. Elle a laissé un mot indiquant qu’elle reviendra. Que s’est-il passé ? Pourquoi cette fuite ? Où est-elle allée ? Et que signifient son silence et l’absence d’explications ?

Après quelques hésitations, Salmane décide de suivre sa trace pour comprendre ce qui n’a sans doute jamais été évoqué, expliqué. L’occasion pour lui de grandir ? Il prend les choses en main, maladroitement parfois (il est resté un grand ado) mais avec de plus en plus de volonté, d’amour pour sa mère.

C’est lui qui raconte, au fil des chapitres. Son ton un brin railleur s’étoffe au fil des pages comme si la maturité gagnée dans cette quête ressortait même dans sa façon de s’exprimer. Il est également moins impulsif, plus réfléchi, il est capable de voir plus loin que le lendemain.

Le père, lui, réagit différemment. Il est en colère. Il ne veut pas perdre la face auprès des habitants. Dire que sa femme l’a quitté lui semble inconcevable. Pourtant ….

« Les secrets ont une espérance de vie limitée à La Caverne. »

Petit à petit, on rentre dans l’intime de cette famille, dans les non-dits, les tensions, les choix et leurs raisons. L’écriture fouille les vies, détaille le passé, se fait douce, puis brutale, ou sensible et délicate. On voit le poids du passé, des regards, des traditions. L’interprétation qui peut être faite des gestes et des paroles de chacun, ceux qui, entêtés, bloquent le dialogue et le pardon.

Le récit est parfaitement construit, vivant et bien écrit.

« Quatre jours sans ma mère » est un premier roman tout en subtilité que j’ai beaucoup aimé.


"Bigoudis & petites enquêtes - Tome 7 : Panique à Londres" de Naëlle Charles

 

Bigoudis & petites enquêtes - Tome 7 : Panique à Londres
Auteur : Naëlle Charles
Éditions : Archipoche (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1039206884
514 pages

Quatrième de couverture

Grande nouvelle ! Niels Anderson, parrain de la première édition du festival du Polar, invite dix personnes de Wahlbourg à un séminaire sur le roman policier européen qui se déroule à Londres. Pour Quentin, c'est l'occasion rêvée de se rapprocher de Léopoldine, et de revoir un ami de longue date, Garrett Kent, policier à la mythique Metropolitan Police. Mais en pleine conférence, l'autrice Linda James apprend par la police londonienne que son mari a été kidnappé aux abords de l'hôtel où se déroule la manifestation. Léopoldine et Quentin se lancent alors bille en tête dans une nouvelle enquête.

Mon avis

Quel bonheur de retrouver Miss-Marple-des-bacs-à-shampoing ! Je la suis depuis ses débuts et je me suis attachée à elle. C’est ma coiffeuse préférée, Léopoldine Courtecuisse. Pour ceux et celles qui ne la connaissent pas, elle habite Wahlbourg en Alsace et s’est retrouvé plusieurs fois à aider le lieutenant Quentin Delval. Ce charmant gendarme (qu’elle ne ferait sans doute pas dormir dans la baignoire) a bien besoin des indices qu’elle peut récupérer dans son salon où beaucoup se confient à son oreille attentive.

Cette fois-ci, un auteur nordique, qui avait participé à un festival du polar à Wahlbourg, a proposé d’inviter dix personnes à un colloque, sur le même thème, se déroulant à Londres. Les parents de Léo étaient les organisateurs alsaciens, ils sont donc concernés et enchantés de cette virée. Ils partent avec leurs deux filles et Tom, le petit fils, ainsi que quelques gendarmes dont Quentin. Entre les conférences, les visites culturelles, les boutiques, chacun va trouver à s’occuper. L’hôtel est superbe et le séjour commence à merveille. Mais voilà que le mari d’une écrivaine est kidnappé. Bien que n’ayant aucune légitimité pour enquêter dans un pays étranger, il y en a que ça démange…

Bloquée par la langue anglaise qu’elle ne pratique pas, Léopoldine fait équipe avec Quentin, qui n’est pas loin d’être bilingue. Ils aiment être en binôme ! Ils observent, déduisent, analysent et se font aider de Tom qui est ravi ! Il faut dire que les choses sont facilités par un enquêteur londonien que connaît Delval. Par contre, ils doivent être discrets sur cette collaboration car ils ne sont pas missionnés et sont là comme simples touristes et participants.

Naëlle Charles maîtrise son intrigue. Elle évoque dans son texte de faits réels (Murdochgate), preuve qu’elle s’est documentée. Un de ses personnages parle du parcours pour devenir un auteur reconnu et c’est très réaliste. C’est très intéressant et bien pensé que l’histoire se déroule en Angleterre, ça évite de se lasser de Wahlbourg où de nombreux endroits avaient été exploités. De plus, dans ce nouveau titre, Tom a un rôle plus important, tout à fait adapté à un adolescent. Cela a permis de bien renouveler les intervenants, les lieux et de mettre en place une nouvelle aventure !

L’écriture est accrocheuse, avec des touches d’humour et des interventions de voix de la conscience, c’est très amusant. Quentin et Léo s’expriment tour à tour dans les chapitres, assez courts. Le suspense est présent, avec ce qu’il faut de rebondissements pour qu’on ait envie d’enchaîner les pages. On découvre les jalousies, les coups bas, les mensonges … les différents romanciers veulent tous être le meilleur, celui qui a le plus de succès …. Jusqu’où peuvent-ils aller pour l’appât du gain, ou par vanité ? Les difficultés du métier (très bien expliquées) font que certains ne reculent devant rien…

J’ai apprécié l’évolution des protagonistes, ils changent au fil des enquêtes, prennent de la maturité. Mais on peut lire chaque tome de façon indépendante. On sait comment et pourquoi cette série a vu le jour et je peux dire que pour moi, elle est réussie ! Chaque « panique » m’a offert un moment de lecture agréable, drôle et prenant !


"Par où entre la lumière" de Joyce Maynard (How the Light Gets in)

 

Par où entre la lumière (How the Light Gets in)
Auteur : Joyce Maynard
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Florence Lévy-Paoloni
Éditions : Philippe Rey (21 Août 2025)
ISBN : 978-2384822522
628 pages

Quatrième de couverture

Eleanor est de retour dans la maison familiale du New Hampshire, quittée vingt-cinq ans plus tôt. Eleanor apprend à vivre au rythme des tâches agricoles, de ses inspirations artistiques ou des week-ends au marché des producteurs. Tandis qu'elle accueille sa nouvelle voisine enceinte de neuf mois, Eleanor prend conscience des sacrifices qu'elle-même a endurés, se dédiant entièrement au bonheur de ses proches. Mais à présent saura-t-elle entendre, à son âge, l'appel du renouveau ? Saura-t-elle reconnaître le bonheur quand il se présentera à elle ?

Mon avis

« Par où entre la lumière » est la suite directe de « Où vivaient les gens heureux ». On retrouve Eleanor, veuve, une femme autrice qui vit avec son fils Toby. Il a des problèmes cognitifs suite à un début de noyade lorsqu’il était enfant. Deux autres enfants complètent la fratrie, Al et Ursula mais ils sont totalement indépendants.

C’est un récit foisonnant qui met en scène une douzaine de personnages dont on découvre (ou redécouvre) le passé, le présent et le futur sur une cinquantaine d’années. Le contexte historique est évoqué et sert de toile de fond (notamment pour la politique avec l’arrivée de Trump et le départ d’Obama) pour certains événements et pour l’évolution des protagonistes.

Joyce Maynard sait parler de vies ordinaires d’une façon extraordinaire. Elle évoque l’amour, les difficultés, la vie de tous les jours, ce qui unit, ce qui détruit, les non-dits, l’incompréhension, les erreurs et les leçons qu’on en tire etc ..

Son écriture est délicate, profonde, elle porte des réflexions intéressantes sur les relations humaines, parfois sur un ton un peu docte, c’est dommage.

J’aime énormément cet auteur mais ce roman ne rejoindra pas la liste de mes préférés.

J’ai été contente de retrouver toutes ces personnes et de voir ce que chacun devenait mais certains faits sont un peu « trop ». Le COVID, la maladie (grave évidemment), la violence, l’alcoolisme et j’en passe. C’est comme si l’auteur avait voulu aborder tous les thèmes possibles autour de la famille. Et il y a un petit côté, non pas donneur de leçons, mais « et n’oubliez pas que… » avec des petites phrases en conclusion de nombreux chapitres pour rappeler la valeur de la vie, qu’il faut savoir pardonner, que l’amour sauve de tout etc…. J’aurais pu recopier des citations sans arrêt.

« Le pire échec de l’humanité ne vient pas de ce que nous faisons, mais de la volonté de quelques-uns de rien faire. »

Je sais que c’est dans la mouvance du moment, des textes qui font du bien mais elle en fait un peu trop. J’emploie sans le doute le « un peu » car je lui pardonne ses « excès ». Mais je le re écris, ce ne sera pas un incontournable pour moi et je le regrette.

Le titre, en anglais, est une citation de Léonard Cohen et de nombreuses autres références musicales sont présentes dans ce livre (et l’auteur explique pourquoi dans les dernières pages), il y a même la bande son sur internet.

J’attends le prochain recueil avec impatience pour voir si elle redresse la barre !


"En quête de liberté" de Gaëlle Joly & Sana et Tugce Audoire

 

En quête de liberté
Comment je me suis sortie de l'enfer de Daesh
Auteurs : Gaëlle Joly & Sana (scénario) et Tugce Audoire (dessin)
Éditions : Vuibert (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2311151008
210 pages

Quatrième de couverture

Un soir d’août 2014, Sana, 15 ans, croit partir en vacances en Algérie avec sa famille. Quand l’avion atterrit, elle comprend : elle est en fait en Turquie, direction la Syrie. La frontière franchie, à pied et en courant dans la nuit, l’adolescente se retrouve dans un pays aux mains des terroristes. Mariée de force à un combattant de l’État islamique, mère un an plus tard, elle affrontera la guerre, la faim, les camps kurdes et l’effacement de son droit d’exister. Pendant neuf années, Sana n’aura qu’un objectif : survivre. Survivre pour elle, survivre pour ses filles.

Mon avis

Ce roman graphique raconte l’histoire de Sana pendant neuf ans, à partir d’août 2014. Ses parents sont séparés et sous prétexte de vacances, sa mère lui dit qu’elles vont aller en Algérie. Il n’en est rien et elle se retrouve en Syrie, mariée de force à un combattant de l’état islamique et mère à seize ans. La vie sous Daesh, les camps kurdes dans des conditions effroyables, elle va tout vivre, tout subir. Elle se battra pour survivre avec un seul but : revenir en France et vivre libre.

C’est son combat que Tugce Audoire, peintre et illustratrice turque, a mis en images et que Gaëlle Joly, grand reporter, ayant croisé Sana dans un camp en 2022, a décrit en mots, reprenant les confidences de la jeune femme.

Divisé en six chapitres, cette bande dessinée est édifiante. Au début de chaque partie, une carte pour situer les lieux et parfois, mieux comprendre les enjeux. Puis les images, avec une majorité de couleurs marron, sable, orange et beige. Le plus souvent trois à quatre vignettes par page. Les textes sont sur fond beige pour les pensées, et sur fond blanc pour les paroles. Le décor est souvent estompé pour se concentrer sur les visages, les silhouettes.

En ce qui concerne les illustrations, j’ai trouvé l’ensemble beau à regarder mais pas toujours très expressif. Certains personnages en posture debout manquent de mouvement, de souplesse, ils font un peu « raides ». Mais ça reste représentatif et il faut saluer la qualité du travail.

Pour le texte, il est difficile de résumer une petite dizaine d’années en deux cent dix pages donc il y a forcément des raccourcis, des passages survolés et je me suis posée quelques questions. Je vais chercher des entretiens avec Sana pour mieux comprendre tout cela.

Ce témoignage est bouleversant. Elle a vécu des choses horribles et le traumatisme est important. Le fait qu’elle parle, qu’on la lise, c’est donner la parole à toutes les personnes qui sont dans son cas et dont on ignore l’existence.

Le chemin a été dur, compliqué, notamment par le fait qu’il a fallu tenir tête à sa mère qui n’avait pas les mêmes idées qu’elle et qui envisageait un autre avenir pour sa fille. Elle a eu une force de caractère hors du commun et a trouvé des soutiens qui l’ont aidée à ne jamais baisser les bras.

Quand elle est revenue en France, elle a dû donner des preuves de sa bonne foi, de sa légitimité. Elle qui a été victime de sa famille et du terrorisme…. Pour elle, c’était une lutte de plus, mais c’est compréhensible.   

J’ai apprécié cette lecture. Mais il m’a manqué « un supplément d’âme », ces émotions fortes qui font dire waouhh, qui serrent le ventre et mettent les larmes aux yeux. Peut-être que le texte était trop factuel, pas assez dans le ressenti, même si on sent la colère et la peur de Sana.

Une chose est certaine. Il est parfois plus aisé de lire un roman graphique plutôt qu’un livre et cela permet d’être au courant de ce genre de situation.

NB : En fin d’ouvrage, la chronologie complète bien le propos. L’introduction (rédigée par Sana) et le « Et maintenant » (écrite par Gaëlle Joly) sont bouleversants.





"La poursuite d'une vie" de Raphaël Poirée

 

La poursuite d’une vie
Auteur : Raphaël Poirée
Avec la participation d’Yves Perret
Éditions : Les passionnés de bouquins (24 Novembre 2020)
ISBN : 978-2363510990
194 pages

Quatrième de couverture

Quelques années avant l’avènement de Martin Fourcade, Raphaël Poirée domina le biathlon mondial, se construisant un palmarès hors normes, avec notamment huit titres de champion du monde et trois médailles olympiques. Mais, derrière le champion, se cache une personnalité complexe à qui la vie n’a pas toujours souri.

Mon avis

« Soyez-vous-mêmes. Cultivez vos différences. Restez tels que vous voulez être… Simplement et profondément heureux. »

Raphaël Poirée est un biathlète que j’ai longtemps suivi.  Il a écrit un premier livre en 2007 et a ressenti le besoin de s’exprimer à nouveau.

Dans ce livre, il s’exprime à la première personne, donnant son ressenti sur tous les événements qui ont jalonné son quotidien.

J’ai découvert un sportif accompli, exigeant avec lui -même et avec les autres (lorsqu’il était entraîneur), recherchant le geste parfait, souhaitant en permanence donner le meilleur de lui-même, ne se pardonnant rien en cas d’erreur.

Au-delà du sport et de ce besoin viscéral de se surpasser, l’homme, qui n’a pas été élevé par son père biologique, a souffert de ne pas savoir qui il était vraiment (il a finalement, tardivement, fait des recherches qui l’ont apaisé).

Comme d’autres, j’ai été fan de son couple avec Liv Grete, la championne norvégienne. Elle était le soleil, lui, le nuage. J’admirais le fait qu’ils se « portent » l’un l’autre pour ne jamais baisser les bras, gagner sans se lasser encore et encore.

Leur séparation m’avait attristée, comme un conte de fée qui finit mal. En lisant cette biographie, j’ai mieux compris le mal-être de Raphaël, tout ce qui l’a « rongé » au quotidien.

Il s’est longtemps senti différent : taiseux et solitaire. Il a eu besoin de trouver des points d’équilibre à chaque étape de sa vie. Voulant tout vivre à fond, ça l’a parfois bloqué pour « choisir » les priorités. Par exemple, il avait du mal à être père et biathlète en même temps, n’arrivant pas à se donner à fond dans les deux domaines.

Agrémenté de photos en noir et blanc de sa collection personnelle, cette biographie m’a énormément intéressée. Je l’ai trouvée très complète.

« Ce qui m’importe, c’est de laisser une belle image, de boucler cette belle histoire et de donner envie aux gens de croire dans le sport. »

C’est fait Monsieur Poirée !


"La rumeur" d'Heidi Perks (The Whispers)

 

La rumeur (The Whispers)
Auteur : Heidi Perks
Traduit de l’anglais par Carole Delporte
Éditions : Le livre de poche (5 Novembre 2025)
ISBN : 978-2253253136
384 pages

Quatrième de couverture

Personne n’a vu Anna depuis une soirée passée avec ses quatre plus proches amies. Elle a un mari aimant et un fils qu’elle adore, tous deux sont morts d’inquiétude. Grace, son amie d’enfance, est persuadée qu’elle n’abandonnerait jamais sa vie parfaite sans crier gare. Que lui est-il donc arrivé ?

Mon avis

Après des années d’absence, Grace, mariée et mère d’une petite fille, revient en Angleterre. Elle est sans son mari, bloqué par son travail à l’autre bout du monde. Elle s’installe dans la ville où elle a grandi et où vit Anna, sa meilleure amie. Bien que le contact ait été coupé du fait de la distance, elle a hâte de la retrouver. Leurs enfants sont scolarisés dans la même classe, ce sera facile.

Sauf que ce n’est pas aussi idyllique que Grace le pensait. Anna est devenue très amie avec d’autres mamans d’élèves et semble l’éviter. Grace est blessée d’autant plus qu’elle a le sentiment qu’une de ces femmes a une mauvaise influence sur Anna. Elle a tant donné avant de partir avec sa famille pour sa best friend qui n’avait que son père. Elle l’a accueillie comme si elle était sa sœur. Les soirées pyjamas, les sorties, elle l’a aimée, protégée, elle ne comprend pas, elle souffre. Comment rétablir ce lien dont elle a tant besoin ? Elles ont évolué mais Anna ne peut pas avoir oublié le passé, tout ce qu’elle a fait pour elle, c’est impossible.

Mais les non-dits, les silences, les qu’en dira-t-on pèsent…

« Parfois, j’aimerais que Grace dise ce qu’elle pense. En fait, je trouve souvent qu’il serait préférable que nous soyons toutes plus honnêtes au lieu de jongler avec nos peurs, nos angoisses et nos gênes. »

Le lecteur passe de l’une à l’autre avec différents points de vue, parfois pour un même événement, alternant passé (proche et lointain) avec le présent.  Anna dit « je », pour Grace, c’est un narrateur. C’est là que l’on découvre que quelques détails peuvent flétrir les souvenirs, les transformer pour en faire ce qu’on désire surtout quand de longues années se sont écoulées. À ce moment-là, tout est chamboulé, remis en question. Où se trouve la vérité ? Dans ce qu’on imagine être le vécu réel ou dans ce qu’on tait car notre cerveau a fait l’impasse ? Qu’est-ce qui a créé cette « fracture » entre ces deux inséparables ?

L’écriture est prenante (merci à la traductrice), la tension augmente au fil des chapitres, plutôt courts pour maintenir suspense et intérêt. C’est bien pensé, bien construit. Petit à petit, les personnalités se dessinent, surprenantes, pas forcément comme on les croyait.

Ce roman parle d’amitié, de la complexité des rapports humains (quelques fois, on ne veut plus les voir les personnes qui nous rappellent quelque chose qu’on a choisi de mettre sous le tapis). Il évoque également la place qu’on donne à chacun et ce qu’on attend d’eux. D’ailleurs faut-il attendre quoi que ce soit de ceux qu’on aime ? À part écoute et compréhension ?  


"Sex in Paris" d'Octavie Delvaux

 

Sex in Paris
Auteur : Octavie Delvaux
Éditions : La Musardine (6 Novembre 2025)
ISBN : 978-2364906815
272 pages

Quatrième de couverture

Charlotte, influenceuse culinaire star, pensait mener une vie bien rangée, consacrée à ses recettes véganes et son projet de bébé avec Benjamin. Raté. La voilà embarquée dans un projet de restaurant par Philippe Jimenez, chef étoilé grande gueule, et son fils, l'indomptable et irrésistible Vic. Et quand ça chauffe en cuisine, ça déborde aussi dans les chambres : Charlotte devra jongler entre ses fourneaux, ses hormones et son couple à sauver

Mon avis

Charlotte est une pointure dans son domaine : la cuisine. Elle a quitté C8 car le monde télévisuel lui semblait trop nocif. Elle est maintenant « influenceuse », un métier à la mode qui lui convient. En couple avec Benjamin, son idée fixe est d’avoir un bébé et ils font tout pour que ça marche, un peu trop même car ils perdent en naturel.

Voilà que Philippe Jimenez, un grand cuisinier très renommé, la contacte. Il veut accompagner sa fille, Victoire, une ex ado rebelle, à peine rangée, pour l’ouverture d’un restau végan. Il espère ainsi la calmer et la canaliser. Mais cette jeune femme a besoin de conseils et lui, il n’a pas le temps. Alors il sollicite Charlotte.

En se rendant au rendez-vous, elle s’arrête chez sa copine Déborah qui prépare l’événement « Sex in Paris » (une série de conférences sur la sexualité). Les voilà qui se lancent dans des conversations débridées. Morgane, une autre amie les rejoint et ça dérive sur le désir d’enfant de Charlotte. Les deux « coquines » ne sont pas en manque d’idées pour l’aider, lui suggérant même que Ben n’est peut-être pas le meilleur étalon….surtout qu’elle se plaint de son manque d’implication dans leur vie quotidienne et amoureuse.

Ce récit pourrait être une gentille romance mais l’autrice flirte avec l’érotisme en présentant quelques scènes un peu chaudes. Ce n’est pas du voyeurisme mais ce qui se sait dont on ne parle pas ou peu. Elle n’en rajoute pas (sinon j’aurais fui et fermé le livre), c’est juste à la limite. De plus, elle parle de l’assignation de genre, des pansexuels, des sapiosexuels et j’en passe, et de tout ce qui représente l’amour. Même si ça reste assez superficiel, c’est intéressant de voir combien ce « domaine » s’est développé tel un arbre aux multiples branches et racines.

Le combat de Charlotte pour être mère est un fil conducteur important. On sent le désespoir à chaque test négatif et on s’interroge. Ne peut-on être une femme accomplie qu’en mettant au monde un enfant ?

Tromperies, « coucheries », drôleries, fantasmes, tout y passe, hommes, femmes, iels, c’est décapant et amusant (à petites doses pour moi).  Octavie Delvaux a beaucoup d’humour et son écriture est pétillante. En plus de l’aspect « érotique », elle développe une vraie histoire pour ses personnages, même si c’est léger, comme ce genre de littérature.

Le texte donne chaud quelques fois mais en ces froides journées de pré-hiver, cette lecture n’était pas une mauvaise idée 😉


"L'insaisissable Monsieur X" de Xiaolong Qiu (The Secret Sharers)

 

L'insaisissable Monsieur X (The Secret Sharers)
Auteur : Xiaolong Qiu
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Emmanuelle Vial
Éditions : Liana Levi (13 Novembre 2025)
ISBN : 979-1034911530
208 pages

Quatrième de couverture

Alors que la Chine est encore ébranlée par le Covid et que la bulle financière menace d’éclater, l’ancien inspecteur en chef Chen, devenu directeur du Bureau de la Réforme judiciaire, reçoit un appel de Vieux Chasseur. Son fidèle ami, à présent détective privé, lui demande de l’aider pour une mission confiée à son agence. Mei, une femme qui a fait fortune dans l’immobilier, cherche à retrouver un certain X, disparu peu avant. Chen accepte de mener l’enquête, avec l’aide de Jin, sa fidèle assistante.

Mon avis

L’auteur, né à Shanghai, vit aujourd'hui à Saint-Louis (USA), il a été dans l’obligation de quitter son pays. Chacun de ses titres nous apporte un éclairage sur l’histoire de la Chine et ce que vivent les habitants. Il présente cela avec finesse et doigté.

« […] la Chine change, et elle ne change pas. Il en résulte une sorte de tension, qui révèle quelque chose de profond dans les préoccupations contemporaines. »

Son personnage récurrent est Chen Cao. Autrefois inspecteur de la police criminelle, il a été mis sur la touche et au repos. Son nouveau rôle ? Directeur du Bureau de la réforme judiciaire mais actuellement, « on » lui a demandé de prendre soin de sa santé (pour des raisons politiques c’est possible en Chine…). Une jeune secrétaire, Jin, est un atout précieux pour lui. Elle n’est pas « surveillée » comme lui, elle peut se déplacer plus facilement (pour l’instant…)

Lorsque Vieux Chasseur, son fidèle ami, détective privé l’appelle pour lui demander de l’aide sur une mission, Chen ne sait que faire. Après quelques explications, il relève le défi. Il s’agit, à la demande d’une femme, Mei, numéro 1 de l’immobilier, de retrouver un homme, X, qui habitait le quartier de Poussière Rouge d’où il a disparu. Autrefois universitaire, il a dû, lui aussi, comme Chen, se faire « oublier » et devenir discret. Tout ça parce qu’en 1989, il a soutenu les étudiants pendant la tragédie de Tian’anmen. Il a de ce fait élu domicile dans un coin plutôt pauvre que le gouvernement envisage de raser…

Aidé de Jin, de quelques individus de sa connaissance qui peuvent agir dans l’ombre, Chen se penche sur l’histoire de ces deux personnes, afin de comprendre pourquoi cette femme est prête à tout pour avoir des nouvelles de X.

Sus six journées, il va mener des investigations, lire des extraits de journal intime de Mei et X afin de comprendre ce qui lui échappe et de résoudre cette affaire. Il va doucement mais il avance pas à pas, se servant des indices qu’il a et de son cerveau pour déduire le reste. Au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête, le lecteur découvre les non-dits, les mensonges, la vie quotidienne bien différente suivant le lieu où on est installé dans la ville.

Qiu Xiaolong, par l’intermédiaire de son récit, nous montre la Chine de l’intérieur, ce qu’il y a derrière les apparences. Par exemple, les « cols blancs », au chômage, qui se cachent toute la journée dans un bar avec leur ordinateur pour ne pas dévoiler leur situation. Ou bien, le fait que le nombre de cartes SIM soit fixé pour que les gens soient plus aisément traçables. C’est édifiant et ça donne des frissons ! Même s’il vit aux Etats-Unis, l’auteur suit de près son pays et ce qu’il s’y passe. Lorsqu’il glisse des « informations », il le fait avec subtilité. Il faut lire entre les lignes et comme il l’écrit :

« Comme dans la peinture traditionnelle chinoise, l’espace vide d’un paysage en disait parfois beaucoup plus, laissant le spectateur libre de tout imaginer. »

Lire cet écrivain, c’est accepter de prendre le temps. Il n’y a pas un rythme effréné, des rebondissements sans arrêt, une tension à couper le souffle mais l’atmosphère est parfaitement retranscrite, on a envie de partager les repas de Chen, de tendre l’oreille pour qu’il lise ses poèmes, car la poésie est très présente et offre un autre regard. L’écriture (merci à la traductrice) est infiniment délicate, comme une dentelle, chaque mot est choisi avec soin.

Cette nouvelle aventure de Chen Cao est tout aussi réussie que les précédentes.

NB : dans les premières pages, une longue dédicace émouvante.


"La fascination Titaÿna" d'Hélène Legrais

 

La fascination Titaÿna
Auteur : Hélène Legrais
Éditions : Calmann-Lévy (29 Octobre 2025)
ISBN : 978-2702194218
370 pages

Quatrième de couverture

Baptiste Calvet fuit son village natal en Pays catalan et l’épicerie familiale pour partir à la conquête de Paris. Son sésame : une lettre de recommandation pour une compatriote de Villeneuve-de-la-Raho vivant désormais dans la capitale : Élisabeth Sauvy, alias Titaÿna, journaliste, aviatrice et globe-trotteuse intrépide. Cette rencontre va bouleverser son destin. Fasciné par cette femme libre et charismatique qui bouscule les codes d’une société corsetée par les traditions, il entre à son service et découvre grâce à elle le Tout-Paris des années 20.

Mon avis

Titaÿna, de son vrai nom Élisabeth Sauvy, a toujours fasciné Hélène Legrais. Après de nombreuses recherches, cette dernière nous livre un roman très complet, intéressant et prenant sur une femme hors du commun.

1928, Baptiste Calvet habite avec ses parents à Villeneuve de la Raho dans les Pyrénées orientales. Son père a perdu un bras à la guerre. L’avenir de Baptiste est déjà tracé : il travaille à l’épicerie familiale et finira par la reprendre. Il se doit d’être un bon fils donc il n’a pas vraiment le choix. Sauf que ce futur ne lui fait aucunement envie. Lui, il veut aller à Paris, découvrir une autre vie, un quotidien différent. Un jour, il ne sait pas trop pourquoi, son paternel cède. Il pourra « monter » à la capitale. Il va jusqu’à lui donner une lettre de recommandation pour une femme qui a grandi au village et qui est installée là-haut et qui, semble-t-il, a réussi.

Il débarque chez elle avec sa valise, un peu perdu. En échange d’une chambre sous les toits, elle lui propose d’être son coursier. C’est une « dame » qui n’a pas froid aux yeux. Elle se décrit elle-même comme une aventurière.

« J’ai pris un pseudonyme par souci d’indépendance. Et pour m’affirmer en tant qu’individu. Ni la fille de, ni la femme de. Ni prénom, ni nom. C’est Titaÿna qui voyage, enquête, photographie, ressent, écrit, et personne d’autre ! »

À son contact, le jeune homme découvre un autre monde, prend de l’assurance et grandit. Il fait connaissance de Nicolette, une admiratrice de sa « patronne ». Elle rêve de devenir comme elle, une journaliste qui « ose », qui déniche des sujets originaux. Grâce à Baptiste, l’élève rencontre son modèle et écoute ses conseils.

« Ne laisse jamais paraître la moindre faiblesse ou hésitation. Fais comme moi : moque-toi des jugements. »

Le récit nous entraîne à la suite de ces trois personnages, et d’autres dans des aventures sans temps mort. Au fil des pages, on cerne la personnalité atypique de Titaÿna, ses réussites, ses échecs, ses choix, ses prises de position controversées, notamment par rapport aux juifs, à Hitler lorsqu’arrive la seconde guerre mondiale …. Les autres protagonistes ne sont pas oubliés, Nicolette a de l’ambition, elle veut réussir, Baptiste également … Mais à quel prix ? Comment trouver l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle ? Comment ne pas tout écraser sur son passage pour parvenir au succès ? Jusqu’où peut aller la quête de reconnaissance, le besoin d’exister par soi-même ?

Ce récit nous offre de beaux portraits de femme. Elisabeth Sauvy (1897-1966) était très moderne pour son époque, c’est assez incroyable de voir tout ce qu’elle a décidé de faire, même si c’était plutôt réservé aux hommes (je vous laisse découvrir). Son fort tempérament fait que, souvent, les gens allaient dans son sens, sans la contrarier… Rebelle, indomptable, elle n’a pas toujours pris les bonnes décisions et a été admirée autant que détestée…

Mêlant habilement personnages réels (je ne connaissais ni Titaÿna, ni Gerda Taro (évoquée dans le livre et que je verrai bien dans un prochain titre)) et fictifs, Hélène Legrais a réussi à me scotcher aux pages (avec une belle bague de lecture en plus !). Son écriture fluide, son style m’ont captivée. J’ai apprécié le fait qu’elle nous plonge dans le quotidien de ceux et celles qu’elle présente. Le texte est très « vivant », bien documenté sans être lourd. J’ai énormément appris et c’est plus qu’une belle découverte, c’est un coup de cœur !

Dans les dernières pages, dans les remerciements, l’autrice explique la genèse de ce roman, qui est aussi un rappel à l’ordre sur les dérives (l’Histoire se répète) et elle nous dit « Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas ... »

NB : en début d’ouvrage, une dédicace puissante : « Aux femmes libres, audacieuses, indomptables … et à leurs erreurs »