"Un aller retour vers l'aventure de Michel François

 

Un aller retour vers l’aventure
Auteur : Michel François
Éditions : Douro (1 septembre 2024)
ISBN : 978-2384063987
230 pages

Quatrième de couverture

Avoir la vingtaine fin des années 60, mener une existence banale et monotone autour du lycée, et trouver une voie pour sortir de ce piège. Voilà bien le récit de quelques années, qui ont permis à l'auteur de voyager et d'apprendre des langues étrangères. Au cœur de ce récit, sa rencontre avec un personnage mystérieux et charismatique qui lui montrera toutes les facettes de la vie. 

Mon avis

Ce récit commence alors que le narrateur est adolescent. Il part en stage BAFA (brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur). S’il réussit, il pourra travailler en colonie de vacances et gagner quelques sous.  En dehors des périodes de congés, il est au lycée. On va le suivre jusqu’à l’âge adulte.

Il est avide d’expériences et n’hésite pas à dire oui pour partir en Angleterre afin d’apprendre la langue tout en travaillant. Parfois il a besoin d’être guidé, accompagné. Alors, lorsqu’il se retrouve quelques fois seul, il est un peu perdu. Mais il a une capacité à rebondir tout à fait impressionnante. Il a du caractère, de la volonté.

Les années passent. Il relève des défis, n’hésite pas à s’opposer ou partir lorsque ça ne lui plaît pas. Sa personnalité s’affirme, il grandit.  Son caractère prend « de la consistance », de timide et timoré il passe à plus sûr de lui et capable de répondre. Il apprend à vivre et à faire face à de nouvelles situations que nous découvrons, en France ou ailleurs.

C’est avec beaucoup de précision que nous sont narrées les « aventures » de Gérard Martin. Il n’y a pas de temps mort, on le suit avec plaisir, en se demandant ce qu’il va choisir, faire pour avancer. Il a suivi des études de compatibilité mais est-ce ce qui lui convient le mieux ?

Le style est fluide, l’écriture de qualité, l’orthographe impeccable, ce sont déjà de sérieux atouts pour cette lecture. Le texte enchaîne les événements, de temps en temps, il y a une pointe d’humour. Les personnes que rencontre l’auteur interviennent dans sa vie et on découvre que certaines décisions ont été liées à ces entrevues. C’est vraiment intéressant, il n’y a pas de temps mort.

J’ai été agréablement surprise par ce livre qui est une belle découverte !

"Le bonheur sur ordonnance" de Barbara Abel

 

Le bonheur sur ordonnance
Auteur : Barbara Abel
Éditions : Récamier (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2385771867
384 pages

Quatrième de couverture

Méline est une mère de famille sujette aux sautes d'humeur. Jusque-là, rien d'anormal. Sauf qu'elle explose à la moindre contrariété et tyrannise son entourage. Ses craquages cachent en vérité une maladie orpheline qui s'attaque au gène du bonheur. Sans traitement, ce mal la tuera. Et de traitement, il n'en existe qu'un : recevoir une dose quotidienne de joie. Mais comment fait-on pour être toujours heureux ?

Mon avis

S’il suffisait d’une ordonnance pour être heureux, ça se saurait, non ? Car, on le sait bien, les antis dépresseurs, ce sont « des béquilles », une aide passagère lorsque ça va très mal, mais ça ne soigne pas le fond…

Méline Valliant est mariée à Vincent, ils ont deux enfants, Oscar et Agnès. Elle vient d’apprendre qu’elle souffre d’une maladie orpheline, très rare. Le gêne H, le gêne du bonheur qui régit les émotions, qui équilibre les sensations face à un émoi très fort, est défaillant chez elle. Elle n’a qu’une solution pour ne pas se laisser débroder par ses ressentis : être heureuse en permanence sinon elle va mourir. C’est ce que lui dit le docteur Leroy lors d’un rendez-vous médical. Assommée par cette information, elle décide de ne rien dire à sa famille et de gérer seule.

Pas de stress, une vie tranquille et ça devrait le faire non ? Sauf que ce n’est pas si simple. La pression est permanente, partout. Au boulot où il faut défendre ses projets, supporter les humeurs des uns et des autres. À la maison, où il faut être la mère parfaite, qui fait face, anticipe, accompagne les enfants à l’école…Face à la famille élargie, aux amis qu’il faut écouter sans se plaindre. Etc. Méline s’est oubliée, elle n’existe plus que pour les autres, pour leur bonheur à eux mais le sien ? Il est où ?

Sous de dehors légers, ce livre aborde le poids que la société fait peser, les « il faut, c’est mieux ainsi », il est important de rester dans la norme, sans faire de vagues. Pour Méline, c’est impossible, les contrariétés, l’angoisse, tout cela fait monter en elle d’irrépressibles colères. Elle rentre alors en crise et lâche en hurlant tout ce qu’elle a gardé en elle.  Le problème, c’est que ça la prend sans prévenir (ou si elle le sent, elle n’arrive pas à se contenir), elle est alors sans filtre, grossière (c’est amusant ce qu’elle peut crier….) Tout cela la met dans des situations improbables (dont elle a honte a posteriori) entraînant des dégâts collatéraux. C’est compliqué pour elle mais aussi pour tous ceux qu’elle côtoie. Comme elle n’en parle pas, personne ne la comprend…

Elle cherche comment s’en sortir, trouve quelques idées, qui fonctionnent un temps. Elle doit revoir ses priorités. Son mari prend peur devant ses comportements imprévisibles. Et elle tout lui échappe. Elle est en train de se perdre et de perdre ceux qu’elle aime…

Le trait est forcé, caricatural et c’est volontaire. C’est d’ailleurs ce qui rend ce livre drôle. Mais derrière le sourire, on peut se questionner ? C’est quoi être heureux ? Ai-je le temps de profiter de chaque instant de bonheur ? Quelle image je donne de moi ? Celle d’une personne forte, toujours contente ? Ai-je la possibilité de me montrer plus vulnérable, de me poser, d’être soutenue ?

L’écriture est pétillante, les événements donnent du rythme, permettent à chaque protagoniste de se dévoiler un peu plus. Les passages avec les enfants sont jubilatoires.

Ce récit est plaisant, bien rédigé, bien ficelé. Il nous permet de réfléchir à nos choix, notre attitude, nos désirs profonds, nos envies. Le bonheur ? Il appartient, sans doute, à chacun de nous, de le construire …

"Cargo blues" d'Audrey Sabardeil

 

Cargo blues
Auteur : Audrey Sabardeil
Éditions : Le bruit du monde (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2386010484
384 pages

Quatrième de couverture

Vivre accoudé à un balcon suspendu au-dessus de la Méditerranée est un privilège. C'est le quotidien de Fab, qui navigue entre Corse et continent sur le Pascal Paoli. À quai, deux êtres chers l'attendent, son amie d'enfance Angelica, et Charlie, qu'il aime comme un fils. Lorsqu'une nuit, un drame les percute, son équilibre vacille. Une fusillade au pied d'un immeuble qui aurait pu n'être qu'un banal fait divers marque le début d'une longue cavalcade et Fab se retrouve pris dans un engrenage vertigineux au cœur de différents trafics.

Mon avis

Ce roman nous offre une immersion au cœur de Marseille, avec un récit très réaliste.

Angelica et Fab sont amis depuis l’enfance. Mère célibataire d’un petit Charlie, elle est assistante sociale et doit souvent se déplacer dans des quartiers un peu difficiles. Lui, il travaille sur les bateaux. Lorsqu’il est en repos, elle sait qu’elle peut compter sur lui. Une nuit, alors qu’il se rapproche du port pour quelques jours, elle l’appelle, totalement affolée. Elle est dans son appartement avec son fils mais elle entend des coups de feu à l’extérieur, elle est effrayée. Il la calme et lui promet de venir le lendemain.

Quand ils se retrouvent, elle lui apprend que le fils de la voisine a été tué, elle ne comprend pas, un gosse sans histoire, du moins en apparence…. Fab la rassure et lui conseille d’être prudente, entre autres lorsqu’elle va chercher ou compléter des dossiers à domicile. En effet, il y a une certaine tension dans l’air dans les coins où elle se rend. Elle promet. Elle n’est pas tout à fait consciente des dangers auxquels elle s’expose. Elle pense qu’elle est connue des habitants (ce qui est vrai) et qu’elle ne court aucun risque…. Lui, il est plus mitigé et lui rappelle d’être vigilante.

Les événements qui s’enchaînent donnent plutôt raison à Fab. Il se retrouve entraîné dans une histoire qui le dépasse. Dans un premier temps, il voudrait se tenir loin de ces magouilles, de cette violence, de cette noirceur mais il change d’avis. Il croise une jeune femme, qu’il avait déjà vue et se pose des questions sur ce qu’elle vit. Alors il creuse, il fouine.
Elle est dans une situation délicate, dont elle ne peut pas s’extirper. Fab découvre des faits terribles de malversation, de triche sur l’immobilier (pour remporter des marchés publics), de corruption, de violence… Il ne supporte pas ce qu’il entrevoit, il a besoin d’agir.

Il ne sait pas que tout cela, ça craint, qu’il va être embarqué dans une spirale infernale. Il est face à l’horreur, l’angoisse est permanente. Écœuré, dégoûté de ce qu’il entrevoit. Mais, ça le rend plus « fort », il a encore moins envie de laisser passer de telles exactions, de tels comportements. Il ne lâche rien. Quelques rencontres lui permettent d’avancer, d’autres le confortent dans ses choix, certaines le mettent en danger…. Mais il continue car, au cœur de lui, la révolte et la colère grondent, il ne peut ni supporter, ni tolérer des attitudes sans foi ni loi.

Audrey Sabardeil a vécu à Marseille, elle connaît cette ville, capable du meilleur comme du pire. Elle a une écriture digne des plus grands écrivains de livres noirs. Il y a du rythme, des rebondissements, des personnages charismatiques, du suspense. Elle nous présente une cité phocéenne gangrénée par la débauche, la perversion. On est loin du soleil et de l’accent chantant. C’est une bourgade où certains souffrent en silence, où la peur noue le ventre de quelques-uns. Comment vivre en harmonie lorsque la drogue déforme les pensées, lorsque l’appât du gain dérègle les rapports humains ? Humain ? Le sont-ils, ceux qui trempent là-dedans ?

J’ai lu ce livre d’une traite, il est prenant, bouleversant, intéressant (car on sent bien, on sait bien que la réalité est proche de ce qui est décrit). C’est une vraie « peinture sociale » et c’est excellent !

"Brazilian Playboy" de Joe Thomas (Playboy)

 

Brazilian Playboy (Playboy)
Auteur : Joe Thomas
Traduit de l’anglais par Jacques Collin
Éditions : Seuil (4 Avril 2025)
ISBN : 978-2021569834
290 pages

Quatrième de couverture

Mars 2016, São Paulo. Alors que la campagne pour la destitution de la présidente Dilma Rousseff bat son plein, l’Avenida Paulista est prise d’assaut par ses sympathisants, opposés aux forces de l’ordre. Sur la Praça Alexandre de Gusmão gît le corps ensanglanté d’un jeune homme de bonne famille. L’inspecteur Mario Leme, rencardé par un indic, est le premier sur les lieux. Sans attendre, la police militaire l’embarque, bien décidée à lui faire porter le chapeau. Leme n’a pas le choix : s’il veut s’innocenter, il doit identifier la victime et le meurtrier.

Mon avis

Le Brésil, tu l’aimes ou tu le quittes ?

L’auteur est né à Londres mais il a longuement vécu au Brésil. Il est donc « en terrain connu » lorsqu’il situe son roman à São Paulo, en Mars 2016. À cette époque, les manifestations contre ou pour la présidente Dilma Rousseff se multiplient. Réélue de justesse en 2014, certains l’accusent de corruption, d’autres la soutiennent, elle est sur la corde raide. Elle sera d’ailleurs destituée, pour maquillage de comptes publics, en Août de la même année.

Les habitants ne sont pas heureux, la ville est sous tension permanente. Les inégalités sociales, les magouilles, la chute libre de l’économie, tout cela mis bout à bout crée un climat malsain où chacun se méfie de tout le monde. La confiance est morte. À tel point que s’il leur fallait voter demain, les brésiliens ne sauraient pas vers qui iraient leurs voix. L’atmosphère est plutôt morose et de nombreuses personnes ne sont pas épanouies.

Dans ce livre, on a plusieurs entrées.

Les articles d’Ellie, journaliste d’investigation. Elle écrit dans un magazine en ligne et ose dire ce que certains pensent tout bas. Elle pose des mots sur les faits, sans langue de bois.

On suit également l’inspecteur Mario Leme de la police civile. Il est veuf et a une bonne amie dont il se sent amoureux. Alors qu’il se promène, un de ses indics l’aborde et l’envoie dans un parc pas loin. Il y découvre un beau gosse assassiné mais deux policiers militaires l’embarquent puisqu’il est le seul sur place. S’il ne veut pas être accusé, il faut qu’il comprenne ce qu’il s’est passé afin d’être innocenté.

On découvre également Roberta, une étudiante qui a un petit ami playboy.

Le mort du parc a tout d’un jeune homme plein aux as mais personne ne signale sa disparition, ce qui est vraiment bizarre. Où a-t-il pu récupérer sa fortune ? Est-il l’un des « doleiros », convoyeur virtuel qui blanchit et rapatrie l’argent sale ? Leme va devoir mener des investigations, discrètement, en ne se faisant pas piéger par des situations mises en scène pour le coincer. Il doit naviguer entre ceux de tout bord qu’il côtoie et ce n’est pas évident car cela lui demande beaucoup d’adaptation.

Les personnages sont présentés en quelques lignes mais c’est suffisant pour percevoir leur caractère et les cerner et on se questionne sur leurs choix, que vont-ils faire ? Qu’aurait-on fait à leur place (déménager ?)

Avec une écriture sèche (merci au traducteur), sans fioriture, des descriptions précises, pointues et une ambiance tendue où la tension monte, Joe Thomas nous présente une ville gangrénée par la débauche. La moralité n’est pas une priorité, et quelques-uns entendent bien diriger les événements à leur guise sans se soucier des dégâts collatéraux. Les policiers se laissent acheter, les malfrats ont des accords avec les gouvernants, peu sont dignes de confiance et ceux qui le sont peuvent s’interroger. Où se situe le risque d’être trop honnête ?

Entre la « vision idéologique » du gouvernement sur l’absence de corruption dans le pays, et la réalité du terrain où la plupart s’accordent à dire qu’elle est systémique, il y a un gouffre. Où est la vérité ? Probablement entre les deux …

Mêlant avec brio faits réels et fiction, ce récit exigeant demande une attention soutenue au lecteur afin d’en percevoir tous les aspects. Il est particulièrement réussi.

NB : en fin d’ouvrage, un glossaire pour les expressions brésiliennes.

"L’adoption Cycle 2/ Tome 2 : Les repentirs" de Zidrou & Arno Monin

 

L’adoption Cycle 2/ Tome 2 : Les repentirs
Auteurs : Zidrou (scénariste) & Arno Monin (dessinateur, coloriste)
Éditions : Grand Angle (26 Avril 2023)
ISBN : 978-2818989364
72 pages

Quatrième de couverture

Jusqu'à présent, sa mère s'appelait Guerre, son père Exil... Désormais, ils ont pour noms Trahison et Abandon. Gaëlle et Romain ont adopté Wajdi, 10 ans, qui a grandi dans l'horreur de la guerre au Yémen. Mais la nouvelle vie française du jeune garçon n'est pas simple. Méfiant, endurci par les combats et les souffrances, et ne parlant pas un mot de français, Wajdi interprète mal les gestes les plus simples. Les heureux parents adoptifs vont vite déchanter, confrontés aux premières rébellions. Au gré des difficultés, le couple hésite à confirmer sa demande d'adoption.

Mon avis

Zidrou et Monin ont fait plusieurs albums sur le thème de l’adoption, ils vont deux par deux. Celui-ci est le second du « Cycle 2 » (il y a trois cycles pour l’instant).

Les Guitry ont deux grands enfants et après quelques démarches un peu longues, Wajdi arrive chez eux. Face aux difficultés, ils se questionnent sur le choix de cette adoption. Les papiers officiels ne sont pas arrivés, n’est-ce pas l’occasion de revenir sur cet engagement ?

Wajdi, de son côté, a perdu tous ses repères et il s’interroge probablement sur sa place parmi « ses inconnus » si maladroits avec lui. Il fugue…

Dans cet album, la grand-mère dit quelque chose de très beau.

« Une maman ça ne demande pas grand-chose à la vie.
L’écho du rire de ses enfants lors d’une partie de cache-cache.
Un câlin en regardant la télé.
Une confidence un soir de rupture.
Un joli dessin rempli de cœurs rouges… »

Elle dit ça en parlant à sa fille, mais ce serait la même chose pour un papa.

Cette bande dessinée s’adresse à des adolescents ou des adultes. Le sujet est grave, traité avec intelligence et soutenu par des dessins très expressifs et superbes.

"L’adoption Cycle 2 / Tome 1 : Wajdi" de Zidrou & Arno Monin

 

L’adoption Cycle 2/ Tome 1 : Wajdi
Auteurs : Zidrou (scénariste) & Arno Monin (dessinateur, coloriste)
Éditions : Grand Angle (29 Septembre 2021)
ISBN : 978-2818976890
72 pages

Quatrième de couverture

Originaire du Yémen, Wajdi a grandi dans l'horreur de la guerre. Une enfance brisée par les combats, les privations, les souffrances. Après de longs mois d'attente, Gaëlle et Romain accueillent enfin Wajdi chez eux. Méfiant, endurci par la force des choses et ne parlant pas un mot de français, l'enfant de 10 ans s'effraie des moindres bruits du quotidien et interprète mal les gestes les plus simples. Les heureux parents adoptifs vont être très vite confrontés aux premiers « non », aux premiers troubles de l'adolescence et aux premières rébellions.

Mon avis

Zidrou et Monin ont fait plusieurs albums sur le thème de l’adoption, ils vont deux par deux. Celui-ci est le premier du « Cycle 2 » (il y a trois cycles pour l’instant).

Les Guitry ont deux grands enfants et après quelques démarches un peu longues, Wajdi arrive chez eux. C’est un yéménite de dix ans. Il a fui son pays en guerre avec sa famille mais lui seul est encore en vie. Il ne parle pas français, tous les bruits l’effraient. Les personnes nouvelles ne le mettent pas à l’aise. Le changement est trop important pour lui, c’est terrible. Il fait des crises, se montre énervé voire violent.

Les auteurs montrent bien, à travers leurs magnifiques dessins et les dialogues, la difficulté tant pour les parents adoptifs que pour le jeune garçon. Ils sont maladroits, se sentent impuissants. Le barrage de la langue le bloque, tout est nouveau, différent. Chacun est mal à l’aise et la communication est ardue.

L’adoption d’un enfant « déjà grand » est parfois compliquée, surtout si l’échange de paroles est impossible dans un premier temps. Malgré la bonne volonté de ceux qui accueillent Wajdi, rien n’est simple. Son histoire personnelle est si lourde…

Des illustrations très réalistes, un contenu bouleversant, une très belle bande dessinée.



"Bigoudis & petites enquêtes - Tome 6 : Panique chez les petits vieux" de Naëlle Charles

 

Bigoudis & petites enquêtes - Tome 6 : Panique chez les petits vieux
Auteur : Naëlle Charles
Éditions : Archipoche (3 Avril 2025)
ISBN : 979-1039206259
500 pages

Quatrième de couverture

D'étranges incidents surviennent à l'Ehpad de la petite bourgade alsacienne de Wahlbourg... Alerté, le lieutenant Quentin Delval suggère aussitôt à Léopoldine Courtecuisse d'aller discrètement à la pêche aux renseignements. Personne n'est aussi doué qu'elle pour ce genre de mission. En contrepartie, son fils Tom pourra effectuer son stage à la brigade.

Mon avis

Miss Marple des bacs à shampoing est de retour ! Quel bonheur de retrouver son énergie, son humour et sa volonté d’en découdre avec ceux qui la titillent !

C’est la sixième et avant-dernière aventure de Léopoldine (Léo, la coiffeuse) et Quentin Delval (le gendarme), si j’interprète bien l’avant-propos. Sans doute pour éviter de nous lasser et puis le cœur de tout ça, c’est une petite ville et tout le monde ne peut pas être trucidé ! Mais bon, pour l’instant, ce n’est pas terminé donc pas de moral dans les chaussettes, simplement le plaisir de partager ce roman aussi riche que les précédents.

Léopoldine est associée avec Magalie, sa meilleure amie et elles tiennent un salon dans la galerie marchande. Comme souvent, les clients, et surtout les clientes, bavardent, les confidences et ragots sont légion. C’est le dernier endroit où on cause, comme on dit !

Denis, un copain de Quentin, vient le voir à la brigade. Il lui explique que son grand-père, à l’EHPAD, se plaint de certains faits surprenants, des objets qui se déplacent dans des endroits incongrus, entre autres. Rien de très méchant, mais le climat n’est pas à la sérénité. Comme Léo fait une permanence le lundi sur place pour peigner les anciens, Delval lui suggère d’interroger discrètement quelques résidents. En fouinant un peu (ça, elle adore !) elle découvre une lettre anonyme dans le bureau des cadres. Elle s’empresse de la montrer au lieutenant. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de mener quelques investigations ? D’autres choses sont probablement plus urgentes…

Mais, de nouveaux actes de malveillance sont commis et le duo de choc reprend du service ! Comme pour les autres tomes, on alterne avec le point de vue de Quentin et celui de Léopoldine, chacun s’exprimant en disant « je ». Quelques fois, ils parlent d’une même situation mais chacun son ressenti et son approche. Léo est « associée » aux policiers qui lui demandent de l’aide, ce qui ne plaît pas à tout le monde. C’est difficile pour elle, d’autant plus que sa copine Mag est bizarre en ce moment. Alors que, d’ordinaire, elles ne se cachent rien, là, elle se tait et Léo est de plus en plus intriguée. Elle doit tout gérer : la boutique, les humeurs de sa camarade et ses deux ados (son fils est en stage de troisième avec les gendarmes et il jubile).

 Bravo à Naëlle Charles qui a su se renouveler ! Ce n’est pas évident vu qu’il n’y a pas pléthore de personnages (rappelés dans les premières pages pour ceux qui prennent la série en cours de route) et une bourgade, à taille humaine, où ça se déroule. En mêlant un peu plus son fils, Tom, aux recherches, elle apporte un vent de fraîcheur, un franc parler et un œil neuf. C’est une excellente idée. De plus, elle remue le passé de certains protagonistes avec des liens bien « ficelés » et mis en place au fil des chapitres.

Dans ce livre, elle aborde « l’amour » sous divers angles, à des âges variés avec le pourquoi des réactions des uns et des autres, le tout en essayant de résoudre une mystérieuse affaire. Ces protagonistes principaux ont pris de la consistance depuis le premier récit. On les sent de plus en plus vivants et présents, on a l’impression de retrouver des familiers qu’on côtoie dans la vie réelle avec leurs qualités et leurs défauts.

Je me suis régalée. Comique de situation, tensions, suspense associés à une écriture pétillante, que demander de plus ? C’est parfait !


"Il est long le chemin du retour" d'Attica Locke (Guide Me Home)

 

Il est long le chemin du retour (Guide Me Home)
Auteur : Attica Locke
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Paul
Éditions : Liana Levi (27 Mars 2025)
ISBN : 979-1034910625
340 pages

Quatrième de couverture

Une étudiante noire a disparu, mais personne ne semble s’en inquiéter à part son ami sans papiers Rey – qui a retrouvé son t-shirt ensanglanté dans la forêt – et la femme de ménage de la sororité d’étudiantes blanches où elle vivait. Cette femme n’est autre que la mère de Darren Mathews : elle saisit l’occasion pour tenter de renouer avec son fils. Celui-ci accepte à reculons de se pencher sur la disparition de la jeune fille, formant avec sa mère un improbable duo d’enquêteurs. La disparition de Sera les entraîne d’abord sur la piste du harcèlement raciste, puis sur celle de l’entreprise qui emploie et loge la famille de la jeune fille : Thornhill.

Mon avis

Avant de dire quoi que ce soit sur ce roman, je tiens à saluer le courage dont fait preuve Attica Locke. Elle est née au Texas et dans ses écrits, elle s’interroge sur les tensions raciales dans le Sud des Etats-Unis (elle est bien placée pour en parler car elle a des origines africaines) et elle le fait avec brio mêlant fiction et réalité.

C’est le troisième titre qui est publié aux éditions Liana Levi. On y retrouve Darren Mathews, un Ranger noir (ce qui est rare, il faut le souligner), miné par une histoire personnelle difficile dès son enfance (il est en froid avec sa mère). Il a divorcé, il est maintenant amoureux de Randie mais il boit trop. Il se questionne sans cesse sur son rôle, se sentant écartelé entre la vérité du terrain et ce qu’a promis Trump (on est 2020, quatre ans après l’élection). Il est désappointé et sa fierté de faire ce métier a disparu. Le racisme latent, même envers lui qui représente l’autorité, le dérange. L’application disparate des lois le gêne, la suprématie blanche l’insupporte alors il a fini par démissionner.

Et voilà que celle qui l’a mis au monde débarque chez lui. Il n’a pas envie de lui parler mais elle l’interpelle. Elle fait le ménage dans une sororité où se côtoient des étudiantes venues de tous les milieux. Mais elle a le sentiment que l’une d’elles, Sera, a disparu. Elle est persuadée que ce n’était pas volontaire et qu’elle a sans doute été harcelée à cause de la couleur de sa peau. Darren s’en fiche, il n’a pas envie de se mêler de cette histoire et puis … Il y va et découvre des jeunes filles blanches qui le regardent de haut, méprisantes face à lui. Il ne veut pas en rester là et rend visite aux parents de cette élève. Ils habitent Thornhill. Une « cité » où ils sont logés, aidés par leurs patrons et où « tout va bien ».  Mais sous des dehors bien « policés », n’y-a-t-il pas anguille sous roche ? Se fiant à son instinct, l’ex fonctionnaire décide de creuser, de fouiner. Il est malgré tout sur la corde raide car il risque d’être jugé pour une ancienne affaire et il est « surveillé » de près.

Ce récit est exceptionnel, c’est pour moi le plus abouti des trois que j’ai lus. L’auteur ose parler politique, glisser des faits réels (les afro-américains ayant voté pour Trump, en lui faisant confiance avec ses beaux discours, qui sont déçus et ne le disent pas) dans un texte qui multiplie nos émotions. Elle est dure avec le gouvernement, elle ne mâche pas ses mots, elle a les yeux ouverts et ouvre les nôtres.

« Or, un charlatan talentueux avait pris le volant, et atteint la Maison-Blanche. On racontait qu’il avait prononcé plus de dix mille mensonges depuis qu’il avait prêté serment, et enfreint un nombre incalculable de lois. »

Elle a superbement construit son intrigue. On suit les protagonistes d’un bord ou d’un autre, avec leurs peurs, leurs difficultés, leur attitude face aux obstacles, leurs mensonges pour s’arranger avec la vérité. Darren en apprend plus sur ses premières années, il est déstabilisé, se reprend, replonge … Il est terriblement humain et attachant.

Cette lecture m’a bouleversée par tout ce qu’elle véhicule et procure de réflexions et d’émotions. Le cœur et l’esprit sont touchés indéniablement.

NB : à lire avec un album d’Aretha Franklin pas trop loin …

"L’invitation" de Sebastian Fitzek (Die Einladung)

 

L’invitation (Die Einladung)
Auteur : Sebastian Fitzek
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions : L’Archipel (27 Mars 2025)
ISBN : 978-2809851632
386 pages

Quatrième de couverture

Depuis des années, Marla Lindberg suit une psychothérapie. Atteinte de prosopagnosie – cette incapacité à reconnaître les visages –, elle a appris que son cerveau lui jouait des tours dans les situations extrêmes... Lorsqu'elle reçoit une invitation pour participer à une réunion d'anciens élèves dans les Alpes, Marla l'accepte. Mais quand elle arrive sur place, au milieu des montagnes enneigées, le Chalet des Brumes est désert.

Mon avis

Marla n’a pas eu une enfance facile et rien ne s’est vraiment apaisé à l’adolescence. Elle a pourtant tenu bon et arrive aujourd’hui, à avoir une activité professionnelle. Elle « aide » la police en visionnant des vidéos. Le but ? Voir tout ce que les autres ne voient pas. Elle a un don d’observation accru. Elle perçoit et enregistre une foule de détails qui échappent au commun des mortels. Après une brève conversation avec une personne, elle analyse l’environnement, la tenue, les tics, la posture et tire des conclusions plutôt pointues. Par contre, elle souffre de prosopagnosie et si elle n’a pas retenu quelques éléments précis du visage ou de l’attitude de l’individu, il se peut qu’elle ne le reconnaisse pas. Ce handicap l’isole quelque peu mais elle s’en accommode, elle préfère être seule. Comme elle a subi de nombreux traumatismes, cette solitude l’arrange, un peu comme une barrière de protection.

Malgré tout, elle aimerait être comme avant. Avant le jour où tout a basculé, le jour où la peur a été telle qu’elle n’a pas pu s’en remettre… Lorsqu’elle reçoit une invitation pour un week-end en montagne avec les anciens élèves de son lycée, elle pense que c’est l’occasion qu’elle attendait. Revoir ses anciens camarades, parler, échanger, rire ensemble, se dire les choses et repartir sur de bonnes bases pour être « elle-même » et se libérer de ses angoisses.

Est-ce la bonne solution ? Une fois arrivée sur place, il n’y a personne. Pourtant les chambres semblent occupées… La tension monte, Marla a beau faire des repères, elle se rend compte que rien n’est clair. On est dans un huis clos étouffant et à l’extérieur la vie continue.

Tout l’art de l’auteur, c’est de rendre « possibles » des situations totalement improbables. Bien sûr, si on creuse, on va penser que ce n’est ni réalisable, ni logique. Mais trop tard, on est piégé. Avec lui, tout est réalité et illusion en même temps. L’exactitude d’une page peut être le contraire dans la suivante. Il joue avec nos nerfs, nos certitudes, il nous enserre dans son intrigue, avec des personnages ambivalents, déstabilisants, des faits bizarres qu’on ne sait comment interpréter.

Il nous renvoie des questions ? Qui est-on vraiment ? Qu’est-ce qui nous « façonne » ? Notre passé, notre présent ? Qu’est-ce que la violence, comment s’exprime-t-elle ? Un individu peut-il faire le mal par plaisir, pour voir souffrir un être humain ? Quand une mauvaise action est faite par un groupe, qui est coupable ? Celui qui a agi, celui qui a suggéré l’idée ou tous ?

Avec des chapitres courts, un suspense permanent, le lecteur plonge dans ce récit et ne le lâche plus. L’écriture (merci à la traductrice) de Sebastian Fitzek est incisive, précise, troublante quelques fois. Il ouvre des pistes et on se demande s’il faut les suivre. Le profil psychologique des protagonistes est étudié pour coller à l’histoire, la rendre crédible. Personne n’est vraiment « lisse », les caractères ont plusieurs facettes et on se demande sans cesse où est la vérité.

Ce roman est très prenant, surprenant également, je ne m’attendais pas aux rebondissements tout au long du texte et encore moins à la fin !

Mais où va-t-il chercher tout ça ? Et bien dans la postface, il y a quelques réponses, je laisse chacun les découvrir !


"Jacqueline, je t'écris" de Jean-Michel Bartnicki

 

Jacqueline, je t'écris
Auteur : Jean-Michel Bartnicki
Éditions : Libre 2 Lire (19 octobre 2024)
ISBN : 978-2381575605
312 pages

Quatrième de couverture

Un témoignage authentique et poignant sur la fin de vie, et ce que l’amour peut offrir en pardon. Bouleversant !

Mon avis

Lorsque sa mère n’a plus été capable de rester seule à domicile, Jean-Michel Bartnicki a dû prendre la douloureuse décision de la placer en EHPAD. C’était en 2017. Il écrit que c’est à partir de ce moment-là qu’il a pu « l’aimer ». Elle a pu rester dans cette résidence plusieurs années avant de mourir.

L’auteur a eu besoin de poser des mots sur cette période mais également sur tout ce qu’il a vécu depuis qu’il était enfant lorsque ses grands parents l’ont élevé. En cherchant des explications pour comprendre ce qu’il entendait le concernant quand il était petit et le pourquoi de cette situation, il a « retracé » son histoire.

Ce livre est l’occasion pour lui, de se confier, de « parler » à sa maman (il l’interpelle souvent), de dire tout ce qu’il a sur le cœur. Les questions laissées en suspens, les reproches, ce qui a été « beau ». Tout ne peut pas être négatif dans un chemin de vie mais parfois la route est bien caillouteuse.

Dans ce témoignage, sans langue de bois, de nombreux thèmes d’actualité sont présents. Que faire face à la vieillesse de nos parents, quand ils perdent en autonomie ? Oui, c’est un « crève-cœur » de leur faire quitter leur domicile mais quand les troubles cognitifs sont là, quelles décisions prendre ? A-t-on le choix ?

La présentation de tous ces souvenirs alterne avec des dialogues entre la mère et le fils (elle s’exprime souvent en patois et les « traductions » en bas de page sont nombreuses), des lettres retrouvées dans la demeure familiale, des réflexions personnelles…

Cette dame ne savait peut être pas aimer ou tout simplement, elle était maladroite pour montrer son amour maternel. Je ne me permettrai pas de la juger. Ce récit intime, douloureux, a probablement permis à celui qui l’a rédigé d’aller mieux. Certains lecteurs penseront « à quoi bon », d’autres y trouveront une forme de réconfort en se disant « je me sens moins seul face à tous ces problèmes que je rencontre avec mes parents, d’autres les ont vécus », d’autres encore apprécieront une forme de « courage » pour aller si loin dans la confiance envers celui qui lit et la confidence.

Ce type de texte entraîne forcément quelques répétitions dans l’écriture. Il vaut mieux s’en détacher pour apprécier le contenu et se dire que ce qui est beau et essentiel, c’est que Jean-Michel et Jacqueline aient fini par se rapprocher et …. s’aimer.


"L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Les livres du futur (8 octobre 2024)
ISBN : 978-2959133725
146 pages

Quatrième de couverture

Ce nouveau projet repose sur les histoires que Riad Sattouf a recueillies en 2011 et 2012 auprès de son frère Fadi Sattouf. Dans ce récit, c'est Fadi le narrateur : il retrace son parcours, de son enfance heureuse en Bretagne auprès de sa mère adorée et de ses grands frères, Riad et Yahya, jusqu'à la Syrie de son père, rude et inconnue pour lui.

Mon avis

Riad Sattouf a retrouvé son frère le plus jeune, Fadi, en 2011, vingt ans après l’enlèvement de ce dernier par leur père qui l’a emmené en Syrie avec lui. La mère, restée en Bretagne avec ses deux aînés s’est battue pour le récupérer et divorcer.

Pourtant, Fadi est resté pendant des années en Syrie, à tel point qu’il en a perdu son français, ses habitudes… Au moment des retrouvailles, il a échangé avec Riad et celui-ci a décidé de créer une nouvelle bande dessinée à partir de son histoire. Trois tomes sont prévus, le premier est sorti en octobre 2024.

C’est raconté du point de vue de l’enfant. On peut être surpris par la précision des souvenirs alors que Fadi est très jeune. Peut-être a-t-il regardé des photos, questionné quelques cousins pour retrouver tout ça. Peu importe. On découvre comment ce père a vendu du rêve à son fils, en lui offrant des bonbons, en lui disant que sa maman l’avait oublié, que ses frangins n’étaient pas gentils avec lui (et eux comment ont-ils vécu ce kidnapping ? Ne se sont-ils pas dit « c’est de notre faute ») et qu’il était bien mieux avec lui …. C’est cruel de profiter de la situation de malléabilité d’un petit pour le « mettre à sa main » et le conditionner… Comment se construire ? Le père a vraiment été dur, menteur, méprisant envers les femmes, manipulateur …

On suit donc le quotidien de Fadi sur huit années, c’est son enfance et on voit petit à petit la « bascule » se mettre en place. Il est plus du lieu où il grandit maintenant que de celui où il était avant, même si des « flashs » avec l’image de sa maman reviennent régulièrement. Le dessin expressif et les couleurs sont identiques aux titres précédents. Les dialogues portent à la réflexion. Il y a une pointe d’humour ce qui évite de nous « plomber » le moral en pensant à ce gamin loin de sa famille maternelle.

Ce récit correspond au tome 4 de « L’arabe du futur » et permet de voir les événements d’un autre côté. J’ai beaucoup apprécié de cette lecture, enrichissante et intéressante.

"La ronde de nuit" de Bora Chung (한밤의 시간표)

 

La ronde de nuit (한밤의 시간표)
Auteur : Bora Chung
Traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
Éditions : Rivages (5 Mars 2025)
ISBN : 978-2743666248
176 pages

Quatrième de couverture

Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservés des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère.

Mon avis

C’est avec ce recueil de nouvelles que je fais connaissance de Bora Chung. Elle est coréenne, née en 1976, elle écrit et traduit. Elle enseigne la littérature et les études de textes de science-fiction. Elle est également très active sur le plan social. « La ronde de nuit » est son second titre traduit en langue française.

Ce sont des mini récits fantastiques, avec juste une pointe de paranormal. J’ai été conquise parce que ça garde un aspect réel, il y a seulement quelques petits phénomènes bizarres qui montrent que ça ne tourne pas « de façon normale ».

Tout est lié à un institut de recherches avec des laboratoires fermés à clé. Sur place, l’Ancienne (avec une majuscule) est là. C’est une femme âgée aveugle qui « voit » tout et sent les événements. Quelques fois, elle raconte, ou bien le ou la protagoniste principal-e du petit texte prend la parole en disant « je ».

C’est seulement la nuit que le lecteur « visite » avec ceux qui surveillent les lieux. Ils font des tours à heure régulière, ne croisent jamais personne. Ils ont des consignes très strictes : ne pas ouvrir les portes, garder leur téléphone éteint et s’ils pensent voir un fait sortant de l’ordinaire, l’ignorer et continuer leur chemin etc… Mais avouez que c’est bien tentant d’essayer de savoir, de glisser son œil dans un trou de serrure, de coller son oreille contre une cloison ou de tenir tête à celui que vous rencontrez alors que vous êtes censés être seuls, surtout lorsqu’on vous a répété que c’était interdit.

Sauf qu’à la moindre incartade tout part de travers et plus rien n’est « maîtrisable ». Il se passe des choses bizarres et si certains essaient d’analyser ou de comprendre, ils perdent encore plus pied, jusqu’à se demander s’ils n’ont pas des hallucinations.

Ceux dont on raconte l’histoire ont eu de temps à autre une attitude qui n’était pas « la bonne », en désobéissant, ou en n’étant pas en « phase » avec ce qu’on attendait d’eux. Comme s’il était nécessaire de rester dans un « moule », de ne pas dévier (on ne se risque pas, par exemple, à ressentir des sentiments pour une personne du même sexe). Alors est-ce que les objets « connectés » et cachés dans les labos se vengent ? Est-ce que les esprits décident de punir les « fautifs » ?

De nombreux thèmes sont abordés par l’intermédiaire de ces textes. La culpabilité, la vengeance, la différence, l’isolement lorsqu’on n’est pas dans la « norme ». Se pose alors la question de savoir ce qu’est la « règle » s’il n’y a plus de place à l’imprévu, à la fantaisie, à l’imagination, à l’ouverture d’esprit, à la curiosité…

L’écriture (merci pour la traduction) est détachée, observatrice, décrivant sans empathie… Du moins en apparence, parce qu’une certaine forme de tendresse se dessine envers les personnages. On sent que l’auteur n’est pas indifférente à leur devenir et elle entretient le mystère à merveille.

Cette lecture m’a transportée et enchantée. J’ai aimé ce fragile équilibre entre fantastique et réalité, on passe de l’un à l’autre en se laissant emporté par les mots, les phrases qui font peur ou sourire ou rêver…. C’est délicat, inspiré et très agréable à lire.

"Ticoco est amoureux" d'Anne Surrault et Delphes Marchal

 

Ticoco est amoureux
Auteurs : Anne Surrault (textes) & Delphes Marchal (dessins)
Éditions : Ella éditions (17 novembre 2024)
ISBN : 978-2368036570
64 pages

Quatrième de couverture

C'est la fête chez les singes Capucins qui retrouvent leurs amis les Ouistitis.
Ticoco et ses cousins sont très heureux de revoir Ouistitine et Ouistintin.
Les yeux de notre petit héros Ticoco, s'emplissent de papillons lorsqu'ils croisent ceux de Ouistitine et son cœur se gonfle de guiliguilis.
Mais comment faire pour lui plaire ?

Mon avis

Ticoco est amoureux et grâce à son histoire, le sujet pourra être abordé avec de jeunes enfants.  Il ne sait pas quelle attitude adopter, parfois il en fait trop en essayant de se faire remarquer, à d’autres moments, il veut tellement être gentil avec l’élue de son cœur qu’il en devient envahissant. Alors, il faut trouver le juste milieu… Pas facile….

À travers plusieurs situations, le lecteur observe le comportement de Ticoco mais également de celle qui reçoit ses attentions. Comme ça ne se passe pas comme il l’espère, Ticoco se renseigne auprès de sa famille et reçoit de bons conseils.

Au début de l’album, les personnages sont présentés et on peut tout de suite les visualiser. Dans les dernières pages, un résumé très ciblé est présenté pour reprendre les trois grandes idées du récit.

Les dessins ont des couleurs vives, très belles. Le papier est d’une qualité exceptionnelle, assez épais, glacé, magnifique. Je trouve que c’est une bonne idée de faire intervenir des animaux. C’est plus facile que de choisir des visages dans lesquels le jeune ne se reconnaîtra pas.

Lu à haute voix par un adulte ou découvert seul-e, cet album a sa place dans l’apprentissage des émotions et des relations.


"Troubles fêtes" de Patrick S. Vast

 

Troubles fêtes
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Taurnada (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2372581462
250 pages

Quatrième de couverture

Aux Bois radieux, une cité sensible du 93, vivent notamment les Butel, une famille de marginaux, ainsi que Violette Grignon, une retraitée que l'existence a rendue extrêmement méfiante.
La veille de Noël, Johnny Butel, âgé de 25 ans, dérobe les provisions d'un couple de seniors.
La semaine suivante, il récidive avec sa voisine Violette, qui, après avoir hésité, a emporté un revolver pour se rendre au centre commercial.

Mon avis

Après avoir travaillé pendant de longues années, Violette Grignon touche maintenant une petite retraite. Un sou est un sou, elle calcule son budget et ne peut pas se permettre le moindre écart. Ses revenus ne sont pas énormes et c’est pour ça qu’elle habite un immeuble de la cité « Au Bois radieux ». Un joli nom pour un coin pas toujours glamour. Les lieux ne sont pas très bien entretenus. Les tags sont nombreux, les jeunes s’ennuient et traînent, certains dealent…  C’est ce qu’on appelle une « cité » sensible. La police sait ce qu’il s’y passe, mais fait parfois comme les trois singes de la sagesse. C’est peut-être le seul moyen de garder un semblant de paix dans cet endroit parfois agité. Parce qu’on le sait bien, une arrestation et tout s’embrase.

Dans l’immeuble de Violette, il y a Fernand, un voisin âgé, comme elle. Sa fille veut le mettre « pour son bien et sa tranquillité » en maison de retraite. Il n’est pas d’accord et quand les assistantes sociales débarquent (pour voir s’il s’en sort tout seul), il est très en colère car habituellement sa famille ne se préoccupe pas de lui. Il discute avec Violette mais chacun a ses propres ennuis et ils n’échangent pas plus que ça. C’est la solitude qui leur tient compagnie. On les sent tendus mais ils n’ont pas les moyens de déménager.
Et puis, il y a la famille Butel, le père, fan de Hallyday (et l’écoute fort et sans arrêt), a appelé son fils Johnny. Un fainéant qui aimerait bien que l’argent arrive tout seul. Alors il vit de petits larcins. À l’approche de Noël, il rentre avec des sacs bien garnis qu’il a volés à un couple âgé qui venait de faire ses courses. Il a bien envie de remettre ça pour le réveillon. Après tout, ce n’est pas si difficile...

Le contexte social est très bien décrit. L’usine qui ferme, les jeunes désœuvrés, coincés chez leurs parents. Ils se retrouvent en bas du HLM, se moquent de ceux qui passent et ne savent pas que faire de leur temps libre.

Comment des personnes si différentes se retrouvent-elles à habiter un même lieu ? Il y a un gouffre entre eux. Ils ne peuvent pas se comprendre, se parler.

Violette n’est pas en confiance, elle se méfie des Butel, des trafiquants de tout bord, de ceux qui s’approchent trop près et visent peut-être son porte-monnaie. Elle voudrait vivre sa petite vie sans peur mais ce n’est pas vraiment possible. Elle n’est jamais détendue. Alors ce jour-là, en allant faire ses achats, elle est sur le qui-vive et tout dégénère.

Ce récit montre qu’on ne maîtrise pas tout, que l’effet papillon, comme un jeu de dominos, entraîne les faits sans qu’il soit possible d’arrêter l’engrenage. C’est terrible et une fois pris dans la spirale, on ne peut rien arrêter.

L’auteur a su observer ou se renseigner car son texte est immersif. On est au cœur de la cité, les difficultés relationnelles, les peurs des uns, les envies d’en découdre des autres… la vie avec tous ses obstacles, ses répits aussi, mais est-ce qu’ils durent vraiment ?

Avec une écriture rythmée, Patrick S. Vast nous entraîne dans un récit addictif, il y a de l’action, des émotions et les thèmes abordés sont criants d’actualité.

"Les anges n’habitent pas tous au paradis" de Maria P. Mischitelli

 

Les anges n’habitent pas tous au paradis
Auteur : Maria P. Mischitelli
Éditions : du Caïman (11 Mars 2025)
ISBN : 978-2493739230
274 pages

Quatrième de couverture

1939, Los Angeles. Dans leur luxueuse propriété de Beverly Hills, Madame Müller découvre sa domestique mexicaine – Gloria Marquez – sauvagement assassinée. Son corps est mutilé selon un ancien rite aztèque. Lana Monterey, une jeune détective privée est chargée de l'enquête. Accompagnée de sa complice, une cinquantenaire gay, iconoclaste, désabusée, haute en couleurs et gouailleuse, Lana plonge dans cette enquête complexe confrontant ces femmes détectives aux interdits d'une société patriarcale, dans un Los Angeles obsédé par son expansion où sévissent les guerres de l'eau et du pouvoir.

Mon avis

Lana élève seule ses deux enfants. Elle s’est séparée de son époux après avoir découvert sa trahison. Elle a été embauchée par un ancien camarade de classe, Carston, pour des missions de détective. Elle débute dans le métier et ce n’est pas facile pour elle. Elle a malgré tout de la volonté, un bon sens de l’observation et de la ténacité. C’est pour ça que son co-équipier l’envoie chez les Müller, dans leur belle demeure du quartier de Beverly Hills. Ils ont demandé une enquête car leur bonne mexicaine, Gloria Marquez, a été assassinée et mutilée.

Quand Lana arrive sur les lieux, elle est confrontée à une mise en scène terriblement violente et dure qui n’est pas sans rappeler un rite aztèque. En face d’elle l’équipe de police dont le lieutenant Jack Kaminski, son ex-mari.  Cela ne va pas simplifier les investigations et les relations. Vont-ils rester à leur place sans interférer ou se tiendront-ils mutuellement au courant de leurs découvertes ? Aucun des deux n’est ravi de la situation, c’est sûr…

Depuis sa séparation, Lana a pris de l’assurance et elle n’a pas l’intention de se laisser impressionner par son ancien conjoint. Elle fera ce qu’elle décide et tant pis s’il n’arrête pas de lui déconseiller ce métier. Chacun sa vie. Elle m’a bien plu Lana, il ne faut pas se fier aux apparences, elle « en veut » et elle a raison. Sa route croise celle d’Ezra, une femme à l’allure masculine, totalement désinhibée, et qui n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui dérange un peu vu qu’on est à Los Angeles en 1939. Mais bon, elles se mettent en binôme et c’est plutôt une bonne idée. Deux cerveaux féminins, ça carbure ! En plus, Ezra a des connaissances et manie bien la langue espagnole. Elle peut donc creuser du côté des gens que fréquentait la domestique. Qui était vraiment Gloria ? Une femme discrète et dévouée pour ses patrons ? Ou se servait-elle de sa situation de « personne transparente », qu’on ne « calcule » pas pour obtenir des informations ? Qui a pu vouloir sa mort et pourquoi ? En quoi pouvait-elle déranger ?

Au-delà de l’enquête, c’est tout le contexte historique qui est intéressant et très bien retranscrit. J’ai même eu le sentiment que ce roman avait été écrit il y a longtemps, dans les années où il se déroule. Cet aspect est particulièrement réussi. On sent bien que la gent féminine devait rester au foyer, élever les gosses et se taire. Ou alors, travailler seulement en cas de besoin et sans faire de vague et sans chercher à obtenir un poste réservé à un mec, un vrai, hein ?

De nombreux thèmes sont abordés à travers ce récit. Le patriarcat, les droits des personnes d’origine étrangère, les magouilles politiques, l’influence des croyances et de ceux qui « manipulent », et bien d’autres sujets.

J’ai particulièrement apprécié l’atmosphère, on s’y croirait ! C’est comme si on regardait un film d’époque en noir et blanc. L’écriture est truculente, maniant l’humour quand il le faut, noire également, parfaitement dosée. Les faits s’enchaînent sur un bon rythme. Les protagonistes hauts en couleur ont du cachet et l’ensemble est équilibré.

"Les sous-traitants" de Stéphane Lanos

 

Les sous-traitants
Auteur : Stéphane Lanos
Éditions : de la Lanterne (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2487978034
480 pages

Quatrième de couverture

Quinze ans après l’accident de la centrale nucléaire de Cruas, la Nouvelle République est au pouvoir. Elle a mis fin à la politique de Préférence nationale et applique son programme de Fin de l’État social. Lyon, juillet 2037. Une tuerie de masse éclate en plein centre-ville. Alexandre, journaliste arrogant et mis au placard de la rédaction de DNews, est envoyé à Lyon pour couvrir l’événement avec sa cameraman Alicia. Le suspect, fou furieux, est traqué par la police, mais également par des mercenaires qui agissent pour le compte de la mystérieuse société Arès. Il est finalement découvert, tué par arme à feu. Alors que les autorités veulent faire croire à un suicide, Alexandre comprend qu’il a été assassiné…

Mon avis

Cette dystopie peut être lue indépendamment du « 100 ème singe », titre précédent évoquant une France qui perd pied politiquement. L’écriture nerveuse de l’auteur nous plonge en 2037. Les gens aisés vivent entre eux, dans des résidences ultra protégées. Les autres sont relégués dans des coins où ils ne doivent pas faire de vagues et où les conditions de vie sont bien différentes. Les progrès scientifiques sont importants, trop sans doute, et offerts à ceux qui peuvent les monnayer.

« Madame » n’est plus au pouvoir et la Nouvelle République est en place. Les gouvernants ont l’intention de mettre fin à l’état social en se faisant aider de grands groupes industriels. Mais n’y a-t-il pas des hommes qui manipulent dans l’ombre ? Entre la « vitrine » exposée, le discours tenu et ce qui se trame derrière, le gouffre est immense …

Le but de la plupart des individus est de performer individuellement, gavés de médicaments pour tenir le coup (angoisses, douleurs, manque de sommeil…), connectés en permanence (lentilles, prothèses, exosquelette…). Certains ne s’embarrassent plus d’une famille, d’une vie de couple, les deux seraient synonymes de perte de temps. C’est dire combien leur quotidien est creux mais sont-ils encore capables de raisonner par eux-mêmes ?

Alexandre, issu d’une riche famille, dragueur, beau gosse parfois superficiel, n’a plus de missions au sein de la rédaction de DNews. Il a trop « joué », courtisant toutes les femmes à sa portée sans réfléchir et ça s’est retourné contre lui. Alors qu’il vient pour tenter sa chance une dernière fois auprès de son patron, un concours de circonstances favorable lui permet de partir à Lyon avec Alicia comme « camerawoman ». Là-bas, un homme a tué plusieurs personnes sans qu’on en comprenne les raisons, d’autant plus qu’il n’a rien revendiqué. Il sent que la situation n’est pas claire et il décide de creuser l’affaire.

Alexandre est un petit « péteux », mais au fil du temps, il va en rabattre et devenir un peu plus « buvable ». Sans doute parce qu’il ne va pas fréquenter n’importe qui. Le caractère de sa coéquipière est à l’opposé du sien mais elle finit par l’obliger à se poser les bonnes questions. Alors, il s’investit, réfléchit, et progresse, il devient même attachant. Des tas de pensées font leur chemin dans son esprit et comme son père n’est pas très net, il n’hésite pas à s’opposer à lui, le poussant dans ses retranchements. On sent qu’Alexandre découvre ce qu’il ignorait ou avait choisi d’ignorer.

L’intrigue est menée sur un rythme soutenu, on suit différents personnages (le nom, la date et le lieu sont indiqués, on ne se perd jamais). Le style est percutant, volontaire. Stéphane Lanos, dans sa fiction, pointe du doigt tout ce qui pourrait dériver si les sociétés privées prenaient trop de pouvoir, si certaines substances n’étaient pas utilisées à bon escient. C’est édifiant. Il tient des propos forts et son récit peut entraîner de nombreuses discussions, débtas et réflexions. Il décrit un contexte politique qui, sous prétexte d’être rassurant, étouffe les initiatives, dirige les personnalités, pilote tout sans avoir l’air en manœuvrant et en tirant les ficelles. La tension monte au fil des pages, il nous tient en haleine. Son texte est habilement construit malgré de nombreuses ramifications.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Elle secoue, nous rappelle qu’il faut être vigilant face aux inégalités, à la violence, aux progrès scientifiques détournés …. L’évolution des protagonistes est intéressante, certains restent butés dans leurs convictions, d’autres ouvrent les yeux et quelques-uns sont prêts à tout pour remettre l’honnêteté au centre des débats.

C’est un roman particulièrement réussi !

"Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 2 : L'année des fiançailles" de Rosie Clarke (Love and Marriage at Harpers)

 

Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 2 : L'année des fiançailles (Love and Marriage at Harpers)
Auteur : Rosie Clarke
Traduit de l’anglais par Martine Desoille
Éditions : L’Archipel (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2809851359
352 pages

Quatrième de couverture

Londres, 1913. Quatre vendeuses de Harpers, grand magasin d'Oxford Street, sont déterminées à réussir tant professionnellement que personnellement. Vivant sous un même toit, elles pourront se soutenir en cas de coup dur, ou se réjouir quand la première d'entre elles annoncera ses fiançailles...

Mon avis

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé les quatre filles de chez Harpers (un grand magasin d’Oxford Street). Elles sont amies et partagent maintenant un appartement. Elles ont toutes un emploi dans ce grand commerce dont Ben est le patron. Elles ont trouvé chacune une place en fonction de leurs compétences. Assez présent au moment de l’ouverture, le directeur est reparti aux Etats-Unis et tarde à rentrer. Sally, une des jeunes femmes du groupe de copines, à qui il a confié la responsabilité des achats pense que son attitude est un peu légère car il n’y a pas longtemps qu’elle a ce poste. Elle aurait bien besoin de soutien.

On est à Londres, en 1913, et les suffragettes, avec Emmeline Pankhurst et sa fille, se battent pour les droits des femmes. Tout ce qui est décrit sur cette « lutte » est excessivement intéressant et m’a donné envie d’en savoir plus. Elles ne demandaient, finalement, que des choses « normales » : un salaire identique pour les mêmes fonctions que les hommes, le droit de travailler et de ne pas être condamnées à être mère au foyer, avoir la possibilité de louer un logement, etc. Finalement, heureusement qu’elles se sont bougées pour nous… Ce contexte historique est assez riche, bien documenté, et intégré au récit. Il est même question de certaines chansons d’époque (que je me suis empressée de chercher et d’écouter).
De plus, je n’avais jamais entendu parler du décret du « chat et de la souris » (Cat and Mouse Act). Cette loi cherchait à contrecarrer les grèves de la faim des suffragettes emprisonnées, en autorisant la libération temporaire des prisonnières, puis leur réenfermement une fois celles-ci réalimentées. Bien sûr, ces militantes avaient parfois des actes répréhensibles (bris de vitres, incendies, outrages à agents) mais si on les avait écoutées…auraient-elles eu le besoin d’agir ainsi ? Les quatre colocataires, malgré leur envie de s’investir, comprennent qu’elles doivent rester prudentes car le danger est réel.

Ce roman met en avant de beaux portraits de femmes dévouées, qui s’effacent pour aider les autres, au risque de s’oublier. Si elles rencontrent l’amour, il faut qu’elles restent vigilantes pour ne pas se faire étouffer et que leur futur époux décide de tout. J’ai apprécié que la plupart osent parler, tenir tête (avec stratégie et douceur) sans jamais baisser les bras. Comme elles sont quatre, elles échangent, exposent leurs idées et leurs opinions sans crainte du jugement. Ainsi, elles « étoffent » leur caractère et leur confiance en elle et peuvent se sentir plus fortes face à l’adversité. Leur amitié n’est pas un vain mot, elle fait sens. De plus, elles s’enrichissent de leurs différences.

 J’ai aimé les accompagner, découvrir ceux qu’elles rencontrent, observer leurs réactions en fonction de leur personnalité. Elles n’ont rien de mièvre. Elles ont des points communs mais chacune sa façon d’être, de réagir, d’envisager l’avenir. Elles « grandissent » et s’affirment au contact les unes des autres. Et se respectent ! Leur quotidien est fait de hauts et de bas, elles vivent de nouvelles expériences, se trompent de temps à autre, se font berner, s’angoissent, espèrent, se découragent mais rebondissent. Cette lecture procure de la curiosité pour les faits historiques évoqués et de nombreuses émotions par rapport aux événements présentés. C’est vraiment bien pensé !

J’ai passé un bon moment et j’ai hâte de poursuivre avec les autres tomes !

"Bastion" de Jacky Schwartzmann

 

Bastion
Auteur : Jacky Schwartzmann
Éditions : Seuil (14 mars 2025)
ISBN : 978-2021547757
304 pages

Quatrième de couverture

Lorsque Jean-Marc Balzan, vieux garçon sans enfant, prend enfin sa retraite, il est persuadé qu’il va se la couler douce. Petits restos, voyages, la liberté, quoi. Mais c’est compter sans Bernard, son plus vieil ami. Ils sont potes à la vie à la mort depuis l’école maternelle. Et ce que Jean-Marc fait de mieux dans la vie, c’est rattraper les conneries de Bernard. Ce dernier est sympa, il peut faire preuve d’intelligence, mais il est aussi capable d’être très con. Aussi, lorsqu’il s’engage dans l’équipe de campagne d’Éric Zemmour pour la présidentielle de 2027, Jean-Marc craint le pire.

Mon avis

Jean-Marc vient de prendre sa retraite. Pas de compagne, pas d’enfant, pas de vieux parents dont il faudrait s’occuper. Arrêter son activité professionnelle est synonyme pour lui, d’emploi du temps libre, de voyages, restaurants, sorties diverses et plus si affinités. Il a bien l’intention d’en profiter au maximum !

Il a un copain, Bernard, qu’il côtoie depuis l’école. Ils se connaissent par cœur, ils ont partagé les bêtises, les coups de cœur. Ils peuvent compter l’un sur l’autre, quelles que soient les circonstances. D’ailleurs, c’est souvent que Jean-Marc prend soin de son pote et rattrape ses bourdes. Lorsque Bernard annonce qu’il s’engage pour la campagne d’Éric Zemmour., son ami prend peur et ne comprend pas. Alors, il décide de le protéger. Il l’accompagnera et veillera sur lui. Cela paraît simple comme ça, vu de l’extérieur mais ce n’est pas le cas. Jean-Marc va se retrouver entraîné et embourbé dans des situations qui risquent bien de lui échapper.

Au départ, il s’agit simplement de trouver des parrainages. Bien qu’il n’ait pas l’intention de voter Zemmour, encore moins de se faire embobiner, il va avec son copain. Il se dit qu’il lui ouvrira les yeux, qu’il l’empêchera de partir à la dérive. En même temps, lui, il faut qu’il soit crédible car tout le monde le croit mordu et prêt à choisir Z. Une hérésie quand on sait qu’il est plutôt gaucho.

« Je suis en effet ce qu’on appelait autrefois un socialiste, et que je qualifierais aujourd’hui d’orphelin politique. »

Il s’intègre donc au groupe, il observe, il essaie de ne pas trop questionner mais de savoir et de comprendre le but de ces messieurs (curieusement, il y a peu de femmes…) dont Didier qui est ultracrépidarien (non, je n’ai pas fait un pari pour placer ce mot mais il est beau non ?). Il se « prend au jeu », parce que finalement ça ressemble à ça, il joue un rôle. Rien à voir avec ses idées profondes bien entendu… Et pourtant, insidieusement un engrenage se met en place et …

Il y a maintenant du piment dans son quotidien, il ne sait plus que faire mais il est quelques fois obligé d’agir, pas forcément en accord avec ses convictions. La ville de Lyon est très présente dans cette intrigue, je visualisais bien les lieux. Les personnages hauts en couleurs, bougent beaucoup, ont énormément d’idées plus ou moins farfelues, c’est excellent !

Avec son écriture vive, son humour décapant, l’auteur nous emmène dans une histoire loufoque, aux accents très (trop malheureusement parfois) réalistes. Sous de dehors très drôles, les sujets sont graves. Il aborde tout, sans complexe, sans filtre, il ose, on en prend plein les yeux, plein la tête et on réalise qu’il a raison. Bien sûr, la formulation est brute de décoffrage et nous fait rire (jaune parfois) mais le propos ciblé est très juste. Avec une aventure un tantinet (et même plus) déjantée, il balance des réflexions dans son style acerbe, qui décoiffe. Peut-être que certains n’aimeront pas, penseront que c’est trop, qu’il exagère.

Moi, je suis d’accord avec le bandeau de la couverture et Antoine de Caunes, « jetez au feu les antidépresseurs », lisez Schwartzmann, riez, lisez, reprenez une dose de ce livre et gagnez des minutes de vie (car quand on rit, on gagne des minutes de vie, tout le monde le sait !)


Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 1 : L'ouverture du grand magasin de Rosie Clarke (The Shop Girls of Harpers)

 

Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 1 : L'ouverture du grand magasin (The Shop Girls of Harpers)
Auteur : Rosie Clarke
Traduit de l’anglais par Martine Desoille
Éditions : Archipoche (13 Mars 2025)
ISBN : 979-1039206235
360 pages

Quatrième de couverture

En ce mois de mars 1912, le Tout-Londres frissonne en attendant l'événement de l'année. Harper's, grand magasin pouvant rivaliser avec la célèbre maison Harrods, va bientôt ouvrir ses portes sur Oxford Street. Sally, Beth, Maggie et Rachel, qui font connaissance lors de leur entretien d'embauche, ont toutes la chance d'être recrutées. L'aventure commence pour ces petites mains qui vont devenir demoiselles de magasin.

Mon avis

Mars 1912, Londres, un grand magasin va ouvrir ! C’est un événement, d’autant plus qu’il y a déjà la maison Harrods. Y-a-t-il suffisamment de place et d’acheteurs pour les deux boutiques ? Les habitants se laisseront-ils tenter par cette innovation ?

Une chose est certaine. Qui dit nouveau commerce, dit nouvelles embauches. Il faut des vendeuses (et oui, à l’époque, les tâches sont réparties ainsi : ce sont principalement des femmes qui sont derrière les comptoirs), des responsables de rayons, des gestionnaires des stocks, etc …. C’est comme ça que Sally, Beth, Maggie et Rachel se croisent lors des entretiens et échangent quelques mots. Le « courant » passe tout de suite entre elles et cela les rassure. Si elles sont choisies, elles pourront tisser des liens d’amitié et se sentir moins seules. Chacune, pour des raisons diverses, a besoin d’un emploi.

L’une est veuve, deux autres sont orphelines et la dernière a un père handicapé. Travailler n’est pas une option mais une obligation, pour s’en sortir tout simplement. Elles sont prises ! Elles seront affectées au même « étalage » (bijoux, gants, sacs, chapeaux…) mais pas à des postes identiques, en fonction de leurs compétences. Elles vendront des objets luxueux qu’elles ne peuvent pas s’offrir … Mais qui sait ? Peut-être un jour….

On s’attache très vite à elles. Elles ont souffert (et vont encore avoir des problèmes) et essaient d’avancer dans leur vie en espérant des jours meilleurs. Leur quotidien n’est pas toujours facile, parfois on leur met des bâtons dans les roues, on les méprise, on les critique…mais elles se serrent les coudes. Leur amitié n’est pas un vain mot, elles s’écoutent, s’entraident, se conseillent … Ce qui est intéressant à constater c’est qu’elles ne sont pas issues du même milieu mais réussissent, malgré leurs différences, à être en « phase », respectueuses et prêtes à tout les unes pour les autres. Tout simplement, parce qu’elles ont un cœur et que la bonté, l’empathie font partie de leurs qualités.

L’auteur a fait un travail de recherches sérieux. Des événements historiques réels sont introduits dans son récit. C’est assez léger mais ça met une toile de fond cohérente et c’est bien fait. De plus les conditions de travail (que ce soit pour la branche commerciale avec les commandes à faire en amont etc, ou dans un autre domaine) sont décrites avec assez de détails. En ce qui concerne la vie de tous les jours, on réalise qu’il est difficile, en 1912, pour les femmes, de s’installer seules, de sortir sans chaperon, de prendre la parole, d’avoir le même salaire que les hommes, d’évoluer sans dépendre du milieu où on est né … Mais, heureusement, les mouvements féministes commencent à se mettre en place !

J’ai eu un plaisir immense à lire ce roman et à suivre ces quatre amies. Si certaines situations sont un petit peu prévisibles, ça n’a aucune importance. De nombreux thèmes sont abordés, ce n’est pas approfondi mais l’essentiel, c’est d’en parler pour situer le contexte, évoquer les obstacles, rappeler ce qu’il se passait quelques années avant la première guerre mondiale.

 L’écriture (merci à la traductrice pour le vocabulaire de qualité) est fluide, plaisante, il se passe toujours quelque chose, je n’ai pas vu le temps passer et je vais m’empresser de lire la suite !

"In extremis" d'Anouk Shutterberg

In extremis
Auteur : Anouk Shutterberg
Éditions : Récamier (13 mars 2025)
ISBN : 978-2385771652
400 pages

Quatrième de couverture

Dans le torrent de la Leysse, à Chambéry, sont retrouvées des têtes de femmes coupées, maquillées et coiffées d'une couronne d'edelweiss. Axelle, journaliste aux faits divers, décide de mener l'enquête. Tout converge vers Valfréjus, station réputée pour les sports extrêmes. Derrière l'ambiance festive qui règne en altitude, au milieu des amateurs de sensations fortes, un tueur se dissimule.

Mon avis

« In extremis » est un roman addictif, bien rédigé, explorant la noirceur de l’âme humaine.
Je suis ressortie de cette lecture, lessivée, secouée, mais également admirative car tout s’emboîte à merveille sans fausse note ce qui est la preuve d’un excellent travail de fond.

On fait rapidement connaissance avec une fratrie : un frère et ses deux sœurs. Lui, Paul est entraîneur et manager de sa frangine Marie, sportive de l’extrême principalement en montagne Elle est un peu tête brûlée et veut toujours repousser les limites. Les sponsors lui demandent toujours plus, va-t-elle tenir le rythme ? Le souhaite-t-elle ou veut-elle souffler ? L’autre fille, Axelle, pratique les mêmes activités mais sans prendre autant de risques. Elle est journaliste à la rubrique faits divers d’un quotidien. Pour alimenter ses articles, elle est assez proche de Fred, un policier qui lui souffle des scoops (ou si elle a vent de quelque chose, elle le sollicite).

L’horreur frappe. Des têtes de femmes coupées, mises en scène, sont retrouvées dans le torrent de la Leysse, à Chambéry. Axelle essaie d’avoir des informations pour rédiger son papier. Elle sent que des éléments échappent à la police et elle de son côté questionne, fouine. Un tueur a agi, risque-t-il de récidiver ? Comment le coincer ? la peur s’installe et chacun va finir par se méfier de son voisin. Faut-il rechercher dans les relations des « décapitées », sont-elles choisies au hasard ou selon un critère précis ?

Les événements amèneront le récit à Vafréjus, une station de ski où l’atmosphère est à la fête (mais est-ce que ça va durer ?). Le lecteur observe les sportifs, plein d’énergie, de vitalité, prêtes à faire la fête. Le calme peut-il être seulement apparence ? Peut-on profiter d’un séjour sans avoir peur ?

En parallèle de ce qui se déroule dans présent, nous lisons les confidences d’une personne et au fil de ses révélations, nous cernons qui elle est. C’est progressif et ça apporte quelques éclaircissements.

La tension monte de plus en plus. On ne sait pas, on ne sait plus et pourtant on espère que tout va se résoudre, que ça va aller mieux car on a peur. Une play list (qui a accompagné l’auteur lorsqu’elle écrivait), disponible, nous plonge dans l’atmosphère de cette intrigue. J’ai trouvé intéressant d’avoir accès aux pensées de certains, afin de mieux cerner le pourquoi de leurs agissements. J’ai été traversée par de nombreuses émotions : colère, angoisse, dégoût, soulagement mais si court... J’ai serré les poings quand les faits ne tournaient pas comme je l’avais envisagé.

Anouk Shutterberg a ce don qui me semble plus qu’important : on se sent concerné par l’histoire qu’elle présente comme si on connaissait ceux et celles qu’elle décrit. Son écriture fluide, accrocheuse nous entraîne dans l’univers qu’elle a choisi. Et on n’en sort qu’à la toute fin. Elle sait nous prendre dans ses rets, ce qu’elle décrit nous noue le ventre. On veut comprendre comment une personne peut en arriver à de telles extrémités. Et quand on a les explications, c’est terrible.

Un nouveau titre très réussi pour une autrice à suivre !

 

"Les enquêtes de l’Aliéniste - Tome 3 : Les égarés des catacombes" de Jean-Luc Bizien

Les enquêtes de l’Aliéniste - Tome 3 : Les égarés des catacombes
Auteur : Jean-Luc Bizien
Éditions : L’Archipel (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2809849578
400 pages

Quatrième de couverture

Simon Bloomberg, aliéniste, est approché par un couple qui s'accuse mutuellement de violences et de cruauté mentale. Leurs troublantes confessions le tourmentent et le plongent dans des abîmes de doute. À son tour, il est aspiré dans un maelström de sauvagerie qui l'entraînera au cœur des ténèbres...

Mon avis

Quel plaisir de retrouver l’univers de Simon Bloomberg, aliéniste à la Cour des Miracles à Paris en 1890, en plein hiver. Il vit toujours dans sa demeure mystérieuse, aidé de la jeune Sarah pour les prises de rendez-vous entre autres. Il y a également une femme de chambre et une cuisinière ainsi qu’Ulysse (un géant un peu candide), qui, s’il n’habite pas sur place, rend de nombreux services malgré quelques maladresses et un peu trop d’impulsivité.

Parmi ses patients, un homme le consulte. Il explique avoir des accès de colère contre sa femme et ne pas pouvoir se dominer dans ces cas-là. Il casse tout, dit des mots qui dépassent sa pensée et ne peut gérer cette fureur qui l’habite. Simon écoute, surpris et se dit qu’une de ses priorités va être d’aider ce patient à se calmer pour qu’il soit moins dangereux et ainsi protéger sa compagne. Quelque temps plus tard, il reçoit, dans son cabinet, une jeune femme blessée, le docteur est vite inquiet. Il comprend que c’est l’épouse.  Est-ce bon, au niveau déontologie de recevoir les deux parties ? Sa position est délicate. Quelques éléments des deux entretiens l’interpellent. Disent-ils la vérité ? Comment s’en assurer ? Troublé, il essaie de mener une enquête en parallèle…pas facile… d’autant plus que cela l’entraîne dans les catacombes.

De son côté, Sarah est perturbée. Ces visiteurs ne lui inspirent pas confiance. Elle fouine dans le bureau de son patron car il tient un journal intime. Sa conscience la tiraille, elle sait qu’elle ne doit pas mais … si ça pouvait lui permettre de mieux le comprendre…

Avant de parler du récit, je tiens à souligner le soin apporté au livre lui-même. La magnifique couverture et les pages intérieures de début et de fin avec le plan des catacombes en modèle ancien, c’est tout simplement beau et ça plonge déjà dans l’atmosphère. À la fin, un appendice sur le lieu évoqué. C’est très complet et instructif ! Et dans les remerciements, l’auteur explique pourquoi il a rédigé ce texte, où il a mis beaucoup de lui.

J’apprécie l’ambiance des histoires de Simon et Sarah. On est vraiment projeté dans ce vieux Paris, où les fiacres circulent, avec de temps à autre des rues mal éclairées, des malfrats, des gens dont il faut se méfier. Les endroits choisis pour situer l’intrigue sont intéressants d’autant plus que l’auteur glisse intelligemment des faits ayant existé, ce qui rend tout ça encore plus palpitant.

La relation qui se construit entre l’aliéniste et son aide évolue et ça apporte un plus, la place d’Ulysse aussi. L’écriture de Jean-Luc Bizien est agréable, il a un véritable don pour camper une scène, la rendre visuelle et vous procurer quelques frissons. C’est très bien pensé. Ses romans pourraient être adaptés en série.

Dans ce tome, il aborde le mensonge, la manipulation, le fait que les émotions peuvent submerger et fausser l’interprétation. Pourquoi ment-on ? Pour être dans une réalité qui nous convient mieux ? Parce qu’on n’a pas le choix ? Pour arriver à nos fins ? Dans quel état est notre esprit après avoir agi de cette façon ? Jusqu’où s’exprime la violence et le besoin de domination ? Les réflexions qui jalonnent l’histoire ne sont pas dénuées d’intérêt. On sent que tout a été réfléchi. Il y a de la psychologie en plus de l’enquête dans un bel équilibre.

Le style se bonifie au cours des aventures de Simon et la suite sera sans doute prometteuse !