"Noire campagne" de Patrick S. Vast

 

Noire campagne
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Le Chat Moiré (10 Novembre 2021)
ISBN : 978-2956188353
273 pages

Quatrième de couverture

Gérald Régnier se met au service d’Alexandre Montjeune, maire de Seclemars, afin de profiter de l’influence que peut encore exercer l’élu à la longue carrière politique pour servir ses ambitions personnelles. Mais les sollicitations du groupe Deroulin qui souhaiterait installer une zone commerciale d’envergure sur le territoire de la commune vont chambouler les projets du jeune Gérald et l’entraîner dans des péripéties qu’il n’avait pas prévues.

Mon avis

C’est le 2 Mars 2020, en pleine épidémie de COVID 19 et quelques mois avant les élections municipales en France que commence ce récit. Alexandre Montjeune est maire de Seclemars et il entend bien briguer un nouveau mandat. Il semble être apprécié de tous et mène sa magistrature correctement. De quoi être réélu sans difficulté…du moins c’est ce qu’il imagine.

Deux ans auparavant, il a embauché Gérald Régnier, un homme jeune dégourdi et ambitieux à qui il a confié une mission de recherches pour le pôle culturel qu’il souhaite installer dans sa ville. Ce monsieur ne plaît pas trop à son épouse qui s’interroge sur ses motivations mais le maire décide de passer outre et reste fidèle à sa décision.

Le même Gérald est approché par le groupe Deroulin, qui ne parle pas de culture mais de commerces. Depuis quelque temps, cet ensemble dynamique, costaud et fort harcèle l’édile pour implanter une grande zone commerciale. Alexandre Montjeune, fidèle à ses administrés et à sa ville refuse pour garantir la survie des petits commerces du bourg. Mais la famille Deroulin a les dents longues et vas essayer de s’approprier les faveurs de Régnier. De plus, le groupe se servant d’informations détournées, puis grossies, a pour but final de détruire la carrière politique du bourgmestre et de placer dans le fauteuil vide une personne de chez eux, leur nouveau poulain.

Ce roman commence par des funérailles, le lecteur sait donc rapidement que quelqu’un est mort sans en connaître les raisons. Ils sont tous autour du cercueil, dans l’église, et le maire va repartir dans ses souvenirs. La célébration restera un fil conducteur, permettant de présenter quelques personnages et de faire des retours en arrière pour voir à quel point et dans quelle mesure certains présents dans l’édifice étaient impliqués. Cette construction m’a paru tout à fait pertinente et intéressante.

Patrick S. Vast présente un contexte très réaliste avec des individus comme on en voit tous les jours. Les traits de caractère sont marqués mais pas caricaturaux, on reste dans ce qu’est un homme ou une femme : quelqu’un qui peut changer d’avis en fonction des circonstances, qui a des forces mais également des faiblesses. Il nous rappelle qu’un mauvais choix, une erreur, peuvent nous entraîner bien plus loin qu’on le voudrait.

L’écriture est fluide, les situations exposées réellement travaillées pour être crédibles et bien insérées dans le quotidien des protagonistes, qu’ils soient maire, époux ou épouse, adjoint, chef ou simple quidam…. On s’aperçoit que quelques-uns sont prêts à tout pour satisfaire leurs ambitions et que d’autres, au contraire, finissent par être rattrapés par la moralité….

Lutte de pouvoirs, malversations, abus de confiance, politique manipulée et désenchantée, l’auteur signe là un livre remarquablement bien construit, captivant, ancré au cœur de l’actualité et sans fausse note.


"Elyette (Margo)" de Thomas Martinetti

 

Elyette (Margo)
Auteur : Thomas Martinetti
Éditions : Kindle (13 Novembre 2021)
ISBN : 978B09LTBPXYX
43 pages

Quatrième de couverture

Elyette est née dans les vignes de Bourgogne. Effacée derrière ses deux sœurs, elle a dû attendre le grand amour pour briller enfin. Mais Elyette réalise trop tard que l’homme qu’elle a épousé a pris le contrôle de sa vie. Sa famille et le domaine lui échappent déjà. Quelle issue lui reste-t-il ?

Mon avis

En lien avec son roman:

Margo

Thomas Martinetti explore dans une nouvelle d’une quarantaine de pages la vie d’Elyette.
Elyette ne connaît pas Margo et elle ne l’a jamais rencontrée. Pourtant leurs vies sont imbriquées, ce que fait l’une peut rejaillir sur l’autre.

Malgré tout, il est important de le préciser, les deux histoires peuvent être lues séparément.

J’ai retrouvé l’écriture vive et dynamique de l’auteur. On entre tout de suite dans le quotidien d’Elyette, une jeune femme effacée dans une famille où le travail du vignoble est l’essentiel. Elle « tient moins de place que ses sœurs » et rêve de trouver l’Amour avec un grand A pour s’émanciper un peu, vivre sa vie.

Et la voilà, la rencontre, celle qu’elle attendait, qui bouleverse son quotidien, enfin un homme l’aime…

Mais ça c’est en surface, que se passe-t-il réellement dans l’intimité ?

En quelques pages, Thomas Martinetti, nous montre l’influence insidieuse, le mal-être de l’une, la toute puissance de l’autre et les apparences si trompeuses….

J’ai beaucoup aimé cette nouvelle, au ton juste et bien écrite.


"Derbyrama - Football, amours et querelles" de Cyril Collot & Sébastien Vuagnat

 

Derbyrama
Football, amours et querelles
Auteurs : Cyril Collot & Sébastien Vuagnat
Éditions : du Volcan (21 septembre 2021)
ISBN : 979-1097339319
242 pages

Quatrième de couverture

En matière de rivalité entre deux clubs, il n'y a pas mieux en France ! Le derby entre l'Olympique Lyonnais et l'AS Saint-Étienne est emblématique et raconte à lui seul l'histoire de deux villes, de deux clubs et de deux publics que tout oppose. Cyril Collot et Sébastien Vuagnat explorent l'incroyable richesse de ce duel qui passionne les foules depuis soixante-dix ans :  les souvenirs, les récits, les paroles, les exploits et même les rêveries.

Mon avis

Une soirée, que les autres, ailleurs, ne peuvent pas comprendre.

C’est en écoutant le match Troyes-Saint-Etienne que j’écris mon avis. Alors, inutile sans doute, de dire de quel côté penche mon cœur lors des derbys contre Lyon.

Je n’étais qu’une petite fille lorsque je suis allée à Geoffroy Guichard la première fois. La passion s’est installée et ne m’a pas quittée. Je suis chaque match de mes joueurs préférés, je leur demande de « mouiller le maillot », « d’aller au charbon », « de se battre pour nos couleurs » parce qu’il s’agit bien de ça, de dire « nous » et parfois « eux » quand ils perdent trop, certains supporters se désolidarisant de l’équipe, devenue des « chèvres » mais je m’égare….

Dans ce livre, les deux auteurs réunissent des souvenirs, des anecdotes, des extraits d’interviews, des clins d’œil, des rêves …. Cela commence dans les années 50 pour finir dans le présent. J’ai retrouvé certaines choses que m’ont racontées mes parents, d’autres que j’ai vécues (ah le but de Béric, le centième derby qu’on a gagné….)

Ils montrent bien qu’une rencontre comme celle-ci, ce n’est pas que quatre-vingt-dix minutes. Il y a les jours qui précèdent avec la pression qui monte (pour peu qu’au travail, on ait un collègue qui supporte l’autre camp), le jour J où certains font l’autruche, s’enfermant au cinéma pour ne pas « voir ça », d’autres serrant les poings, en tribune ou devant la télévision, et puis l’après match où on revit tout avec des si, des oui mais (du style, bon d’accord on a perdu mais si vous avez gagné c’est un holdup up ou « on a perdu mais quand même on n’a pas été ridicules… »…) Bref, on refait le match et les conversations vont bon train. Pour peu qu’on ait gagné, on n’a plus beaucoup de voix et pas du tout sommeil !

C’est un recueil à lire tranquillement, qu’on soit d’un camp ou d’un autre, car à chacun ses heures de gloire. J’ai particulièrement apprécié le choix de tout ce qui a été évoqué, ce sont des événements marquants, parfois amusants (Bereta qui mange une carotte), d’autres plus graves comme des blessures, des bagarres, des agressions, importantes et désolantes. Les extraits sélectionnés sont variés, présentés en quelques pages et on peut en relire quelques-uns pour les savourer. L’ensemble est très équilibré et prouve que chaque club a sa place avec ses hauts, ses bas, ses grands hommes. C’est vrai qu’une rencontre entre Roger Rocher et Jean-Michel Aulas aurait été haute en couleurs, mais elle ne se fera que dans les rêves….

L’écriture de Cyril Collot et Sébastien Vuagnat est vive, pétillante, allant à l’essentiel, capant, en quelques mots, une atmosphère, un fait, un individu…

J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture qui va faire le tour de la famille avant de rejoindre le coin consacré aux verts dans ma bibliothèque.


"Les yeux d'Iris" de Magali Collet

 

Les yeux d’Iris
Auteur : Magali Collet
Éditions : Taurnada (4 Novembre 2021)
ISBN : 978-2-37258-094-6
256 pages

Quatrième de couverture

Un meurtre et un suicide.
Trois hommes. Trois femmes.
Des retrouvailles.
Un pacte.
Tout se paye, même l'amitié.

Mon avis

Il est des amitiés tellement fortes qu’on est prêt à tout ou presque pour ceux qu’on aime. Alors on fait des pactes, souvent dans le feu de l’action, sans savoir vraiment où cela nous mènera…

Lorsque Julie a souffert, vivant une situation innommable et terrible, ses amis ont été là, présents, discrets, à l’écoute. Ils ont promis de l’aider à se venger. Le temps a passé. Pour elle, le traumatisme est resté, pour les autres, pris dans l’engrenage du quotidien, ils ont avancé dans la vie. Célibataires, en couple, ou parents, chacun s’est construit, tant bien que mal, avec ses failles, ses peurs, ses faiblesses, ses forces, ses secrets. Morgane qui a eu, elle aussi, sa dose de souffrance, a préféré partir à l’étranger comme s’il était plus facile d’oublier en mettant de la distance. Oublier ? Tout le monde sait que c’est impossible, voire carrément inenvisageable.

Alors, lorsque des années plus tard, Julie appelle et dit que le moment de tenir les promesses est arrivé, chacun se rend au rendez-vous. Si longtemps après que reste-t-il de l’accord passé entre eux ? Sont-ils capables d’agir quitte à remettre en cause l’équilibre, fragile pour certains, de leur vie ? Jusqu’où peuvent-ils aller ?

Dans son nouveau thriller, Magali Collet aborde des thèmes graves : le suicide, l’influence des « amis », la volonté de dominer pour certaines personnes, la dépression, le rôle et la place de chacun dans un couple, les liens entre frère et sœur, entre collègues…. Il est parfois si difficile de faire la part des choses, de dire non au bon moment, d’oser d’affirmer, de ne pas « se perdre » en croyant qu’on n’a pas le choix, de rester droit dans ses idées pour continuer à s’aimer….

Un des personnages de cette histoire a vécu un événement traumatisant et son accompagnement après les faits a été délicat. L’auteur souligne là quelque chose de primordial, la libération de la parole, et en parallèle l’écoute qui doit en être faite pour que la personne touchée ne culpabilise pas et se sente vivante, comprise et soutenue.

L’auteur nous fait pénétrer dans le présent des protagonistes, nous présentant chaque individu (ils sont six) en quelques lignes, on a déjà une idée assez précise de ce qu’ils sont. Puis quelques passages en italiques nous renvoient dans le passé et enfin, les liens entre eux se dévoilent et le lecteur cerne très vite que ça va être compliqué car, avec le recul, les choix ne sont plus les mêmes….

L’auteur a attaqué un sujet fort, prenant, avec des scènes noires, violentes, elle a pris le parti de rester plus dans l’action que dans l’analyse des émotions des uns et des autres. On ne peut pas fermer les yeux ni se boucher les oreilles alors on prend tout en pleine face. On réalise que l’atmosphère est bizarre, emplie de non-dits, de mensonges peut-être. On sent que ça va se fissurer et craquer mais on ne sait pas comment. Les dégâts seront-ils irrémédiables ? Qui sortira de tout cela brisé, blessé ou « réparé » ? Y-a-t-il une justice ? Comment doit se manifester celle des hommes face à la vengeance ?

C’est un récit prenant, sombre, presque en huis clos car il y a peu de personnages et peu de lieux. On frissonne, on serre les poings, on craint le pire, on est pris dans le contexte, apeuré par le contenu et on ne lâche pas la lecture jusqu’à la dernière page.


"Pour seul pardon" de Thierry Brun

 

Pour seul pardon
Auteur : Thierry Brun
Éditions : Jigal (25 Septembre 2021)
ISBN : 978-2377221318
200 pages

Quatrième de couverture

Thomas Asano a trouvé refuge dans une petite ville nichée au pied des Vosges. Ici, la vie y est âpre. Homme à tout faire, il a la réputation d’être travailleur et bon chasseur. Il est surtout décidé à se faire oublier : il a connu Sarajevo et la prison. En liberté conditionnelle, c’est un homme brisé par la culpabilité qui tente de se reconstruire. Pourtant, le passé d’Asano le rattrape. Cet homme simple et discret n’a désormais plus le choix. Il redevient ce qu’il n’a cessé d’être : un homme de guerre.

Mon avis

Le coin est un peu perdu mais c’est voulu, Thomas Asano ne cherche pas la compagnie, il n’a pas envie qu’on s’occupe trop de lui, il préfère se faire oublier. Alors dans les Vosges, au milieu de nulle part, il se fait transparent. Il loue ses services, c’est un bosseur, un bon chasseur aussi, « braconneur » à ses heures. En liberté conditionnelle, il se tient droit, calme, prend sur lui quand ça bout à l’intérieur. Il pense à celle qu’il a aimée et se rapproche d’une autre, la fille de son patron. Il a connu le pire Asano, la guerre, la prison, l’arme à la main, les poings serrés, quel que soit le lieu, il a fallu qu’il se batte, qu’il s’en sorte … seul…
La violence, il a donné, il n’en veut plus, c’est fini tout ça !

Pourtant, il va être obligé de repartir et retrouver ses vieux démons. La faute à pas de chance. Son boss entre en possession d’un chargement de cocaïne qui ne lui était, bien sûr, pas destiné. Il le garde alors qu’il ne pourra pas le revendre …. Rapidement, de grosses voitures apparaissent, semblant chercher quelque chose… Thomas comprend vite qu’elles sont conduites par des malfrats qui ont eu vent de la récupération du colis et qui veulent rétablir l’équilibre en le reprenant. Il sera difficile pour Asano de se tenir loin de tout ça, surtout si la belle Élise est en danger. Pourra-t-il gérer et ne pas être impliqué ?

Il connaît les méthodes des hommes de main, il connaît la forêt et la nature aux alentours, il peut se cacher, ruser, essayer de minimiser les dégâts… essayer seulement parce qu’en face, on ne s’embarrasse pas de politesse, on ne prend pas de gants, on fonce dans le tas sans réfléchir, sans parlementer, sans affect….

C’est un roman âpre, dur, aux phrases courtes qui cognent, qui font mouche. Il n’y a pas d’indice temporel. On découvre la Vie d’Asano par bribes. Ce n’est pas linéaire, passé et présent se mêlent, les rêves également…

Il fait froid, humide, le décor est sombre, on est pessimiste devant tout ce noir et pourtant une certaine forme d’humanité, portée par Asano, se glisse entre les pages. Il redevient un guerrier, parce qu’il n’a pas le choix …. Il sait les risques qu’il prend et même s’il veut éviter certaines situations, il ne peut pas et doit se mettre en danger mais il le fait par amour et cela le rend terriblement humain. L’amour qu’il porte à la vie, aux femmes …..

Avec son récit, Thierry Brun nous rappelle combien il est difficile de revenir de « l’enfer », celui qui vous colle à la peau, qui envahit votre esprit, qui vous nargue, vous tue à petit feu malgré votre lutte pour vivre….


"L'acacia" de Claude Simon

 

L’acacia
Auteur : Claude Simon
Éditions de Minuit (1 septembre 1989)
ISBN : 978-2707312969
384 pages

Quatrième de couverture

Ce roman couvre une immense plage d'espace et de temps : de Madagascar jusqu'en Belgique et d'Espagne jusqu'à Moscou, un siècle entier. Mais l'acacia centenaire qui lui donne son nom se dresse, lui, dans le jardin d'une vieille demeure du midi de la France.

Mon avis

Ayant lu ce livre à sa sortie, je l'ai laissé bien en vue dans ma bibliothèque toutes ces dernières années, me disant que j'étais, sans doute, passée à côté de quelque chose et qu'il faudrait une relecture.

Je crois qu'il va encore attendre ... longtemps ...

Je me souviens d'un livre qui m'avait paru sans vie, sans tonalité, comme monocorde. J'avais l'impression que ce type d'écriture allait bien avec certaines situations évoquées mais pas du tout avec d'autres ...

Et cet acacia ! J’en attendais plus ...


"L’été de Katya" de Trevanian (The Summer of Katya)

 

L’été de Katya (The Summer of Katya)
Auteur : Trevanian
Traduit de l’américain par Emmanuelle de Lesseps (traduction révisée par Marc Boulet)
Éditions : Gallmeister (Totem) (3 Juin 2021)
ISBN : 978-2-35178-782-3
290 pages

Quatrième de couverture

À l’été́ 1914, Jean-Marc Montjean, jeune médecin tout juste diplômé́, revient s’installer à Salies, petit village du Pays basque dont il est originaire. Rapidement, il est appelé́ à soigner Paul Treville dont la jolie sœur jumelle, Katya, l’intrigue de plus en plus. Bien accueilli chez les Treville, le jeune homme devient un ami de la famille, qu’il fréquente assidûment en dépit d’une certaine ambigüité́ dans leurs relations. Et même s’il devine derrière leur hospitalité́ et leurs bonnes manières un lourd et douloureux secret, il ne peut s’empêcher de tomber éperdument amoureux de Katya, quelles qu’en soient les conséquences.

Mon avis

Ce roman a été écrit en 1983 par Trevanian, auteur américain mystérieux à l’œuvre prolixe et variée. Il a publié de nombreux livres, pas toujours sous le même nom, et ce n’est que très tard qu’on a su qui il était réellement. Autant dire qu’il ne cherchait pas la gloire ni la rencontre avec ses lecteurs ! Il est décédé en 2005.

Le récit commence en 1938, vingt-quatre après les faits, le docteur Jean-Marc Montjean se souvient de l’été 1914. Jeune médecin, il est venu s’installer dans le pays basque et assiste le Docteur Gros dans de multiples tâches. Les patients sont un peu suspicieux face au jeunot mais il n’est pas débordé de travail et fait ce qu’il faut lorsqu’on lui demande ou lorsque son collègue est absent. C’est suffisant. Malgré tout, il a du temps libre et se promène dans le village de Salies dont il est originaire, notant sur un cahier ses impressions. Il aime les mots, se plaisant à penser aux réparties qu’il sortira face à telle ou telle question …

C’est alors qu’il se prélasse sous un arbre, son carnet sur les genoux qu’une jeune femme l’interpelle. Il fait alors la connaissance de Katya qui lui demande de venir soigner son frère Paul. C’est ainsi qu’il pénètre dans l’intimité de la famille de Tréville. Le père et les deux enfants (la mère est décédée) semblent avoir des choses à cacher mais Jean-Marc n’en a cure, il tombe sous le charme de Katya. Pourtant, il comprend rapidement que les gens du coin jasent sur cette famille. En effet, les Tréville, arrivés de Paris, sont un scandale pour cette petite communauté basque. Pourquoi sont-ils là ?

Le docteur Montjean passe du temps avec les trois membres de la famille, thés, petits soupers, conversations diverses… Il réalise que chacun a un comportement bizarre, le père semble perdu dans ses livres, recherches, notes, conclusions de lectures …. Le frère étouffe sa sœur avec une autorité trop importante et se montre totalement changeant, pouvant être sympathique ou carrément désagréable …. Katya, elle parle de coin hanté dans la maison qu’ils ont louée… Le jeune amoureux n’est pas toujours à l’aise mais il persiste et signe….

Il y a une magnifique atmosphère dans ce recueil. La légèreté de l’été, le soleil qui réchauffe les âmes et les corps, les robes blanches de Katya qui illuminent le tout et en contraste une lourdeur qui pointe, pour deux raisons, on sent qu’avec les Tréville, un « dérapage » peut arriver d’un moment à l’autre et en plus, on sait que la guerre n’est pas loin.

L’écriture (merci à la traductrice et au traducteur) n’est pas désuète, elle est racée, élégante, porteuse de sens. Elle vous envoûte comme ce presque huis clos (il y a peu de personnages et de lieux) qui nous entraîne dans les tréfonds de l’âme humaine.

J’ai aimé l’approche psychologique pas à pas des différents personnages, le suspense présent tout au long du récit et l’étude de cette société bien-pensante, vite dérangée par « ces gens » qui ne se mêlent pas à eux, qui ne sont pas de leur milieu, qui font tache, qui surprennent, qui posent question…. Ce qui est absolument réussi, c’est qu’il ne se passe presque rien mais on est à fond dans l’histoire et on ne peut pas la lâcher.

Coup de cœur et un auteur que je relirai !


"Fureur" de Chochana Boukhobza

 

Fureur
Auteur : Chochana Boukhobza
Éditions : Denoël (5 Janvier 2012)
ISBN : 978-2207111987
410 pages

Quatrième de couverture 

 Ils s'appellent Jacques, Alexis, Fanny, Stéphane, Francis... Malgré leur grand âge, ils aiment rire, boire et danser. Chaque semaine, dans un café parisien, ils se retrouvent pour évoquer les années noires de la guerre. Tous ont pris les armes dans le maquis, tous ont résisté très jeunes et dès la première heure. Tous sauf Saintonges, le sulfureux Saintonges, dont les secrets, en remontant au grand jour, vont libérer leur puissance néfaste.

La mort de Francis Delorme met le feu aux poudres. Son petit-fils doute qu'elle soit accidentelle. Il demande une enquête discrète à un ami d'enfance qui va, sans le vouloir, déchaîner des forces obscures.
Un fil souterrain relie la Seconde Guerre mondiale aux événements contemporains. Comme en 1943, quelques individus ont le pouvoir de détruire ou de sauver l'humanité. Et comme aux heures les plus sombres, ceux qui s'engagent dans un combat désespéré rencontrent l'amour sur leur chemin.
De la Résistance au péril nucléaire, Chochana Boukhobza puise dans des sources historiques la matière de son roman. Autour de la mémoire perdue et de sa résurgence, autour d'une fureur qui ne s'apaise jamais, une œuvre haletante et traversée par le souffle de l'Histoire.

Mon avis 

« Tous les trajets, tous les itinéraires, tous les mouvements sont la vie. La seule distance à parcourir est la vie, et elle seulement. »

Dans son nouveau roman, Chochana Boukhobza nous emmène à la suite d’un groupe d’hommes et femme âgés ayant vécu la Résistance, celle qui mérite un  grand R car ils sont nombreux à avoir risqué ou donné leur vie pour que la liberté ne soit pas un mot mort dans le dictionnaire.

La fureur de vivre, le combat pour la vie, les ont habités, il y a longtemps mais tout cela hante leurs nuits, leur esprit et inlassablement reviennent les questions de savoir s’ils ont fait les bons choix.

Tous sont différents, issus de milieux distincts mais soudés par une réelle volonté d’avancer, de vivre, ici et maintenant ….

A-t-il eu raison celui qui a abandonné son compagnon blessé pour se sauver et ainsi continuer la lutte ?

A-t-il eu raison celui qui a pris un parti plutôt qu’un autre ?

A-t-il eu raison celui qui s’est tu, celui qui a parlé ?

Chacun des « anciens » porte en lui une part d’ombre, des épisodes douloureux qu’il préfère taire, qu’il essaie d’oublier en les mettant au fond de sa poche avec son mouchoir par dessus …

Mais je ne vous apprends rien …

Le passé nous rattrape toujours … et il se charge de se rappeler à nous … pas toujours de façon douce … 

La vie tranquille (en apparence ?) des vétérans va être perturbée puis bouleversée pour certains …La mort frappe, injuste …

Un jeune homme, Jo, va se retrouver à mener l’enquête …

Lorsqu’il s’agit de lui, l’auteur dit « je » et se met « dans la peau » de ce tout jeune homme.

Le vocabulaire s’adapte alors au personnage.

Le récit alterne donc de la troisième personne à la première, passant presque d’un « milieu » à un autre mais on s’apercevra bien vite que tout est lié, relié ….

L’écriture fluide, virevoltante de Chochana Boukhobza est un plaisir pour le lecteur. Les décors sont plantés, les personnages installés petit à petit sous les yeux comme un film avec une succession d’images, de scènes, soigneusement orchestrée. Inutile de prendre des notes, tout s’enchaîne d’une façon limpide et vous souhaitez ne jamais refermer le livre tant ses protagonistes sont présents en vous.

De plus, l’auteur a réussi avec brio, un exercice éminemment difficile. À savoir glisser de ci, de là, des références historiques, des événements vraisemblables, d’autres totalement véridiques (Je pense notamment, moi qui ai lu ses « Mémoires », au passage sur Andreï Sakharov) … sans jamais que ces éléments ne semblent « plaqués », posés là, sans lien avec le reste. Au contraire, la documentation est parfaitement insérée au roman, faisant partie intégrante de l’intrigue et apportant des connaissances solides sur tout ce qui est évoqué.

On sent que l’auteur a pris la peine de faire des recherches, de se documenter pour faire de cet opus un ouvrage abouti qui porte aussi en lui un message fort pour l’avenir de l’homme face à l’utilisation du nucléaire ….

Une fois encore, Chochana Boukhobza a su me prendre par la main, par le cœur, m’entraînant à la suite de ces personnages … Avec son texte, elle a su m’émouvoir, me transportant de pages en pages jusqu’au moment où il a fallu se résigner à les quitter …. jusqu’au prochain roman ….

 


"Sous les étoiles" de Chochana Boukhobza

 

Sous les étoiles
Auteur: Chochana  Boukhobza
Éditions: Seuil (7 janvier 2002)
ISBN: 9
78-2020313919
370 pages

Quatrième de couverture

Par testament, le richissime et mystérieux Maurice Chauvet a contraint ses enfants à résoudre une énigme, faute de quoi sa fortune leur échapperait. A ses yeux, Patrick et Nicolas, ses fils, sont des ratés. Quant à Adrienne, jeune peintre de talent, sa vie tumultueuse l'a éloignée de son père. Après la mort du magnat, pourquoi Adrienne décide-t-elle soudain de relever le défi alors que l'argent ne l'intéresse pas ?

Mon avis

«Lire est une passion dévorante ou une habitude banale.»

«Mes prières n’ont pas le pouvoir de guérir, ta science n’a pas le pouvoir de mettre fin aux carnages.»


« Sous les étoiles» … Quel beau titre pour la passionnée d’astronomie que je suis …
Une première partie, introduite par une phrase de Paul Eluard, mon poète préféré, fallait-il y voir un autre signe?

Des signes, il en sera question dans ce livre ou régulièrement la science va être confrontée aux écrits évoqués dans la religion juive.
Chochana Boukhobza est un auteur israélien ayant étudié les mathématiques … Elle a sans doute donné beaucoup d’elle dans ce roman où les questions fourmillent même si elles ne sont pas toujours clairement émises …

D’ailleurs dans les remerciements, en fin de livre, elle cite son grand-père, rabbin. Quel héritage lui a-t-il laissé ?

Il m’est difficile de parler de ce livre tant le contenu est dense.
La trame principale avec la recherche d’Adrienne s’efface derrière des sujets plus profonds me semble t-il.
Dans chacune des parties, on voit un fils ou une fille (Adrienne, David, Amina …) confrontés à des choix, ceux que la raison dicte, ceux que l’éducation conseille, ceux que le cœur propose …
Ils sont en conflit avec leur famille (conflit exprimé ou non). Quels sont les choix qui nous font vivre? Jusqu’où s’opposer à ce que les parents pensent être bon? N’ont-ils pas de par leur expérience, plus de recul, plus de sagesse? Oui, mais … pour s’accomplir et grandir, l’enfant ne doit-il pas faire ses choix quitte à se brûler le bout des ailes? On ne doit pas vivre sa vie par procuration, n’est ce pas ?

Face à ces situations, les mots de Khalil Gibran (poète libanais) me sont montés aux lèvres :

Vos enfants ne sont pas vos enfants.
Ils sont les fils et les filles de l’appel de la Vie à elle-même.
Ils viennent à travers vous mais non de vous.
…………..
Vous êtes les arcs par qui vos enfants, comme des flèches vivantes, sont projetés.


Alors s’est posée à moi la question de la limite du savoir ancestral, de la limite de la transmission de
« l’héritage » familial … Les pages 107 à 120 sont bouleversantes de ce point de vue.
David, le petit-fils du rabbi, le trouve lourd ce fardeau que son grand-père veut lui offrir parce qu’il sent, il sait qu’il est capable de le porter. Même loin des siens, lorsque David veut " penser par lui-même", tout cela reste présent : « Mais, inspiré par Yikov hadinet haehar, la Loi perce les montagnes, celui qui donne n’a rien perdu, il a décidé de partager sa bourse avec des copains démunis ».

Les parents, les grands-parents, les éducateurs, les enseignants … plantent ce qu’ils pensent être bien, être bon pour le jeune en devenir. Il faut alors accepter que les graines fleurissent ou pas, qu’elles subissent des mutations qui ne plaisent pas forcément, qu’elles aient besoin d’autre tuteur que le tuteur familial, qu’elles poussent de travers, tordues, avec des ramifications parfois … Nous sommes responsables du terreau mais pas de l’arrosage et du soleil …

Dans ce livre, j’ai ressenti (et cela reste mon opinion et n’engage que moi), comme une douleur sourde, une certaine révolte entre les lignes, des blessures qui n’étaient pas exprimées par des faits mais au travers de l’écriture et vécues par les personnages.

Parfois des références musicales sur ce qu’écoutent les personnages, c’est appréciable et cela nous met encore plus dans le roman.
Le trait d’union entre les époques, les lieux, avec les étoiles m’a fascinée. David est astronome, Monsieur Benbassar était en admiration devant le ciel, je m’appelle Cassiopée. La boucle est bouclée …

J’aurais beaucoup de questions à poser à Madame Boukhobza.

Comment a-t-elle choisi les citations qui introduisent chaque partie ? Et pourquoi ?
J’ai cherché…. L’une est d’un astronome mathématicien persan, l’autre extraite du « Cantique des Cantiques » (pour introduire les événements qui se déroulent à Jérusalem), une autre encore extraite du Zohar (un des ouvrages de la Kabbale juive) etc … Qu’est ce qui les relie ? Pourquoi ces choix ?

N’est-elle pas un peu de ce David qui se révolte face aux obligations « familiales»?
Ce qu’elle décrit de la religion juive, l’a telle vécu, lui a-t-on transmis ?

Ce livre est très bien écrit, on y rentre à peu feutrés, comme s’il n’y avait pas de place pour nous et puis, intéressés par ce qu’il se passe, on s’installe, on regarde, on écoute, on se tait, on vit avec les personnages et ils sont encore présents avec toutes les questions qu’ils ont soulevées une fois la dernière page fermée …

« L’homme n’est pas dans le temps, c’est le temps qui est dans l’homme, mes amis. »

"Ceux qui tombent" de Michael Connelly (The Drop)

 

Ceux qui tombent (The Drop)
Auteur : Michael Connelly
Traduit de l’anglais par Robert ¨Pépin
Éditions : Calmann-Levy (30 Avril 2014)
ISBN : 9782702141557
396 pages

Quatrième de couverture

Bosch vient de décrocher un sursis de trois ans avant d’être mis à la retraite d’office lorsqu’il se voit confier un cold case datant de 1989. Viol suivi de meurtre, ADN, antécédents judiciaires et profil psychologique, tout incrimine un certain Clayton Pell. Un suspect… qui n’aurait eu que huit ans au moment des faits. Erreur du labo ou faute impardonnable de deux inspecteurs ? Les conséquences de ce cafouillage s’annonçant monumentales, Bosch se met immédiatement au travail lorsqu’il est appelé sur une scène de crime. Un homme se serait jeté du septième étage du célèbre hôtel de Los Angeles, le Chateau Marmont. La victime, George Irving, est le fils d’un conseiller municipal très influent à L.A., un homme qui n’a jamais porté Bosch dans son coeur. Pourquoi exige-t-il que ce soit lui qui mène l’enquête ?

Mon avis

Un Harry comme on les aime….

Harry Bosh est un « vieux pote à moi ». On se connaît bien et je lui ai même pardonné les intrigues inégales (entre autres les neuf dragons) qu’il m’a servies. Mais point trop n’en faut, n’est ce pas ? Je préfère nettement quand il tient la route.

Je l’ai vu trop fumé, boire exagérément, draguer sans délicatesse, s’emporter sans réfléchir, parler trop vite….mais aussi, tomber aux trente sixièmes dessous, refuser les mains tendues, se torturer l’esprit…

Harry Bosh est maintenant chargé de famille, il a récupéré sa fille suite au décès de la mère de cette dernière. Il boit avec parcimonie, est proche de la retraite et a appris à (essayer de) tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Est-ce que c’est sa façon à lui de vieillir ?

Pour autant, il n’a rien perdu de sa verve, de sa combattivité, de son acuité (même si, régulièrement, il se remet en cause, ce qui en soit, à mon sens, est une bonne chose si on n’abuse pas), de sa volonté de résoudre les enquêtes qu’il doit mener, de faire tomber ceux qui font souffrir des innocents. Il ne supporte pas d’être manipulé, qu’on l’utilise. Il a parfois tort et a du mal à le reconnaître (comme beaucoup d’hommes, désolée messieurs, c’est souvent vrai) mais son caractère le rend attachant et dès que vous le rencontrez, il devient un familier.

Harry travaille avec un coéquipier David Chu. Ils doivent examiner deux situations délicates : un homme qui est tombé d’un balcon (suicide ou accident ?), fils d’un conseiller municipal, et un problème de viol remontant à plusieurs années. Les deux affaires vont être menées en parallèle. Les éléments découverts le sont petit à petit. On suit Bosh dans ses raisonnements, ses réflexions ; on écoute ses arguments, on observe ses déductions. On se sent vraiment partie prenante de ce qui se déroule sous nos yeux. De plus, contrairement à d’autres fois, les événements sont clairs, s’enchaînent sans qu’on se sente perdu. Pour autant, on n’est pas du tout dans une aventure simple et basique. C’est très intéressant de voir comment Harry affute son regard, 

Les questions vont être nombreuses, pourquoi le père du « sauteur » a –t-il exigé que Bosh couvre l’affaire ? Jusqu’à quel point les politiques et policiers sont-ils corrompus ? Pourquoi, pour le violeur, faut-il attendre vingt-cinq ans pour avoir un éclaircissement ? C’est quoi, cette justice américaine ? Jusqu’où la presse manipule-t-elle la vérité ?

À l’ère du numérique, Bosh reste fidèle à ce qu’il appelle « le livre du meurtre » : un gros classeur dans lequel il met ses différentes trouvailles, ses notes etc… Il est humain et entretient parfois des relations difficiles, sur le cordeau, avec ceux qui lui sont proches : son partenaire, sa fille, la femme qui fait battre son cœur, ses supérieurs… Il n’a pas toujours tort mais être sur la défensive et la réserve assez souvent génère de temps à autre des conversations tendues avec ceux qu’il côtoie. Il a du mal à se laisser aller, comme s’il avait en permanence le besoin de contrôler (ses émotions, son activité….) mais c’est pour ça qu’on l’aime et qu’on s’attache à ses pas ! D’autant plus que toujours, il reste droit dans ses bottes, en quête de vérité rejetant magouilles et influences.

On retrouve les qualités d’écriture de Michae lConnelly (il semblerait que cet ouvrage ait été écrit en 2011….) avec un style acéré, un vocabulaire adapté, des dialogues corrosifs où on lit avec bonheur un Harry sans langue de bois, écoutant (ainsi que sa fille) de la très bonne musique (Chet Baker et bien d’autres, que l’on peut mettre en fond à la lecture des pages). On a aussi la chance de suivre les pensées intimes des protagonistes. Premiers ou seconds rôles, tous sont parfaitement intégrés au roman, bien décrits et très réalistes.

"Va manger tes morts" de Pascal Martin

 

Va manger tes morts
Auteur : Pascal Martin
Éditions : Jigal (25 septembre 2021)
ISBN : 978-2377221387
232 pages

Quatrième de couverture

Elle s’appelle Romane, elle est Gitane. Dans cette brasserie parisienne, elle vient de flinguer un sale type d’une balle en pleine tête. Lui, c’est Rio, il venait juste de prendre sa défense face aux gifles de ce mec. C’est là qu’elle l’a pris en otage, enfin presque… Et que tout a commencé ! Il est enquêteur pour les assurances. Elle, elle se débrouille comme elle peut… Et plutôt bien. Mais quand le temps vire à l’orage, ils décident ensemble de décamper au plus vite…

Mon avis

Pascal Martin nous a quittés en Juillet 2020 et un peu plus d’un an après, en dernier héritage, les éditions Jigal publient son dernier titre.

« Va manger tes morts », ou plutôt « Va criave tes moulos », c’est l’insulte suprême chez les gitans et Romane, qui est une manouche, l’emploie souvent. Pas que cette expression d’ailleurs, tout son vocabulaire est émaillé de mots, de phrases qu’il faut traduire ou comprendre en fonction du contexte. Elle porte son origine et son phrasé comme un étendard, c’est comme ça, ça fait partie d’elle et c’est presqu’une fierté.

Rio Capo Ortega, est un enquêteur pour les assurances, il vérifie s’il n’y a pas tricherie ou mensonge et si le lésé a bien droit à des indemnités. Une vie rangée, assez morne mais qui lui convient.

Ces deux là vont se croiser, dans ce qu’on appelle une rencontre improbable car il n’y avait aucune raison pour qu’ils se côtoient. Oui mais voilà, dans un restaurant, Romane est giflée par un homme et Rio, impuissant, assiste à cette scène violente. Il prend sa défense et là, d’un coup, visant celui qui la frappait, elle lui tire une balle en pleine tête. Rio n’a pas le temps de se poser des questions, elle se sert de lui, et l’embarque dans sa fuite folle. Ils finissent chez lui car il habite dans le coin….

Que peut-il se passer quand une femme totalement imprévisible s’impose dans votre vie bien rangée ? Un feu d’artifice ! Et c’est exactement ce qui se passe dans ce roman. Ça part dans tous les sens. Et nous on les suit, on s’accroche à leur rêve de liberté, de vie, leur envie d’ailleurs….parce que très vite Rio se laisse prendre au piège d’un autre quotidien. Est-ce une bonne idée de partir avec une femme qui a tué un homme, une femme totalement insaisissable, caractérielle, voire dangereuse ?

A travers des personnages totalement hors normes, hors cadre, Pascal Martin bouscule les codes. Les dialogues sont épiques, les scènes audacieuses, l’intrigue pas très morale (mais ça nous va bien ;- )
Et puis des sujets douloureux sont évoqués, même s’ils ne sont pas approfondis, ils sont présents dans le récit.

C’est un recueil court, cadencé par les coups de gueule, les coups de folie, les coups de sang. On reprend à peine son souffle qu’un autre événement est là, modifiant la course poursuite. Romane a une formidable soif de vivre, elle aime la vie, veut profiter de chaque instant. Rio modifie son regard, elle lui déteint dessus ….

Ode à la vie, ce livre vibre et palpite, comme un cœur qui bat. Qui sait ? L’auteur, avant de tirer sa révérence, a peut-être laissé le sien entre les pages ?


"Un invincible été" de Catherine Bardon

 

Un invincible été
Auteur : Catherine Bardon
Éditions : Les Escales (8 Avril 2021)
ISBN : 978-2365695633
432 pages

Quatrième de couverture

Depuis son retour à Sosúa, en République dominicaine, Ruth se bat aux côtés d'Almah pour les siens et pour la mémoire de sa communauté, alors que les touristes commencent à déferler sur l'île.Gaya, sa fille, affirme son indépendance et part aux États-Unis, où Arturo et Nathan mènent leurs vies d'artistes. Comme sa mère, elle mène son propre combat à l'aune de ses passions.La tribu Rosenheck-Soteras a fait sienne la maxime de la poétesse Salomé Ureña : " C'est en continuant à nous battre pour créer le pays dont nous rêvons que nous ferons une patrie de la terre qui est sous nos pieds. " Mais l'histoire, comme toujours, les rattrapera.

Mon avis

Pour savoir qui on est, il faut savoir d’où on vient….

La saga familiale des Déracinés, cette famille juive envoyée en République Dominicaine, se termine avec ce quatrième roman qui couvre la période de 1980 à 2013. Trente ans de la vie des descendants des premiers arrivés sur une terre inconnue où tout était à construire.

Avec une plume toujours aussi belle et alerte, Catherine Bardon nous entraîne dans les bonheurs, les peurs, les soucis de chacun. Chaque personnage doit exister par lui-même, se faire une place au milieu de ceux qu’il côtoie. Et quand ceux qui vous précèdent ont de forte personnalité, il ne faut pas être transparent ! Il est alors nécessaire de s’affirmer en douceur, avec ses choix …. pas toujours simple lorsqu’on bouscule les codes.

A travers le quotidien de tous ceux que nous découvrons, nous revisitons également les événements de la période évoquée et pas seulement en République dominicaine car certains protagonistes vivent ailleurs. Ce sont parfois des faits marquants qui détruisent, bouleversent, aident à grandir, transforment profondément ceux qui les vivent.

J’ai une tendresse toute particulière pour Almah, mère, grand-mère etc… C’est une femme exceptionnelle, pétillante, surprenante, capable de fantaisie et de sagesse avec une personnalité tout simplement inoubliable. Elle dit : « Pour te débarrasser de ta haine, il faut accepter ton désespoir…. »

Le récit évolue au rythme de faits réels et d’autres romancés, tout est dosé à la perfection. Catherine Bardon a su conclure de façon magistrale sa série, on quitte le livre à regret tant on s’est attaché à toutes ceux qu’elle a présentés. Merci à elle pour avoir su me captiver une nouvelle fois.

NB : des poèmes, des musiques, des citations complètent le texte et sont très bien choisis.


"The Hunter" de Christelle Mercier

 

The Hunter
Auteur: Christelle Mercier
Éditions: Les deux encres (1er Septembre 2012)
ISBN: 978-2-35168-475-7
176 pages

Quatrième de couverture

Le corps d’une fillette de sept ans est retrouvé. Elle a été sauvagement assassinée et enterrée dans les sous-bois près de Fort Knox au Kentucky. Les sévices sont au comble de l’horreur : torturée, violée, brûlée sur certaines parties de son corps. Aaron Wilson, chargé de l’enquête, craint que ce crime soit les prémices d’une longue série. Récemment divorcé et père d’une petite fille du même âge, il va mener une traque de ce tueur sanguinaire dans une chasse à l’homme éprouvante sans se douter que la prochaine victime s’appelle Sydney. Sa chair, son sang, sa fille. Il devra assister au procès où la vérité des faits macabres sera dévoilée. Et vous, êtes-vous prêt à l’entendre ?

Mon avis

Petite, c’était «Le petit chaperon rouge», puis est venu le temps du «Club des cinq» et autres enquêtes …. Maintenant, ce sont les thrillers …. Se faire peur est-il un moyen de se rassurer ? Est-ce que si je le lis dans les livres, ça n’arrivera pas dans la vraie vie?….

Là n’est pas le propos …

«The Hunter» (Le chasseur) est le dernier livre de Christelle Mercier, correspondante de presse d’un journal local, qui depuis l’adolescence écrit, et étudie la psychologie des tueurs en série. Elle signe là, une œuvre surprenante.

En effet, dès les premières pages, on peut imaginer que l’on va se trouver face à un scénario classique: le tueur, les familles éplorées, les policiers et les difficultés habituelles pour démêler les fils de l’enquête …

Ce n’est pas seulement cela.

Déjà, la mise en place de l’intrigue est très bien amenée. On suit tour à tour plusieurs personnages et on ne voit pas forcément tout de suite ce qui va les relier.

Comme une chirurgienne, l’auteur découpe au scalpel chaque personnalité, pas forcément avec de grandes phrases psychologiques mais avec l’étude de chacun et une précision remarquable. Elle distille savamment des gestes anodins, des phrases échappées dans une conversation qui semblerait banale, des indices minimes qui font poser question sur le coup, et qu’on peut oublier à la page suivante tant l’histoire nous emmène ailleurs… avec tout cela, une ambiance s’installe, la peur monte en nous, insidieuse, l’angoisse nous prend à la gorge, c’est comme une course contre la montre dont on sait que la victoire sera très difficile …

Toute la première partie du livre: «La mort….» est consacrée à cet état des lieux, aux faits insoutenables, au désespoir sous-jacent en permanence, à la découverte des différents individus et de leur caractère (sans oublier leur part d’ombre….)

Il n’y a rien de pire que la mort, injuste, d’un enfant, alors quand un policier enquête pour que cela cesse et qu’il est lui-même touché au plus profond de son être, vous imaginez…. La culpabilité est là, celle qui ronge, celle qui hante l’homme, celle qui parfois vous aveugle tant elle vous obnubile ….

Puis arrive la seconde partie: «La vérité….». On assiste au procès, impuissant, avec la volonté de «rentrer» dans le livre et de dire ce qu’on sait alors qu’on ne peut pas …. C’est terrible car c’est frustrant, on a l’impression d’être complice, de laisser faire les choses, de se taire alors qu’on souhaiterait hurler ....

On écoute les descriptions lues devant les jurés, on pense aux victimes, aux familles….

«Rien n’efface les blessures, rien n’efface les images ancrées dans la mémoire. Elles sont vicieuses, répétitives, vous avez beau les chasser, elles se cramponnent à votre cerveau comme une sangsue, jusqu’à vous rendre fou.»

Mais aussi à celui qui est là dans l’ombre…..et on a froid, terriblement froid….

L’écriture de Christelle Mercier est précise, vivante, sans fioritures inutiles, les actes sordides sont là, les personnalités dangereuses envahissent notre quotidien tant le livre est présence ….

Les chapitres sont courts, rien n‘est «délayé», les pages s’enchaînent car on veut savoir, on veut que l’horreur cesse, que justice soit faite ….

Et cette fin, cette fin….Mon Dieu ! Comme un voile noir qui recouvre tout …. vous noyant dans le doute. La peur, occupant votre esprit  et vous posant question …. car jamais, jamais, vous ne saurez ….. ce qu’il adviendra de ces individus croisés le temps d’un roman mais que vous n’oublierez pas de sitôt….

NB: Après lecture, une seule solution : la méthode Coué, «Ceci est un roman, ceci est un roman…»

PS: Une mention particulière pour la couverture, sobre à souhaits mais si parlante ....


"L'inspectrice Harris est une connasse" d'Aloysius Wilde

 

L’inspectrice Harris est une connasse
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Chaka (14 juin 2021)
ISBN : 978-2957455829
224 pages

Quatrième de couverture

Tout commence par un meurtre violent en plein New York. L’impétueuse inspectrice Harris nous entraine dans les frasques de son enquête. Alicia est violente, imprévisible, voleuse. Elle mélange allégrement le professionnel et le privé et utilise les moyens du NYPD pour faire garder son fils de six mois. Ses investigations l’emmènent jusqu’en Inde où elle collabore avec son homologue Indienne en tout point son opposé. L’inspectrice Santali est travailleuse, déterminée et généreuse…

Mon avis

Un assassinat en plein New-York. Il faut une grande pointure au niveau police pour relever le défi de l’enquête. C’est Alicia Harris, une afro américaine, qui va s’en charger. Une enquêtrice hors normes. D’abord parce qu’elle promène son fils de six mois partout avec elle-même lorsqu’elle travaille. Ensuite parce qu’elle a un caractère qui est-disons-totalement surprenant. Imprévisible, sans filtre, soupe au lait à ses heures, changeante, elle triche, ment, manipule, n’hésite sur aucune turpitude pour arriver à ses fins. Et ça, c’est follement drôle ! Elle est loin des flics lisses et appliqués et encore plus loin des flics torturés avec une part d’ombre. Elle est brut de décoffrage, elle n’a pas la langue dans sa poche, elle ose, elle menace et elle réfléchit, l’air de rien.

Elle va être amenée à collaborer avec une inspectrice Indienne : Avali Santali. Les deux femmes n’ont aucun point commun. Elles ne travaillent pas de la même façon, n’ont pas la même vie…. Avali est sérieuse, posée, appliquée… Vous voyez le tableau ? Un feu follet incontrôlable qui doit collaborer avec un -presque-bloc de glace ? Inutile de préciser que ça risque d’être compliqué et tendu.

Mais c’est une bonne chose pour le lecteur car cela le met dans une ambiance détonante. Les romans d’Aloysius Wilde sont comme ça. Ils pétillent, décoiffent, scintillent.

L’écriture est virevoltante, endiablée, pleine d’humour. Il y a de nombreux dialogues, c’est un peu « la marque de fabrique » de l’auteur, il les affectionne.

C’est le genre de livre qui amuse, dont il ne faut pas abuser pour éviter toute lassitude. Et puis avec Aloysius, il y a toujours, dans ces récits, des allusions, des messages cachés et si on prend le temps de les chercher, c’est un plus. A qui ressemble ce personnage, que m’évoque cette situation, tiens, là, il nous rappelle que… Rien que pour ça, ce recueil vaut le détour.

Le titre m’avait un peu refroidie, je n’aime pas les « vilains » mots, alors c…. ;-(

Mais le contenu valait le détour et je ne regrette pas !


"Fermé pour l'hiver" de Jørn Lier Horst (Vinterstengt)

 

Fermé pour l’hiver (Vinterstengt)
Auteur : Jørn Lier Horst
Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier
Éditions : Gallimard (13 Avril 2017)
ISBN : 9782070148172
370 pages

Quatrième de couverture

Les chalets du comté de Vestfold, qui servent de résidence estivale aux Norvégiens aisés, sont fermés pour la morte saison, et ont été la cible d’une série de cambriolages… Lorsqu’un homme cagoulé est retrouvé assassiné dans le chalet d’un célèbre présentateur de télévision, William Wisting, inspecteur de la police criminelle de Larvik, une ville moyenne située à une centaine de kilomètres au sud-ouest d’Oslo, est chargé de l’enquête. Mais la disparition du corps avant son autopsie et l’incendie d’un appartement, détruisant des indices essentiels, risquent d'anéantir tous ses efforts.

Mon avis

Jørn Lier Horst est un ancien policier norvégien. Il situe son action près de la ville de Larvik, située à quelques cent kilomètres au Sud-Ouest d’Oslo. Les chalets du comté de Vesfold ont été fermés pour l’hiver, ils sont en bord de mer et peu utilisés à cette époque de l’année. Pourtant, ce soir-là, un homme se rend dans sa résidence. Il découvre qu’il a été cambriolé et en explorant les habitations voisines, pour voir s’il n’y a pas de dégâts, il se trouve nez à nez avec un cadavre cagoulé. Il appelle alors la police qui se rend rapidement sur les lieux. William Wisting et ses collègues sont chargés de l’enquête.

C’est dans la maison d’un célèbre présentateur de télévision que le mort est allongé. Un lien avec la vedette ou pas ? Très vite, les enquêteurs vont comprendre qu’au-delà des vols avec effraction, une autre affaire s’est déroulée le même soir au même endroit et cette dernière est beaucoup plus grave puisqu’elle semble mettre en cause un trafic de drogue et que le chéri de la fille de Wisting pourrait bien être impliqué….

Les investigations de Wisting vont l’emmener en Lituanie où le choc des cultures, du niveau de vie va être très rude. Il prend la pauvreté et une autre réalité de vie en pleine face.

« Nous avons le même soleil et la même lune en Norvège et en Lituanie. Nous vivons sur la même terre mais notre monde est divisé en deux. Nous, nous sommes pauvres. Vous, vous êtes riches. »

Ce roman est assez classique, une histoire linéaire où l’on suit les recherches, les entretiens, de Line, la journaliste et des policiers. Les faits sont recoupés, décortiqués pour mieux comprendre les événements et ceux qui sont impliqués.

L’écriture est très agréable, fluide, merci à la traductrice. Il y a peu de place pour le décor, ce qui refroidira ;- ) peut-être les amateurs de polars nordiques mais il y a malgré tout les lieux très typiques. Pour ma part, j’ai vraiment apprécié ce récit, les personnages m’ont paru intéressants sans être trop caricaturés. Le fait de passer d’un pays à l’autre est un plus. Un auteur que je retrouverai avec plaisir.