L’instant d’après (Anything You Do Say)
Auteur : Gillian McAllister
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Caroline Nicolas
Éditions : Sonatine (4 Septembre 2025)
ISBN : 978-2383992554
432 pages
Quatrième de couverture
Mon avis
C’est le soir, tard, elle a eu peur, elle pense bien que c’est
celui qui l’a harcelée tout à l’heure, au bar. Alors, elle l’a poussée, un peu,
pour s’en débarrasser, pour ne plus avoir de boule au ventre, pour continuer sa
route sans avoir l’angoisse qui va crescendo. Il est mal tombé. Il est là,
couché par terre, sans bouger, mais il respire. Il est sans doute blessé. Il
fait nuit, personne aux alentours. Que faire ? S’enfuir, rentrer à la
maison, personne ne saura de toute façon… Ou appeler les secours, expliquer,
être crue ou pas…. Elle ne sait pas que décider Joanna, elle pense à Reuben,
celui qu’elle aime et qui l’attend. Il en penserait quoi ? Elle hésite,
partir ou prendre son téléphone ? Quel que soit son choix, rien ne sera
plus pareil parce qu’elle devra assumer sa décision et vivre avec.
Dans cet excellent roman, Gillian McAllister alterne les
chapitres « se taire » et « avouer » pour évoquer avec
beaucoup d’intelligence les deux possibilités et leurs conséquences. C’est
Joanna qui raconte et le lecteur se sent complètement imprégné de ses
ressentis, de ses émotions, de ce qu’elle fait. La culpabilité l’envahit, la
ronge, sa vie est bouleversée, ses rapports aux autres également. Avec
infiniment de doigté, l’autrice, qui ne pose aucun jugement, nous montre l’évolution
de la personnalité de Joanna dans les deux cas, les dégâts que cet accident
engendre, les dommages collatéraux, son désir d’évitement parfois…
Si une situation m’a semblé un peu tirée par les cheveux (la
rencontre à la bibliothèque), l’ensemble est très juste, très bien écrit, exploité
et exploré avec discernement. Se taire, c’est mentir. Il est probablement
arrivé qu’on mente, pour des choses moins graves mais en gardant l’obsession de
ce non-dit et en lisant ce livre, des souvenirs remonteront …. Le côté
psychologique est développé avec pertinence. On pourrait imaginer que ce récit
va générer pas mal de répétitions mais il n’en est rien. Tout est parfaitement
dosé.
J’ai eu beaucoup d’empathie pour Joanna et Reuben, son conjoint.
J’ai bien senti que tout cela les déstabilisait (et comme je les comprends),
que le dialogue était compliqué, qu’ils étaient, l’un et l’autre, démunis face
à la souffrance de l’autre. On ne peut jamais « se mettre à la place de »
donc forcément, ça ne simplifie pas les relations.
C’est une lecture prenante car on se demande sans cesse comment la situation va évoluer, édifiante car on se pose la question de savoir comment, nous, on aurait réagi. L’écriture est fluide (merci à la traductrice) et j’ai vraiment passé un bon moment malgré la gravité des événements.