"La noyée de Carnac" de Christophe Ferré

 

La noyée de Carnac
Auteur : Christophe Ferré
Éditions : L’Archipel (10 Octobre 2024)
ISBN : 978-2809849837
340 pages

Quatrième de couverture

Par une nuit de tempête, un voilier se fracasse sur des rochers non loin d'une plage de Carnac. Au petit matin, on découvre sur le sable le corps sans vie de Sophie Millet, jeune chercheuse en histoire venue dans la région étudier les menhirs et les sépultures celtiques. Les rescapés du naufrage affirment ne pas la connaître. Elle portait pourtant le même gilet de sauvetage qu'eux... L'enquête conclut à une noyade accidentelle. Une théorie à laquelle Baptiste, le père de Sophie, ne croit pas.

Mon avis

Baptiste a soixante-dix ans, il a perdu Sophie, sa fille, vingt-six ans. Il y a plus de trois ans, elle a été retrouvée morte sur une plage de Carnac. Elle portait un gilet de sauvetage alors qu’elle était une excellente nageuse. C’était la nuit de l’équinoxe et la tempête faisait rage. L’enquête a conclu à une mort accidentelle. Était-elle sur un bateau ? Pour son père, qui ne s’est jamais remis de sa disparition, il est impossible qu’elle se soit noyée. Le temps s’est écoulé, il n’a pas fait son deuil et il revient sur place pour essayer d’obtenir des témoignages et comprendre ce qu’il s’est passé. Son gendre est là également, prêt à épauler celui qui a été son beau-père.

Baptiste, qui se débrouille avec les réseaux sociaux, publie régulièrement des photos du coin en parlant de Sophie. Il fait tout pour rafraichir les mémoires. Il n’a plus rien à perdre et n’a pas peur de mourir. Il sait pourtant que lorsqu’on gratte, on dérange et qu’il peut y avoir un retour de bâton…
Ses publications ne restent pas lettre morte et quelques personnes le contactent. Souvent, il a le sentiment d’avancer puis de reculer aussitôt. Certaines personnes se contredisent, donnent d’autres pistes. Le père, dévasté, ne sait plus à qui faire confiance, tout s’embrouille, se mélange. Et nombreux sont ceux qui répondent qu’ils ne savent rien, ont oublié et surtout n’ont rien à voir avec cette histoire…

Mais il ne baisse jamais les bras. Rendre justice à sa fille, résoudre le mystère de sa mort, c’est toute sa vie maintenant. Que de stress ! Rien n’est aisé pour lui, c’est le gêneur. Les menaces écrites ou physiques ne le découragent pas. Il rencontre les trois occupants d’un bateau échoué la nuit du drame sur a plage où a été trouvée Sophie. Était-elle à bord ? L’alcool a coulé à flots et personne ne se souvient de rien… C’est ce qu’ils disent…. Veulent-ils se persuader, se couvrir ? Des fissures commencent à apparaître dans les discours des différents individus que Baptiste interroge. Mais plus il investigue, plus il prend des risques…

C’est avec des chapitres courts, du rythme, des indices semés ça et là que l’auteur nous entraine dans son histoire. Les protagonistes ne sont pas « lisses », tous semblent cacher quelque chose, ne pas tout dire. Est-ce que certains manipulent Baptiste dans l’ombre ? Obtiendra-t-il des réponses ?

Sophie, la jeune femme décédée, était passionnée de menhirs et de sépultures celtiques, elle faisait des recherches et écrivait un mémoire. C’est donc en Bretagne, à Carnac, que se déroulent tous les faits. C’est soigneusement documenté et les informations réelles sont introduites dans le texte. Lorsqu’on apprécie cette région, ça donne forcément envie de lire puis de retourner sur place pour visiter les lieux évoqués (sans oublier de manger une bonne crêpe).

J’ai vraiment apprécié ce récit.  L’écriture fluide et dynamique est très agréable. Il n’y a pas de temps mort et on a le souhait que ce papa obtienne des résultats pour qu’il trouve la paix. La fin peut paraître un peu rapide mais si on réfléchit, ça ne pouvait pas être autrement ….


"L'Alpha & l'Oméga" d'Estelle Tharreau

 

L’Alpha & l'Oméga
Auteur : Estelle Tharreau
Éditions : Taurnada (7 Novembre 2024)
ISBN : 9782372581394
252 pages

Quatrième de couverture

Cédric est l'enfant non désiré de Nadège Solignac, tueuse en série. Au fil du temps, il découvre son passé familial et tente de grandir sous l'ombre meurtrière de sa mère. Mais un tel monstre peut-il aimer ? Peut-on seulement lui survivre ?

Mon avis

Voici la définition d’une meute, chez les loups :

Au moins un loup mature avec un louveteau sur une contrée où ils cherchent leur nourriture et marquent leur territoire en commun.

Une meute, c’est au moins deux individus, le plus souvent l’un domine, est le chef, l’autre obéit, grandit et apprend à son contact. Puis parfois, le second veut devenir le plus fort et les combats arrivent, les égos surdimensionnés prenant le dessus. Que se passe-t-il alors ? Peuvent-ils s’entendre, communiquer ou entament-ils une lutte sans concession pouvant aller jusqu’à la mort d’un des protagonistes ?
Quant à L’Alpha et l’Oméga, les deux sont liés pour l’éternité puis qu’ils sont le commencement et la fin…

C’est avec ces principes que Nadège Solignac élève Cédric, son fils bien-aimé. Un lien fusionnel, étouffant. Elle veut qu’il devienne comme elle, qu’il soit puissant, intouchable, dominateur, tyrannique mais en toute discrétion. Le visage présenté aux autres doit être lisse, convivial, presque empathique.

Cédric va-t-il se couler dans ce moule ou aller à l’encontre des désirs maternels ? Qu’en est-il de la part d’hérédité ? De celle de l’éducation ? De ce que de veut réellement être la personne ? Peut-on s’opposer, lorsqu’on est petit à ce qu’on nous inculque ? Comment faire la différence entre le bien et le mal lorsqu’on n’a rien vécu ?
D’ailleurs, comme le montre le texte, c’est beaucoup plus subtil que ça. Ces deux là s’aiment, à leur manière, de façon bestiale, emportée, sans nuances, en se surveillant, en se jouant l’un de l’autre, en se cherchant. Cédric agit-il pour plaire à sa mère ? Nadège souhaite-t-elle armer son fiston contre la violence, contre les autres, contre ceux qui ne l’aimeront jamais autant qu’elle ? Mais pourquoi porte-t-elle cette noirceur au plus profond d’elle-même, qu’est-ce qui l’anime, l’habite ? Qu’a-t-elle vu ou vécu ? Qu’est-ce qui l’a forgée ?

Pourtant, en apparence, Nadège est une enseignante appréciée, à l’écoute de ses élèves. Il lui est arrivé d’être au mauvais endroit au mauvais moment mais, chaque fois, aucune preuve contre elle. La faute à pas de chance, sans doute…

L’auteur explore les tréfonds de l’âme humaine. Ce qui incite les hommes et les femmes à repousser les limites, à se reparaître des humiliations imposées aux autres, à choisir de faire souffrir et la satisfaction qu’ils peuvent en retirer.

Peu de personnages dans ce récit, des gens atypiques, particuliers, dont on se demande souvent ce qui les guide dans leurs choix, dans leurs relations humaines, dans leur vie.

Le lecteur assiste impuissant à une forme de torture mentale, de manipulation. C’est très bien décrit, amené petit à petit. Les éléments du passé sont donnés au fil des pages afin de nous apporter des éclaircissements sur ce qui unit ou divise les uns et les autres.

L’écriture est comme l’histoire, sèche, abrupte, dure, sans pathos (il n’y a pas de place pour ce sentiment). Chacun des principaux protagonistes s’exprime à tour de rôle, donnant sa version des faits, ses ressentis. Les propos révoltent, font froid dans le dos, nous aspirent et on ressort essoré, vidé.

Estelle Tharreau s’essaie à tous les genres. Avec ce dernier opus, elle réussit un roman noir, psychologique qui interroge et questionne sur la part d’acquis et d’inné dans la destinée ….


"Ma vie sans gravité" de Thomas Pesquet

 

Ma vie sans gravité
Auteur : Thomas Pesquet
Éditions : Flammarion (18 Octobre 2023)
ISBN : 9782080423030
414 pages

Quatrième de couverture

Comment devient-on le plus jeune Français à partir vers la Station spatiale ? Comment passer de sa Normandie natale aux pas de tir de Baïkonour et de Cap Canaveral ? Pour la première fois, Thomas Pesquet se raconte sans détour, dans un récit très personnel aussi drôle que surprenant. Il nous entraîne des coulisses de l’école des astronautes jusqu’au frisson du décollage, partage le quotidien de ses 396 jours à bord de l’ISS et l’émerveillement de découvrir, flottant dans le vide intersidéral, notre planète si fragile.

Mon avis

Thomas Pesquet sait se mettre à la portée de tous.

Ici, aidé par Arnaud Cathrine qui a « mis en texte » (relu et corrigé par Thomas) les entretiens qu’ils ont eus tous les deux, il se livre en toute simplicité sans aucun tabou. C’est un homme « fort », intelligent, qui aime apprendre encore et encore, sans se lasser. Il le dit, c’est après coup qu’il a compris les souffrances imposées à ceux qui l’aiment. Mais cette vie, qu’il a choisie, c’est son moteur, son énergie, il en a besoin pour exister.

Il raconte sa jeunesse, sa première rencontre avec Anne, sa compagne, au lycée. L’évolution de leur relation avec des séparations avant de trouver un équilibre. Il voulait être pilote de ligne, ça effrayait beaucoup sa maman, alors quand il annoncé qu’il avait réussi les sélections d’astronaute, parmi plus de 8400 candidats….

Être « élu » ce n’est que le début. Les préparations, les stages, tout ce qu’il y a à ingurgiter en connaissances est impressionnant. Il explique un séjour de « survie », où avec, ses collègues, il devait chercher à manger et ne trouvait rien… Il raconte cela avec beaucoup d’humour.

« Nous déployons pièges et collets dans l'espoir de capturer une proie. Luca, victime d'une insolation, vomit dans mes chaussures au cours de la première nuit(glaciale). Au matin, relevant nos pièges, nous trouvons deux lapins, extase et satisfaction, que nous vidons, découpons et cuisons (nous apprendrons plus tard qu'il n'y a aucun lapin à l'état sauvage en Sardaigne ; les forces spéciales ont juste eu pitié de nous et ont glissé les deux bêtes dans nos collets). »

C’est un travail énorme, tout le temps, pour un « court » passage dans l’ISS. Je crois que les entraînements sur les simulateurs, la tête en bas, sont particulièrement difficiles.

J’apprécie l’écriture sans emphase, permettant de comprendre les enjeux (comment sont choisis ceux qui iront dans l’ISS par exemple).
J’aime la façon dont cet homme nous rappelle la fragilité de notre terre.

« Il y a la beauté du monde. Mais il y a aussi son extrême fragilité. Je m’y attendais : elle est criante vue d’ici… »

J’ai eu le sentiment que les gens qui l’entourent font tout pour se mettre à sa hauteur. Pas au niveau intellect, mais pour le surprendre, être rassurant alors qu’ils ont peur pour lui, pour ne pas le décevoir etc.

J’ai trouvé génial, le calendrier de l’Avent que sa conjointe avait réalisé avec la complicité de ses proches et qu’il a emmené dans la station. C’est beau, parce qu’elle aurait pu faire ça dans son coin, rien que pour eux deux. Mais elle a associé les autres, chapeau !

Ce témoignage est agrémenté de nombreuses anecdotes qui nous offrent la possibilité de mieux connaître « ThomasPesquet » (il explique que les enfants de ses amis qui l’appelaient « Thomas » ont tellement entendu à la télé, à la radio Thomas Pesquet qu’ils en ont fait un mot unique…)

Cette lecture a été très plaisante, les photographies en milieu d’ouvrage, permettent de soutenir le texte. Il faut souligner une qualité essentielle de ce scientifique, il sait parfaitement partager et communiquer !


"La bibliothèque du bon goût" de Nicoby

 

La bibliothèque du bon goût
Auteur : Nicoby (textes et dessins)
Éditions : Jarjille (25 Octobre 2024)
ISBN : 9782493649287
68 pages

Quatrième de couverture

C’est toujours compliqué de partager ses lectures. D’aucuns se diront qu’il manque tel ou tel livre, ou que celui-ci est vraiment passable .. Bref, c’est compliqué. Mais c’est tellement tentant …

Mon avis

En feuilletant ce livre, vous vous direz « Et moi, quelles bandes dessinées me plaisent et pourquoi ? »

Avec beaucoup d’humour, Nicoby présente ses coups de cœur pour certaines BD. Chaque double page est organisée de la même façon. À gauche, la couverture de l’album concerné, puis quelques lignes où l’auteur explique en quoi les dessins, le texte, l’histoire l’ont touché. À droite, une page avec des cases et des bulles où l’auteur se met en scène, partageant ses ressentis sur l’ouvrage évoqué à côté. On est plus dans l’émotion, car on voit les expressions de son visage et on lit le dialogue avec une compagne, un enfant, un ami, un auteur, ou ses pensées lorsqu’il est seul.

Ce qui est intéressant, c’est qu’à l’écouter, pardon à le lire, on a envie d’aller voir de plus près les BD dont il parle si on ne les connaît pas.  Je n’avais jamais entendu parler de Monograph de Chris Ware et la façon dont Nicoby  l’expose me donne envie de le trouver et de le glisser dans ma bibliothèque !

Quand j’ai vu mon chouchou au solex (Jérôme K Jérôme Bloche), j’étais toute contente ! Et ce qui est également très captivant, c’est le fait de nous donner des détails sur les dessinateurs (j’ai ainsi appris qu’Alain Dodier s’appuie sur des photographies et prend la pause parfois afin d’être plus précis dans son tracé).

Quand on lit les commentaires, on réalise que l’auteur s’est vraiment confié à nous, il raconte ses déceptions (il s’enthousiasme pour un titre, le prête à son frère et fait un flop car le frangin trouve ça nul…), et aussi ses découvertes …

Il a souffert d’addiction ;- ) pour certains titres et c’est amusant.

Cette bibliothèque du bon goût ressemble au premier tome d’une encyclopédie de la bande dessinée et j’ai vraiment apprécié cette lecture. La présentation originale est bien adaptée, et la variété des livres et auteurs proposés est excellente. C’est vraiment un beau cadeau pour les vingt ans des éditions Jarjille !

J’aurais simplement rajouté, juste pour ma curiosité personnelle le pays d’origine de chaque dessinateur dans le texte de la page de gauche et pas en postface, mais c’est un détail.


"Jason Bourne - La traîtrise dans la peau" de Brian Freeman d’après Robert Ludlum (The Bourne Treachery)

 

Jason Bourne - La traîtrise dans la peau (The Bourne Treachery)
Auteurs : Brian Freeman d’après Robert Ludlum
Traduit de l’américain par Philippe Vigneron
Éditions : L’Archipel (21 Novembre 2024)
ISBN : 978-2809847345
412 pages

Quatrième de couverture

Il y a trois ans, Jason Bourne était en mission en Estonie avec sa partenaire et amante Nova. Leur objectif : exfiltrer un scientifique et activiste anti-Poutine venu de Saint-Pétersbourg. Mais les dés étaient pipés et ils ont échoué. Pourchassé par le FSB, l'homme a été assassiné par un tueur de l'ombre, connu sous le seul nom de Lennon. Toujours sous la menace de Treadstone, l'officine qui l'employait, Bourne est aujourd'hui à Londres pour une mission périlleuse, où il croise de nouveau la route d'agents russes, bien décidés à déstabiliser le monde occidental.

Mon avis

Robert Ludlum n’a écrit que les premiers « Jason Bourne ». Depuis son décès, les titres sont rédigés par Brian Freeman dans l’esprit de celui qui a créé Jason. On ne sent fondamentalement pas de différence dans le style. Sans aucun doute le co-auteur s’est imprégné de l’univers de Bourne avant de se lancer afin de ne pas décevoir les fans de la première heure.

Jason est un homme sans passé. Suite à une grave blessure il a oublié qui il était et a dû tout reprendre à zéro. Parfois des cauchemars, des réminiscences, des images chocs mais très courtes, réveillent sa mémoire mais ce n’est pas suffisant pour retrouver qui il était. Par contre, à partir de cet « accident » de parcours, il sait ce qu’il a vécu. Il se souvient très bien de son amour pour Nova, une femme exceptionnelle qui a énormément souffert. Il sait qu’elle est sa faiblesse, qu’un espion comme lui ne devrait pas avoir de faille mais…

Ses employeurs sont mystérieux et lui confient des missions à distance, sans vraiment tout lui dire, volontairement. Est-ce qu’ils se méfient ? Ou tout simplement le manipulent-ils ? Finalement la question qu’on pourrait se poser est de savoir qui trahit et pourquoi, dans quel but ? Et qui ment, ou a menti ?

Dans ce récit, de nombreuses situations tournent autour du mot « confiance ». Croire en qui ? Croire ce qu’on voit ou à ce qu’on perçoit ? Jason a de temps à autre des perceptions floues, intuitives et il ne sait pas s’il doit s’y fier ou pas. Cela lui donne une petite fragilité et le rend très humain à nos yeux.

Bien enraciné dans des problématiques actuelles, comme par exemple, ce qui concerne le climat, ce texte se dévore. Rebondissements, fausses pistes, voire agent double, on ne sait plus que croire, qui croire. On suit les protagonistes dans un climat souvent hostile, fait de suspicion où tous sont en permanence sur le qui-vive.

L’écriture est plaisante, prenante, sans temps mort, le rythme est rapide. C’est quelques fois un tantinet violent comme dans les films d’action où s’opposent des informateurs, des « taupes » et des chefs plus ou moins honnêtes … Au milieu de tout ça, le lecteur retient son souffle car, même s’il ne sait pas tout sur Jason Bourne, il s’est attaché à lui. C’est une des grandes forces de l’auteur, rendre cet homme attachant, malgré sa facilité à se débarrasser, sans se poser de questions, des gêneurs. On l’excuserait presque d’agir ainsi. La frontière entre le bien et le mal est toujours aussi complexe….

J’ai beaucoup apprécié ce livre, j’aime bien Jason et sa façon de raisonner, de réfléchir, d’observer… On sent que de temps en temps, il hésite entre suivre son instinct et rester dans une certaine forme de certitude pour limiter les risques. Je trouve intéressant également qu’il soit tiraillé entre passion et raison quand il est amoureux.

L’intrigue est bien construite, pas aussi simple qu’on le pense au premier abord et c’est parfait.

Une aventure simple et efficace, bien écrite (merci au traducteur) pour nous maintenir en haleine !


"Madelaine avant l'aube" de Sandrine Collette

 

Madelaine avant l’aube
Auteur : Sandrine Collette
Éditions : Jean-Claude Lattès (21 août 2024)
ISBN : 978-2709674539
254 pages

Quatrième de couverture

C’est un endroit à l’abri du temps. Ce minuscule hameau, qu’on appelle Les Montées, est un pays à lui seul pour les jumelles Ambre et Aelis, et la vieille Rose. Ici, l’existence n’a jamais été douce. Les familles travaillent une terre avare qui appartient à d’autres, endurent en serrant les dents l’injustice. Mais c’est ainsi depuis toujours. Jusqu’au jour où surgit Madelaine. Une fillette affamée et sauvage, sortie des forêts. Adoptée par Les Montées, Madelaine les ravit, passionnée, courageuse, si vivante. Pourtant, il reste dans ses yeux cette petite flamme pas tout à fait droite. Une petite flamme qui fera un jour brûler le monde.

Mon avis

Des phrases courtes, percutantes, parfois sans verbe, sans complément. Une écriture rude, puissante, qui pulse comme un cœur qui bat vite, de façon saccadée. On sent la rudesse des conditions de vie, des lieux.

« Eux et elles » sont soumis à leur seigneur et maître, ils vivent, ou plutôt survivent, comme ils peuvent, au jour le jour, car lorsqu’on souffre du froid, de la faim, on ne peut pas toujours anticiper. On imagine la période, probablement avant la révolution, et le coin perdu, paumé, où chacun fait de son mieux, pour se faire discret, ne pas attirer les foudres du chef en faisant ce qu’il faut.

Il y en a un qui observe, qui raconte, avec la maturité de celui qui voit sans être vu, comme s’il était transparent. Et lorsqu’on découvre qui il est, sur le tard, on est très surpris. Pouvait-il en être autrement d’ailleurs ?

Dans cet univers rugueux, où la tendresse n’apparaît pas souvent, où le combat de chaque jour est celui d’hier ou du lendemain, apparaît une fille de la faim. Une sauvageonne qu’il faut pratiquement « capturée » pour la voir de près. Elle porte en elle la peur et la violence, elle est à l’affût et sa présence fera voler en éclats l’agencement en apparence paisible de la bourgade.

« On pouvait bien nous domestiquer et nous éduquer, il resterait cette part d’incertitude, le morceau de nous prêt à éclater à chaque instant, il y avait dans ces yeux et dans les miens cette petite flamme pas tout à fait droite, pas tout à fait nette, que personne ne contrôlerait. »

Elle est celle qui va oser, se rebeller, aller où elle n’a pas le droit. Elle est celle qui va dépasser les limites. Rien ne se semble lui faire peur …

C’est un roman marquant, presque dérangeant par le contexte, le contenu. Sandrine Collette a un phrasé singulier, qui laisse le lecteur pantelant. Elle analyse finement les situations, les ressentis. Les personnages sont très présents, même quand ils ne sont pas là physiquement, ils « habitent » le récit. Quant à l’atmosphère, elle vous capte, vous étouffe, elle est palpable.

Un texte inoubliable.


"Noël en solo" de Aurélie Desfour & Thomas Martinetti

 

Noël en solo
Auteurs : Aurélie Desfour & Thomas Martinetti
Éditions : Independently published (30 octobre 2024)
ISBN : 979-8344342542
273 pages

Quatrième de couverture

Fanny a toujours adoré Noël. Mais cette année, le karma s’acharne sur elle. D’abord, elle va passer son premier Noël sans sa fille : merci à son ex qui a fait voler leur histoire en éclats et l’a propulsée dans le monde merveilleux des mamans solos. Puis, il y a sa supérieure à l’office de tourisme qui a l’idée aussi soudaine que lumineuse de lui coller l’organisation du réveillon du jour de l’an, option “soirée du siècle”. Heureusement, il y a ses deux meilleures amies… « Heureusement », vraiment ? Non, parce qu’il y a un truc à savoir : chaque année, les filles se lancent des défis entre Noël et le jour de l’an.

Mon avis

Les romans de Noël, c’est comme les papillotes et les chocolats chauds, il ne faut pas abuser mais une fois de temps en temps, qu’est-ce que ça fait du bien !

C’est donc sans aucune culpabilité que je me suis plongée dans Noël en solo. C’est l’histoire de trois amies installées dans une station de ski. Une travaille à l’office de tourisme, l’autre donne des cours de ski etc, et la dernière est à la tête d’un hôtel. Chaque année pour les fêtes de fin d’année, elles se lancent des défis plus ou moins réalisables, plus ou moins fantaisistes, mais chacune essaie de réussir le sien.

Une tradition, c’est fait pour s’y tenir donc c’est reparti pour un tour. Fanny, qui élève seule sa fille depuis son divorce, devra faire comme si elle n’était pas chargée de famille. L’occasion, peut-être, de sortir, de rencontrer des hommes, de prendre du temps pour elle ? En tout cas, surtout ne pas déprimer seule dans son coin pour ce premier 25 Décembre sans sa progéniture. En plus, sa supérieure lui demande d’organiser une soirée surprise pour le 31. Ça occupe l’esprit d’accord mais par quel bout prendre ce projet ? Surtout au dernier moment quand les salles ne sont pas disponibles et les prestataires de spectacles non plus… Pour les autres, je ne vais pas dévoiler ce qu’elles devront faire….

Chacune des trois copines va s’efforcer de relever son épreuve mais ce ne sera pas simple. Si les bonnes fées existaient, ça se saurait. Elles ne pourront compter que sur elles-mêmes, à moins que, parmi leurs connaissances, certaines personnes donnent un coup de pouce.

Les challenges proposés auront permis à trois jeunes femmes de revoir leur façon de penser.

« Je pense que, chacune à notre manière, nous avons appris à nous détacher de nos attentes pour apprécier davantage l’instant présent. »

Et peut-être auront-elles trouver un cadeau de Noël ? On ne sait jamais.

Ce récit est écrit à quatre mains mais je n’ai pas senti de différence de style, c’est très fluide et plaisant à lire. Bien sûr, c’est assez léger mais pas dénué de sens, différents thèmes sont abordés, la culpabilité, les familles recomposées, la peur de souffrir en laissant voir ses sentiments etc. Cela permet de réfléchir à nos propres réactions face à certaines situations. 

Une lecture plaisante, sans prise de temps, avec de l’humour (je veux une photo du pull à grelots !), de la tendresse et beaucoup de doigté dans l’écriture.

NB : cerise sur le gâteau, euh non, plutôt petit sapin en plastique sur la bûche : la play list qui accompagne Fanny tout au long de ses aventures est détaillée dans les dernières pages !


"Gare aux Brotteaux" de Jacques Morize

 

Gare aux Brotteaux
Auteur : Jacques Morize
Éditions : AO-André Odemard (11 octobre 2024)
ISBN : 978-2382000366
274 pages

Quatrième de couverture

Le corps de Christophe Navier, journaliste d’investigation français, est retrouvé au pied d’une falaise de l’île de Minorque. L’épouse du défunt ne croit pas au suicide. Elle porte plainte, exigeant l’ouverture d’une enquête qui échoit au commissaire Séverac. Très vite, la thèse d’un assassinat s’impose, dont le mobile serait le sujet du livre sur lequel Navier travaillait. Pendant que Séverac s’attaque à cette affaire, Culbuto et son équipe traquent “le roi de la nuit lyonnaise”.

Mon avis

Lyon 6ème , la gare des Brotteaux, et voilà le commissaire Séverac reparti dans une nouvelle aventure. Quand il enquête, on le suit dans les différents coins du quartier choisi et on visite Lyon. C’est très visuel pour qui connaît la ville et si on n’y a jamais mis les pieds, je pense que ça donne envie d’y aller (enfin, pas partout, il vaut mieux zapper certaines adresses), même si on est stéphanoise comme moi.

Abel Séverac est installé à Lyon, sa femme est restée à Paris et ils se voient de temps en temps. Ils étaient sur le point de divorcer (Monsieur n’est pas très fidèle) mais finalement, avec deux logements et des visites ponctuelles, le couple continue d’avancer (et lui de profiter de chaque joli corps qui s’offre à lui mais chut…)

Cette fois-ci, c’est la veuve d’un journaliste d’investigation qui demande que soit examiné le supposé suicide de son époux alors qu’il était à Minorque. L’affaire est confiée à Séverac qui collabore avec les policiers sur place. Il est vite établi que l’homme n’est pas tombé de la falaise tout seul, qu’il travaillait sur un livre et que ses questions dérangeaient. Abel va devoir la jouer fine pour comprendre ce qu’il en est réellement. Pour certains, le mensonge est une seconde nature et il risque de se faire manipuler.

En parallèle, certains de ses collègues investiguent sur le meurtre d’une prostituée, probablement tuée par un roi de la nuit, cet univers où les règles ne sont plus les mêmes …. Le lecteur verra, en tournant les pages s’il y a un lien entre les deux histoires…

Les personnages sont présentés avec doigté, les relations qu’ils établissent entre eux également. On découvre que le regard d’Abel peut évoluer, face à la maternité, face à la place (trop ? très ?) importante de son métier dans sa vie, qui peut parfois mettre sa famille en danger… Il doit apprendre à doser ses actions quotidiennes, sans s’emballer et en gardant un certain équilibre. Pas facile pour lui !

L’intrigue est menée de main de maître, Jacques Morize ne laisse rien au hasard et il sait parfaitement où il nous emmène, quitte à nous faire prendre des chemins détournés en semant des indications trompeuses. J’aime bien sa façon de présenter les choses, on est rapidement au cœur des événements, ça bouge, les rebondissements maintiennent le suspense et on se demande comment tout cela finira et quand on le découvre, on reste scotché.

Ce que j’ai beaucoup apprécié dans ce récit, c’est le fait que l’auteur ait mis en avant des sujets actuels, liés au milieu médical. Il explique que certains n’agissent que pour le profit en trichant, en volant, en étant violent pour obtenir ce qu’ils veulent. Il n’hésite pas à égratigner les urgences en rappelant que le système hospitalier va mal.

L’écriture de l’auteur est pleine de vie, teintée d’humour, il prend celui ou celle qui lit à témoin avec des notes de bas de page pour des mots inventés ou détournés, pour des situations cocasses. C’est très amusant et ça apporte un côté pétillant au texte.

Un excellent moment de lecture !

"La ritournelle de nos jours" de Marie Joudinaud

 

La ritournelle de nos jours
Auteur : Marie Joudinaud
Éditions : Archipoche (31 Octobre 2024)
ISBN : 979-1039205368
338 pages

Quatrième de couverture

Paris, 2006. Sophie, amoureuse des plantes et des jardins, doit faire face au décès de son père, qui l'a élevée seul. En disparaissant, ce célèbre musicien lui lègue un secret caché au cœur d'une étrange villa azuréenne... La jeune femme osera-t-elle lever le voile sur le mystère ?

Mon avis

Paris, 2006, le père de Sophie, débarque au magasin qu’elle tient avec son associé et un apprenti. C’est assez surprenant et en lui préparant rapidement un café, elle s’interroge sur sa présence, lui qui vient rarement la voir sur son lieu de travail. Il dit qu’il passait pas loin et qu’il en a profité pour faire une petite visite, mais surtout, il l’informe qu’il veut lui parler, qu’il a des choses à partager avec elle, ils prennent rendez-vous, elle ira chez lui ….

Ils se voient et il lui confie qu’il va bientôt mourir. Elle n’avait rien vu venir, elle s’installe près de lui pour l’accompagner le mieux possible. Il l’a élevée seul après le décès de sa mère, dont elle ne sait pas grand-chose, elle tient à vivre ses derniers instants avec lui. Il n’a pas toujours été très présent car c’était un célèbre musicien mais, même fragiles, les liens sont là. La jeune trentenaire a eu parfois des difficultés à communiquer avec ce papa secret. Elle s’est posée des questions mais face à ses interrogations, il n’a jamais apporté d’explications ou alors quelques bribes.

Après les funérailles, le notaire la convoque et lui remet une clé et une adresse dans le Sud. C’est la stupéfaction, elle ne comprend pas. Émile, son père, n’allait jamais dans le Sud ! Que faire ? Se laisser tenter et aller sur place ? Oublier cette clé et continuer son quotidien sans y penser ?

C’est parfois difficile de décider. Sophie appréhende, peur de souffrir, peur de découvrir des événements qui la bouleverseront et qu’avec le recul, elle aurait préféré ignorer… Que choisir ? Les non-dits ne sont jamais bons. Elle décide de commencer sa quête et peut-être de cerner qui était réellement son père.

C’est comme ça que le lecteur fait connaissance avec un Émile tout jeune en 1974. Les chapitres alterneront entre passé (avec lui) et présent avec les investigations de la jeune femme. Elle va suivre le fil ténu reliant chaque indice qu’elle récupère, espérant que les pièces du puzzle s’emboîtent et qu’elle apprenne ce que son paternel lui a tu et pourquoi il a agi ainsi.

Ce roman est d’une grande délicatesse, empreint de tristesse, de mélancolie mais surtout de beaucoup d’amour, celui de tous les êtres qui en aiment un autre. Qu’ils aiment d’amour ou d’amitié, faisant preuve d’écoute, de respect pour ceux qu’ils apprécient au plus haut point.

C’est avec une écriture fine, donnant vie à ses personnages que Marie Joudinaud m’a entraînée à sa suite dans ce récit. J’ai tout de suite senti qu’elle avait beaucoup d’affection pour ses personnages, qu’elle voulait leur bonheur mais qu’elle n’oubliait pas de parler des aléas de la vie. Les lunettes roses ne sont pas toujours de mises et ses protagonistes sont confrontés à des situations difficiles à gérer.

Cette histoire m’a intéressée, captivée. J’ai aimé la place donnée à la musique. L’auteur rappelle qu’elle peut apaiser les cœurs, aider à oublier la souffrance, panser les plaies. La musique guérit, rend heureux, passe à travers le temps et l’espace et réunit ceux qui s’aiment….


"La perle des faussaires" de Nicole Giroud

 

La perle des faussaires
Auteur : Nicole Giroud
Éditions : Plumitive (10 octobre 2024)
ISBN : 979-1093327204
372 pages

Quatrième de couverture

Han van Meegeren, le plus brillant faussaire du vingtième siècle, amassa une fortune colossale en vendant ses tableaux aux plus grands musées et collectionneurs de Hollande. Le mécanisme se grippa lorsqu’il fut contraint de vendre un faux Vermeer à Hermann Goering. En 1945 un Vermeer non répertorié dans la collection du Maréchal attira l’attention des experts artistiques des Alliés et ce fut le début des ennuis. Pourquoi Han van Meegeren ne se contenta-t-il pas de reconnaître seulement la paternité de ce faux ?

Mon avis

Han van Meegeren est un artiste peintre, devenu faussaire. Il a même trompé les nazis avec des tableaux fabuleux, signés du nom de Vermeer. Et lorsque sa supercherie a été mise en avant, il a  dû prouver qu’il avait réalisé ces faux, plus vrais que nature. « La perle des faussaires » est la biographie romancée de cet homme, né en 1889 et décédé en 1947 à Amsterdam.

Je m’intéresse à l’art mais de loin, à l’occasion de visites dans des musées ou pour des expositions. Et je me dois de l’avouer, je n’avais jamais entendu parler de ce monsieur. Ce récit m’a fascinée, je l’ai trouvé plus que réussi : une vraie perle littéraire !

Nicole Giroud a dû accomplir un énorme travail de recherches, de documentation, puis d’organisation pour intégrer à son texte ce qu’elle a appris et découvert sur cet homme. C’est à « lui » qu’elle donne la parole, il se « raconte » et explique sa vie depuis son enfance jusqu’à ce choix délicat de « tricher ». Mais pour lui, il ne s’agit pas de ça, il considère qu’il rend ainsi hommage à Vermeer, le mettant en exergue puisqu’il ne copie pas son œuvre mais la prolonge en créant d’autres toiles. La nuance est subtile et intéressante à creuser au final.

À travers cette histoire, l’auteur fait une fine analyse de la personnalité de Han, elle va au plus profond pour comprendre ce qui a pu le motiver à agir comme il l’a fait à chaque étape de sa vie (et pas seulement quand il s’est consacré au « métier » de faussaire). Le contexte historique est riche avec des événements ayant existé bien introduits au fil des chapitres.

J’ai découvert Han, enfant « cassé » par son père, essayant de s’évader par le dessin, la peinture. Ensuite, je l’ai vu devenir élève d’un grand maître, apprenant entre autres, à repérer les points de fuite qui orientent le regard du spectateur. Puis il est devenu adulte, parfois torturé, dépressif, se sentant mal-aimé, « habité » par l’art, prêt à tout pour la création, quitte à souffrir d’addiction.

Han était très intelligent. Il a mis en place des techniques de vieillissement, a fait des essais, tenté différents matériaux pour que tout soit parfait. Il y tenait. C’était vraiment quelqu’un d’exceptionnel malgré sa part d’ombre et ses défauts.

L’arrivée de la guerre a modifié les projets de Han et de son épouse. Mais Jo, sa femme, très futée, trouvait toujours un moyen pour s’adapter, c’est elle qui gérait la fortune et tout le côté matériel.  Dans ce livre, on voit aussi tout ce qui se passe pour les hollandais, surtout lorsqu’arrivent les années difficiles avec les conflits politiques.

J’ai beaucoup apprécié toutes les réflexions sur la place de l’art, sur ce qu’est l’art. Est-ce que Vermeer a été plus connu après l’épisode où Han a voulu continuer ses réalisations ? La question mérite d’être posée, non ? Est-ce que Han a peint pour être connu ou reconnu ? Quel était son but ? Faire parler de lui ou de ses doigts magiques ?

Cette lecture m’a captivée. J’ai été scotchée aux pages. L’écriture fluide et plaisante m’a permis de rentrer rapidement dans ce récit. Comme il se passe toujours quelque chose, il y a du rythme, des rebondissements, l’intérêt ne faiblit pas. Je suis admirative de Nicole Giroud. J’ai lu d’autres titres d’elle et elle a changé de registre sans aucun problème. C’est bluffant !


"L'Arabe du futur - Tome 3 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1985-1987" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur - Tome 3 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1985-1987
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Allary (6 Octobre 2016)
ISBN : 978-2370730947
162 pages

Quatrième de couverture

Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans ka Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad.

Mon avis

Riad a sept ans, il vit toujours en Syrie. Son père, professeur à l’université a pour élève un garde du corps du président. Ce dernier, comme d’autres, essaie de lui offrir des biens afin d’avoir de bonnes notes. On sent les magouilles et même le paternel soulève parfois le coin des copies qui cache le nom des élèves …

Le fossé se creuse entre les deux parents, Ramadan, Noël, c’est tellement différent. La maman, enceinte d’un troisième enfant, veut accoucher en France et y rester quelques mois. Le père ne peut pas suivre car il travaille. Pour Riad, c’est une découverte. En France, il se sent plus libre. L’enseignante ne tape pas, il est écouté, on l’encourage… L’atmosphère est à l’opposé de celle de l’école en Syrie. À la maison, chez les grands-parents également.

Et puis, il y a le retour en Syrie, avec la circoncision, qui est un passage compliqué.

Avec beaucoup de justesse, de dérision, d’humour, Riad Sattouf transmet les remarques et les réflexions d’un petit garçon écartelé entre deux vies, deux cultures et qui ne sait plus trop ce qu’il doit choisir même si on sent de quel côté son cœur va pencher.

Intéressant par le contexte politique, culturel ; édifiant sur la place de la femme suivant où elle habite, sur la difficulté quotidienne dans le village syrien, captivant par les propos tenus, je vais continuer cette lecture !


"L'Arabe du futur - Tome 2 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1984-1985" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur - Tome 2 : Une jeunesse au Moyen-Orient, 1984-1985
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Allary (11 juin 2015)
ISBN : 978-2370730541
162 pages

Quatrième de couverture

Ce livre raconte l’histoire vraie d’un enfant blond et de sa famille dans ka Libye de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad.

Mon avis

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé le petit Riad, il a six ans.

Son papa veut rester près de sa mère malade et toute la famille est en Syrie

C’est là que Riad fait sa première rentrée scolaire, avec un cartable en carton qui supporte mal la pluie. En classe, c’est l’endoctrinement, avec l’enseignante qui frappe et ne cherche pas à comprendre.

Sa maman, française, souffre du manque de modernité, pas de lave-linge etc…

Alors quand elle a l’occasion de partir en France avec ses enfants (Riad a un petit frère), elle y va et les vacances sont magiques, merveilleuses. Riad réalise, même s’il est jeune, que la vie entre les deux pays n’a rien à voir. Le gouffre est immense entre les magasins, les conditions de vie, le quotidien….

En Syrie, lorsque le père accepte de prendre quelques jours de congés, il râle, il compte ses sous, l’ambiance est pesante….

Jamais l’auteur ne critique, il pose des faits sans les commenter, nous montre ce qu’il a vécu sans se plaindre, en faisant des constats.  Je trouve que c’est une bonne chose car il n’y a pas de polémique.

Je vais maintenant me plonger dans le tome 3!

"Les yeux fermés" d'Edurne Portela (Los ojos cerrados)

 

Les yeux fermés (Los ojos cerrados)
Auteur : Edurne Portela
Traduit de l’espagnol par Marianne Millon
Éditions : Liana levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909889
178 pages

Quatrième de couverture

Pueblo Chico est un petit village de montagne apparemment paisible où vivent désormais quelques vieillards taiseux. De prime abord rien ne laisse penser que ce silence recouvre secrets et désirs de vengeance, et le couple venu de la ville pour y passer une année ne le soupçonne pas. Pourtant Ariadna, qui a choisi ce lieu parce que son père y est né, sent bien que quelque chose est tapi au bord de la sierra…

Mon avis

La sierra dévore les gens.

Ariadna et Son compagnon Eloy s’installent pour un an, à Pueblo Chico, un petit village de montagne espagnol. Il a gardé son appartement en ville, au cas où. Et ils sont tous les deux en télétravail. C’est un lieu sans commerce, quelques camions passent pour approvisionner en pain, fruits, légumes etc. Les habitants sont plutôt âgés et taiseux. Ariadna sait que son père est né là mais comme il était orphelin, elle ne connaît pas grand-chose de son histoire. On la suit dans son quotidien pas toujours simple, fait de rencontres avec, entre autres, Pedro, un vieil homme du coin bien mystérieux, perdu dans ses souvenirs.

Elle réalise qu’il est le lien, entre les paroles confuses et égarées de son père avant sa mort et les vivants de ce lieu qui en savent sans doute plus sur sa famille qu’elle-même.

Quand on la laisse, on part dans le passé, d’une part Pedro partage ses ressentis, parfois un peu bizarres, et d’autre part un narrateur présente quelques douloureux événements. Dès le début, on s’interroge, qu’a vu, entendu, vécu, Pédro enfant pour être maintenant hanté au point d’en perdre ou presque, la raison ? Il erre dans un espace intermédiaire, son corps est ici et maintenant, mais ses pensées sont loin, perdues aux confins de ce qui l’a bouleversé. Il n’a plus que sa douleur et il se souvient, il imagine son père, sa mère …

« Il ne lui reste pas de mots de consolation, de mensonges salvateurs, mais les mots d’amour restés endormis pendant les années en montagne, loin d’elle, et qui se réveillent maintenant, inutiles. »

Le récit est fragmenté, on va, on vient mais on ne se mélange jamais. Peu à peu, se dessinent les raisons de la venue d’Ariadna. Pas des raisons officielles, mais indirectement, pour faire le deuil de son père, une nécessité d’un retour aux sources, à la source. A-t-elle seulement envisagé que ce serait, peut-être, douloureux, difficile, de lever le voile sur tout ce qu’on lui a tu ? Je ne pense pas, elle avance pas à pas, jour après jour, apprivoise ceux qu’elle croise, pas forcément pour les faire parler mais pour, sans le conscientiser vraiment, connaître le passé de cette bourgade.

Le lecteur voit que Pedro a été perturbé par des faits qui l’ont marqué à vie, au fer rouge. Il n’est pas fou, mais habité par certaines visions d’horreur de cette guerre civile espagnole qui a fait des ravages. Même les « yeux fermés », les réminiscences et les images défilent. Et il n’est pas le seul, je ne suis pas certaine que les voisins aient mieux vécu tout ça…. Preuve s’il en est besoin, que les cruautés de la guerre détruisent tout sur leur passage.

Y-a-t-il, même des années après, moyen de vivre en paix avec ce qu’on a appris ? Que fera Ariadna de ce qu’elle découvre, de ce qu’elle suppose, de ce qu’elle analyse ? Où est la place du pardon ? Et celle de la vie qui continue ?

Edurne Portela nous offre un texte fort, avec des protagonistes aux personnalités troubles, oscillant entre sincérité, non-dits, mensonges … Son écriture ciselée, son style puissant et porteur de sens, la construction de son roman, tout nous embarque au cœur de la vie de Pueblo Chico, au plus près de ceux qui ont subi le pire avant de se relever avec plus ou moins de difficultés et de souffrances cachées …. Un opus très réussi !

"Irina Nikolaevna" de Paola Capriolo (Irina Nikolaevna o l’arte del romanzo)

 

Irina Nikolaevna (Irina Nikolaevna o l’arte del romanzo)
Auteur : Paola Capriolo
Traduit de l’italien par Audrey Richaud
Éditions : Liana Levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909933
274 pages

Quatrième de couverture

Un après-midi de septembre 1881, à San Remo, une jeune fille parcourt l’allée qui mène à la villa de Lady Brown, veuve d’un entrepreneur méritant devenu Sir tardivement. Celle-ci recherche une dame de compagnie et Irina Nikolaevna aimerait occuper ce poste. Elle se présente donc en soulignant que, malgré ses nobles origines, elle n’est que la fille illégitime d’un boyard russe. Éblouie par les élégantes manières de la postulante la Lady l’accueille sans hésitation. Désormais, et pendant plus de vingt ans, les deux femmes vont s’inscrire dans la vie étincelante de la Riviera italienne.

Mon avis

Quelle tâche ardue que de chroniquer ce roman délicieux sans l’abîmer tant il est délicat, exquis. Je voudrais, comme l’auteur l’a fait elle-même dans ce récit, trouver les mots à la mesure des émotions ressenties pendant cette lecture. Une lecture, toute en retenue. On rentre sur la pointe des pieds et on ressort de même. Comme si on ne voulait pas déranger ce lien exceptionnel qui se tisse, sous nos yeux, entre ces deux femmes, tellement différentes.

On accompagne, tout au long des deux-cent soixante dix pages, une relation improbable entre Lady Brown, une anglaise, veuve, installée sur la Riviera, et la dame de compagnie qu’elle a choisie. Une jeune femme, se présentant comme la fille illégitime d’un boyard russe, qui a vécu dans le luxe mais ne le peut plus…. Pourquoi l’a-t-elle élue, elle, et pas une autre ? Peut-être parce qu’elle est auréolée d’une part de mystère, se disant obligée de s’éloigner du faste auquel elle est habituée pour des raisons assez obscures qu’elle ne dévoile pas …. Toujours est-il qu’elle l’embauche et que nous allons suivre ces deux femmes pendant vingt ans de 1881 au début du nouveau siècle.

Irina, si toutefois c’est bien son nom, est en deçà et en delà, mystérieuse, d’une intelligente hors norme, caméléon, dotée d’un sens accru de l’observation, s’adaptant avec une facilité déconcertante, non seulement à sa patronne, mais aux voisins, à ce que lui offre la vie. Ils seront plusieurs à essayer de mieux la connaître mais elle répond d’une pirouette et personne ne va plus loin. Elle a une façon innée de nouer des liens, même avec des gens importants, un baron allemand, monsieur Nobel en personne. Veut-elle obtenir quelque chose d’eux ou est-ce simplement de la politesse, de l’intérêt ? Personne ne le sait, ni eux, ni la Lady et encore moins le lecteur (et dirait le narrateur : est-ce que ça le regarde ?).

Pourtant Lady Brown s’interroge, suppose, émet des hypothèses mais elle n’obtient rien d’Irina et elle n’est pas sans avoir compris que si elle insiste, sa compagne disparaitra… et elle lui est devenue indispensable. Pour les conversations, les échanges, le partage, tout en raffinement, respect et écoute.

Finalement, ce personnage assez secret, chacun se l’approprie, bien qu’elle soit totalement imprévisible. Elle le dit, elle a appris les bonnes manières dans les livres (c’est une grande lectrice, c’est sans doute notre seule certitude) mais le reste ?

L’histoire se déroule à Sanremo, où les riches s’installent près de la mer pour respirer le bon air. On se reçoit pour le thé, on discute de tout et de rien, surtout de rien, d’ailleurs… C’est la fin de la Belle-Époque. Les deux comparses, installées elles à demeure, observent ce qui se passe chez les voisins, les allées et venues, les visiteurs plus ou moins énigmatiques…. C’est calme mais parfois un événement bouscule tout.

« Il se passe quelque chose dont ni Lady Brown ni Irina Nikolaevna n’avait jamais fait l’expérience : une danse rythmée, frénétique, convulsive, diabolique, transforme soudainement les murs et le sol en des surfaces élastiques, et dès lors, se propage telle une épidémie foudroyante qui touche tous les meubles robustes de style Chippendale, les saisit, les contraint de se joindre à la ronde en les poussant au centre de la pièce, tout à coup affranchis des lois de la pesanteur. »

Un tremblement de terre et tout est transformé…

J’ai été comblée, conquise, charmée par ce livre dès les premières lignes. J’ai énormément apprécié la description de l’atmosphère, des lieux, des rapports entre les uns et les autres. Moi qui veux toujours tout savoir, tout comprendre, j’ai trouvé très bien de n’avoir que des sous-entendus larvés, aucune certitude, hormis une légère rougeur sur les joues d’Irina (rougeur qui n’est en rien une conviction, je le sais). De plus Paola Capriolo tisse son texte avec des repères historiques réels bien introduits et qui apportent un éclairage intéressant et même un peu de piment (je pense aux rencontres avec Monsieur Nobel) à l’ensemble.

Merci à la traductrice qui a su transcrire cette écriture raffiné, poétique, parfois un tantinet surannée mais absolument enchanteresse.

"Pardon la vie si j'ai survécu" de Christine Chancel

 

Pardon la vie si j’ai survécu
Auteur : Christine Chancel
Éditions : Le Moulin du Gué-Chaumeix (15 Mai 2005)
ISBN : 9782951688193
138 pages

Quatrième de couverture

Des deux premières années de ma vie, je ne sais rien ou presque : « j’ai failli mourir » .
Enfant, je suis déjà une adulte en réduction : je ne dois rien laisser paraître de mes joies ou de mes peines. « Ce n’est pas bien, c’est agaçant ».
Les silences font partie de mon langage. Trop jeune je comprends intellectuellement l’étendue et la complexité du monde « des grands ».

Mon avis

Martine est née en 1949, c’est elle qui se raconte dans ce roman en quatre parties. Son enfance, son adolescence et deux rencontres déterminantes à l’âge adulte.

Une écriture fluide et un regard acéré sur l’existence, sur le quotidien d’une petite fille pas forcément bien accompagnée par des parents maladroits. Quand on dit que l’enfance détermine la suite de la vie, il y a certainement du vrai. Comment se faire confiance, avoir une image positive de soi-même lorsque vous êtes sans cesse dénigré ou rabaissé ? C’est ce qui lui arrive. Ce qu’elle fait ne semble jamais satisfaire sa mère, elle trouve toujours à redire, à critiquer.

Alors Martine s’accroche, elle a, heureusement, une super grand-mère, un parrain exceptionnel et une volonté à toute épreuve. Mais parfois ce n’est pas suffisant. Il lui arrive de faire les mauvais choix pour fuir cette famille étouffante. Que ce soit avec son solex, ou plus tard avec sa petite voiture, elle cherche à vivre sa vie, à se libérer des entraves que lui imposent ses parents.

Je me suis demandée si ces derniers n’avaient pas un peu peur de cette jeune femme que devenait leur fille, une jeune femme qui leur échappait, qui osait…. C’était sans doute difficile pour eux de voir son envie de s’émanciper avec des décisions différentes de ce qu’ils pensaient. Dans les années 60-70, le dialogue n’était pas toujours présent dans les familles et ça n’aidait pas ….

J’ai eu de la peine pour Martine, j’aurais voulu qu’elle trouve la « clé » pour établir de saines discussions avec ses géniteurs, qu’elle soit considérée, comprise ….

On réalise que les choses ont évolué et qu’il y a du mieux maintenant. Sans doute que Martine dérangeait par trop de vivacité, trop d’envie d’indépendance…. Les générations précédentes avaient obéi et filé droit, pourquoi était-elle si différente ?

C’est un récit plaisant où l’on découvre l’évolution d’une fillette au fil des ans, au fil du temps, avec ce qui construit chaque personne : les joies, les peines, les obstacles de la vie, les personnes qui aident quelles que soient les difficultés sans tenir compte du jugement des autres …..

C’est une histoire comme on peut en connaître, où les personnages avancent pas à pas, chacun avec leurs caractères, leurs souhaits d’avenir. Martine se bat avec ses moyens, mais elle ne lâche jamais. Elle a une belle personnalité et quand on ferme la dernière page, on espère pour elle le meilleur…..


"La montagne de la mort" de Douglas Preston & Lincoln Child (Dead Mountain)

 

La montagne de la mort (Dead Mountain)
Auteurs : Douglas Preston & Lincoln Child
Traduit de l’américain par Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (7 Novembre 2024)
ISBN : 978-2809849639
418 pages

Quatrième de couverture

En 2008, neuf alpinistes ne sont jamais revenus d'une expédition dans le Nouveau-Mexique. Les recherches menées aux abords de leur campement ont montré qu'ils ont été contraints de fuir une menace terrifiante, certains à peine vêtus alors que le blizzard faisait rage. Seuls six corps ont été retrouvés, et l'affaire de la Montagne de la mort n'a jamais été résolue. Quinze ans plus tard, la découverte de deux nouveaux cadavres permet la réouverture du dossier. Corrie Swanson, jeune agente du FBI, fait équipe avec l'archéologue Nora Kelly pour enquêter sur ce qui s'est réellement passé – et retrouver la neuvième victime.

Mon avis

Lorsque je découvre un roman écrit par Douglas Preston et Lincoln Child, je sais que la lecture va être plaisante, prenante et agréable de par le contenu addictif. De plus, la traduction de Sebastian Danchin est toujours impeccable et de qualité. Ce roman ne déroge pas à la règle, il est parfait tant par le fond que la forme. En outre, les deux auteurs présentent en dernière page, la source de leur inspiration et c’est intéressant. Cela devrait être fait plus souvent, ça permet de comprendre la démarche des écrivains.

C’est avec bonheur que j’ai retrouvé Corrie, jeune recrue du FBI. Elle n’est pas encore « formatée », elle a gardé sa fraîcheur, son désir de bien faire et surtout le souhait d’aller jusqu’au bout quand on lui donne une affaire à résoudre. Cette fois-ci, deux jeunes plutôt alcoolisés et un peu drogués, ont eu un accident avec leur voiture. Perdus au milieu de nulle part, en panne, la neige arrivant, ils cherchent un abri pour la nuit. C’est dans une grotte qu’ils finissent par s’endormir, difficilement, car ils ont trouvé des restes humains. Cela va relancer une enquête datant de quinze ans en arrière. De jeunes étudiants partis en expédition et pas tous rentrés…

Comme il y a également des cadavres d’ancêtres Pueblos, Nora Kelly, archéologue de renom, va venir sur place. Elle a déjà travaillé avec Corrie, elles s’entendent bien et vont pouvoir s’entraider face à ces morts, certains très anciens et d’autres un peu plus récents. Rapidement, Corrie, qui a un tuteur car elle débute dans ses fonctions, sent qu’on lui cache des éléments et que ses investigations dérangent. Les conditions de décès des disparus de 2008 lui semblent suspectes et elle veut comprendre. Opiniâtre, sérieuse, méticuleuse, capable de prendre des risques pour arriver à ses fins, observant, déduisant, ne lâchant rien, Corrie cherche encore et encore ! Mais plusieurs personnes lui mettent des bâtons dans les roues….

J’ai vraiment apprécié cette nouvelle aventure, la façon dont Preston et Child se sont appropriés des éléments réels, découverts un peu par hasard pour en faire une belle histoire. Ce qui est particulièrement réussi, c’est qu’on accroche tout de suite, on est au cœur de l’intrigue, ça bouge, il y a du rythme, des rebondissements, de l’action, des dialogues vifs. Les événements du passé sont bien expliqués et montrent une réelle réflexion tant pour les rédacteurs que pour le lecteur. Et si ça se produisait ?

C’est le genre de livre qu’on commence et qu’on continue sans pause. Les protagonistes m’ont semblé bien crédibles. Le fait que le frère de Nora ait des ennuis en parallèle de tout ce qu’elle doit gérer, montre bien que le quotidien n’est pas forcément facile.

Je n’ai, bien entendu, pas vu le temps passer, je tournais les pages, je voulais savoir et surtout comprendre. Parce que ce n’est pas lisse, les faits antérieurs ont une répercussion dans le présent et les interrogations qui nous interpellent ont besoin de réponse. On ne s’ennuie pas une seconde !

Une belle réussite et une série à ne pas perdre de vue !

"Criminel Show" de Jérôme Sublon

 

Criminel show
Auteur : Jérôme Sublon
Éditions : du Caïman (3 Octobre 2024)
ISBN : 978-2493739193
242 pages

Quatrième de couverture

Une série d'infanticides suscite effroi et colère. Et l’horreur atteint son comble lorsque des séries de photos relatant ces meurtres sont mises en ligne. Il est alors fait appel à la commissaire Aglaé Boulu, que l’on retrouve pour la sixième fois dans un roman de Jérôme Sublon. Parallèlement à cette histoire, une équipe de télévision a décidé de monter une nouvelle émission, « Criminel show », mettant en scène des criminels condamnés et incarcérés, afin de revenir sur leurs crimes, leur arrestation et leurs conditions de détention.

Mon avis

The Show Must Go On …

Timothée a onze ans et ce qu’il aime, c’est courir. Il s’entraîne vers les falaises, pas loin d’Étretat. Il aspire à faire un morceau du mythique marathon de la baie St Michel. Il est appliqué, calcule son souffle, sa foulée, dose son effort. Quand il revient vers ses parents, ses yeux pétillent, il est heureux !

Un jour, après un entraînement, il ne rentre pas, il ne reviendra plus jamais. Il a été trouvé mort au bas des falaises. Sa mère le dit immédiatement, il n’a pas pu se suicider ! Les policiers, eux, s’interrogent mais très rapidement ils sont mis en face de la vérité : l’adolescent a été assassiné et son meurtrier a mis en scène son acte odieux. C’est l’horreur absolue. Comment peut-on oser jouer avec la vie des gens ? Et si ce n’était pas un acte isolé … Il faut donc arrêter le tueur au plus vite, l’empêcher de récidiver.  C’est un esprit pervers qui n’est guidé que par le fait de faire parler de lui et de choquer… Un peu comme si à travers ses crimes, il se mettait en scène, même si on ne le voit pas.

Dans la seconde partie du livre, en parallèle de l’enquête qui continue, on assiste à une émission, en direct, « Criminel Show » où sont reçus, avec l’accord des autorités, des criminels. Ils viennent parler de leur parcours, de leur arrestation, de leur vie en prison. On découvre un premier homme, froid, sans empathie, capable de présenter sans aucune émotion son quotidien en cellule. L’animatrice met le paquet pour non seulement intéresser les téléspectateurs mais aussi pour leur offrir du grandiose, du démesuré. L’audience, toujours l’audience, peu importe ce qui se dit, l’essentiel ce sont les points d’audimat n’est-ce pas ? Le succès avant tout !

C’est la commissaire Aglaé Boulu qui mène les investigations. Elle veut résoudre l’affaire, arrêter cet homme qui s’en prend à des enfants innocents. Elle est concentrée, observatrice, elle met sa vie entre parenthèses alors qu’elle a pas mal de choses à gérer. Elle ne lâchera rien. C’est une femme droite, opiniâtre.

Dans ce roman, Jérôme Sublon nous rappelle plusieurs choses. La fascination de certains hommes pour des dérives qui les font vibrer, qu’ils assimilent à de l’art. Le poids et l’influence des médias, influence parfois néfaste quand elle manipule les esprits car on peut le dire, l’écrire, celui qui conduit les débats peut glisser des suggestions et ainsi modifier l’opinion de certains. On le sait, quelques-uns sont prêts à tout (et surtout à faire n’importe quoi) pour qu’on parle d’eux et quelque part, ça fait peur …Jusqu’où l’homme peut-il aller pour se retrouver sur le devant de la scène ? J’en ai des frissons … car je pense que ce qui est évoqué dans ce recueil est affolant et la folie des hommes a-t-elle une limite ?  

L’écriture est vive, fluide avec de nombreux dialogues. Il n’y a pas de temps mort. On est pris dans cette course contre la montre et on veut savoir. Les personnages sont bien décrits : attachants, ambigus, détestables, il y a de tout !

Une lecture marquante !

"Jusqu'au bout du chemin" de Ludivine Delaune

 

Jusqu’au bout du chemin
Auteur : Ludivine Delaune
Éditions : L’Archipel (31 Octobre 2024)
ISBN : 978-2809851007
418 pages

Quatrième de couverture

Manon, la trentaine, a fait le choix d'accompagner des gens en fin de vie. Mais pourquoi un tel choix ? Ne serait-ce pas un moyen pour elle d'oublier sa propre existence et de mettre de côté ses problèmes au lieu de les affronter ? Chaque vie est unique, parsemée de petits bonheurs malgré les difficultés. Telle est la philosophie de Manon Roussel, accompagnatrice de fin de vie. Ses patients lui confient leurs plus beaux souvenirs et les épreuves dont ils se sont relevés. C'est pour ces récits et pour récolter la confiance des derniers instants qu'elle a choisi ce métier.

Mon avis

Nous avons tous une vie à mener, des combats à choisir et des victoires à remporter.

Manon a trente ans, elle vit seule à proximité de sa grand-mère qui commence à perdre le fil du temps et sa mémoire. Elle est très attachée à elle car cette dernière l’a élevée, aussi elle ne souhaite pas la placer en institution. Elle essaie de mettre en place des garde fous afin de veiller sur elle le mieux possible. Ce n’est pas toujours simple, voire très douloureux lorsque sa mamie ne la reconnaît pas mais elle tient bon. En parallèle, elle est accompagnatrice de fin de vie. Un métier qui n’a rien d’évident mais qu’elle aime.

La plupart du temps, ce sont les familles qui signent un contrat avec elle. Son rôle ? Passer du temps avec les malades, les écouter, échanger, les aider. Elle est une présence extérieure, attentive, délicate et surtout « neutre » par rapports aux conflits familiaux qui peuvent être évoqués.

Pourquoi a-t-elle choisi cette activité professionnelle ? C’est lourd car les personnes à qui elle se consacre meurent et la séparation est dure à vivre. Cherche-t-elle à « réparer » quelque chose ? Elle n’a pas de compagnon, pas d’enfants, peu de famille, quel a été son cheminement ?

Je me suis vite attachée à cette jeune femme, forte et fragile à la fois, pleine d’empathie, ne prenant pas de temps pour elle afin de ne jamais lâcher les autres. Heureusement, il y a sa copine Élise qui apporte de la fantaisie dans son quotidien, qui la secoue de temps à autre en lui rappelant qu’il ne faut pas s’oublier. Mais elle agit ainsi pour se protéger comme si un trop plein d’émotions allait la noyer.

Dans ce roman nous suivons Manon et ceux qu’elle côtoie chaque jour, que ce soit dans le cadre de son travail ou de sa vie personnelle. Nous apprenons à la connaître, à lire entre les lignes, entre les phrases qu’elle prononce, ce qu’elle ressent vraiment. Elle n’ose pas s’exprimer mais elle pense à ce qu’elle pourrait dire.

« J’essaye de faire de mon mieux, de me sentir utile, d’apporter un peu de soutien à ceux qui en ont besoin. Et je tente d’oublier mon histoire en écoutant celle des autres. »

Qu’a subi et vécu cette femme pour se comporter ainsi ? Quelles sont ses souffrances secrètes ? Acceptera-t-elle les mains tendues, le partage ou restera-t-elle sur la réserve ?

Ce récit nous montre le cheminement de chacun des principaux personnages, c’est intéressant de voir ce qui peut les aider à évoluer, ce qui les touche ou leur fait peur.  Malgré des passages plus tristes, tout est empreint de tendresse et c’est une belle histoire de vie.

L’écriture fluide et agréable de Ludivine Delaune fait la part belle aux sentiments. Il y a de belles réflexions sur les êtres humains, sur la place de la famille, le poids du passé, les non-dits qui empoisonnent, les secrets qui finissent par être connus…. J’ai beaucoup apprécié cette lecture.


"Perdre la tête" de Heather O'Neill (When We Lost Our Heads)

 

Perdre la tête (When We Lost Our Heads)
Auteur : Heather O’Neill
Traduit de l’anglais (Canada) par Dominique Fortier
Éditions : Les Escales (11 Avril 2024)
ISBN : 978-2365698160
460 pages

Quatrième de couverture

Montréal, 1873. Quand Marie, enfant lumineuse et gâtée, rencontre Sadie, fillette sombre et rusée, leurs vies basculent. Elles se lient d'une amitié fusionnelle, entre attirance et compétition. De défi en provocation, leurs jeux deviennent si dangereux qu'un jour, les adultes décident de les séparer.

Mon avis

Montréal 1873, Marie est la fille d’un homme riche, veuf et coureur de jupons. Elle est très gâtée, sans doute trop et a une vision du monde où tout est dû à la petite fille qu’elle est. C’est elle qui règne au niveau des jeunes de son âge, personne ne lui résiste. Et puis Sadie apparaît. Et c’est le début d’une amitié faite d’une fascination intense, pas toujours de bon aloi.

La première aime la lumière, la seconde préfère l’ombre et a un côté morbide, parfois un peu pervers. Les deux sont attirées par une forme de pouvoir, par les jeux dangereux, les risques … Elles se sentent invincibles et n’ont pas une bonne influence l’une sur l’autre. Elles finiront par être séparées et passeront plusieurs années sans se voir, ni se donner de nouvelles.

On suivra leur évolution, bien différente car leurs quotidiens n’ont aucun point commun. Chacune grandit mais ce qui les unit sans qu’elles le sachent, c’est d’une part qu’elles ne s’oublient pas mais surtout le fait qu’elles soient capables de mépris et d’actes immoraux, sans mauvaise conscience ou presque.

 Elles n’ont pas des personnalités ordinaires, elles se démarquent par leur façon de faire ou d’être, par leur caractère et par leurs idées parfois en marge d’une certaine normalité. Elles mettent presque le lecteur mal à l’aise à cause de leur attitude …

Elles finiront, à l’âge adulte par se retrouver. Je serai tentée d’écrire pour le meilleur mais surtout le pire. Rien ne les arrête … elles n’ont pas froid aux yeux.

C’est un roman qui aborde de nombreux thèmes. L’amour, les amitiés troubles, la vie au 19 -ème siècle au Canada avec la place des femmes dans la société, la vie des ouvriers et des riches patrons, les conditions de travail pour les adultes et les enfants, le mensonge, les jeux de pouvoir, le jeu de manipulation lorsqu’une personne veut arriver à ses fins, le sexe avec ce qui semble dans la norme ou pas, ce qu’on peut taire ou dire, voire écrire …

Ce livre explore tout ça, il est foisonnant. L’auteur a une écriture (merci à la traductrice) prenante, vive. Elle décrit bien les événements, les pensées et ressentis de ses personnages.

J'ai trouvé ce récit intéressant et original au niveau des rebondissements. Ce qui m’a manqué, c’est d’avoir de l’empathie pour un ou une des protagonistes. Aucun ne m’a donné envie de le prendre par la main et de l’accompagner. Je les ai regardés de loin sans m’attacher.


"Pour nous" de Christian Pernoud

 

Pour nous
Auteur : Christian Pernoud
Éditions : Taurnada (3 Octobre 2024)
ISBN : 978-2372581370
280 pages

Quatrième de couverture

Matthew écrit des scénarios à New York. Andrea skie en Californie. Ils se rencontrent sur un trottoir de Manhattan et le coup de foudre est immédiat. De cet amour naît Fanny. Alors pourquoi, à son retour de la maternité, Matthew saute-t-il du quinzième étage de son appartement ? Quel secret emporte-t-il avec lui ?

Mon avis

Matthew habite New York, son quotidien c’est une vie à cent à l’heure. Avec son ami Larry, ils écrivent des scénarios. Ils ont rencontré le succès et on peut dire que tout roule pour eux. De l’argent, un bel appartement … Ils n’ont pas besoin de compter, les revenus sont réguliers, ils se sont faits une place au soleil de la grosse pomme.

Mais depuis quelque temps, Larry ne va pas bien. Il finit par abandonner la collaboration et disparaît après avoir laissé un message énigmatique à son copain de toujours. Matthew n’y comprend rien, leur affaire tournait à merveille et il est inquiet. Seul, pourra-t-il assumer les demandes des professionnels ? Ce qui faisait leur force, c’était leur association. Très anxieux, il se questionne beaucoup. Pourquoi son pote a disparu, que cachait-il ? Avait-il peur ? Si oui, de qui, de quoi ?

Heureusement, Andrea est entrée dans sa vie. Elle connaît à peine New-York et n’a pas forcément envie d’y vivre. Elle préfère le ski et les grands espaces. Tout le contraire de Matthew qui réside en ville. Pourtant ces deux là tombent sous le charme l’un de l’autre ! Amoureux, ils s’installent à New-York mais partent régulièrement vers les parents d’Andrea pour se ressourcer en pleine nature. Andrea en a besoin, elle est enceinte. C’est au cours d’un de leur voyage qu’ils remarquent des choses bizarres et commencent à s’interroger.

Quelques mois plus tard, une petite Fanny naît et Matthew se suicide. Pourquoi a-t-il fait ça ? Qu’est-ce qui lui a pris ? A-t-il caché des événements graves à sa compagne ? Y-a-t-il un lien avec ce qu’ils avaient observé ?

C’est un récit prenant, addictif, qui se lit vite. On a envie de savoir, alors on tourne les pages. On frissonne, on se dit « et si c’était vrai ? ». J’ai particulièrement apprécié le thème mis en exergue qui ne peut que nous questionner.  L’auteur nous offre un texte bien écrit. C’est fluide, les dialogues sont vivants, et les rebondissements maintiennent notre intérêt. Il y a de l’amour, du mystère et en filigrane, une réflexion sur l’avenir. J’ai trouvé ça plutôt bien amené et bien pensé.

J’ai également aimé que certains faits se déroulent dans l’ombre, on essaie de comprendre, de ne pas être manipulé, de rester attentif au moindre indice mais il y a toujours un élément qui nous échappe ou qu’on n’interprète pas comme il le faudrait. Et après, on se dit « Mais c’est bien sûr ! »

Ce roman regroupe plusieurs genres, entre amour et pages plutôt tranquilles, thriller avec la peur au ventre et même légère dystopie. Le lecteur est bousculé dans le bon sens et c’est ce que je recherche dans mes lectures !


"Impact" de Gilles Rochier & Deloupy

 

Impact
Auteurs : Gilles Rochier (texte) & Deloupy (dessin)
Éditions : Casterman (14 Avril 2021)
ISBN : 978-2203047976
104 pages

Quatrième de couverture

Âgé d'une quarantaine d'années, Dany vit en marge de la société. Aux prises avec la justice, abimé par un trauma qu'il cache, il se voit obligé d'aller consulter une psychanalyste... Jean est un ouvrier à la retraire. Il vit dans un Ephad et se sait condamné par la maladie. Lui aussi va raconter son histoire...

Mon avis

Dans cet album magnifique, deux histoires se télescopent. Celle de Dany, qui a vécu un traumatisme avec des copains lorsqu’il était jeune homme. Depuis il est toujours resté un peu en marge. Il consulte une psychanalyste pour essayer d’évacuer son mal-être en revenant sur son passé.

Dans un Ephad, c’est Jean qui partage ses souvenirs avec un ami. Ouvrier syndicalisé, il a été de toutes les luttes, et ce n’était pas toujours simple…Il s’est parfois retrouvé face au chantage de ses supérieurs. Lui aussi, a vécu des événements qui le hantent.

On passe d’un personnage à l’autre, on se demande si quelque chose les relie, ce qu’ils peuvent avoir en commun. L’histoire se tisse, les récits s’interpellent, se répondent aussi. Les dialogues et les images offrent un regard sur une partie de la société, celle des cabossés de la vie.

C’est triste, limite dramatique, mais tellement émouvant !

J’ai eu la chance d’acheter Impact et de parler avec Deloupy, le dessinateur. Je lui ai demandé comment il mettait ses dessins au service du texte. Pour ce titre, Gilles Rochier lui a confié les deux histoires et ensuite, c’est lui qui les a « mises en scène », décidant de l’agencement des pages permettant de passer d’un personnage à l’autre. Il montrait régulièrement ses planches au scénariste, tout en restant libre dans son art.

Je suis totalement admirative et fan de ces croquis expressifs qui donnent vie aux individus, qui transmettent leurs ressentis par une position, un regard… Les couleurs ne prennent jamais le dessus, elles accompagnent et c’est bien.

J’ai beaucoup apprécié « Impact ». Avec des gens ordinaires, des faits simples qui dégénèrent sous l’effet de groupe ou parce qu’on les gère mal, une vie peut être transformée, bouleversée, impactée ….

Cette bande dessinée est particulièrement réussie, tant sur le fond que la forme !