"Il est long le chemin du retour" d'Attica Locke (Guide Me Home)

 

Il est long le chemin du retour (Guide Me Home)
Auteur : Attica Locke
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Paul
Éditions : Liana Levi (27 Mars 2025)
ISBN : 979-1034910625
340 pages

Quatrième de couverture

Une étudiante noire a disparu, mais personne ne semble s’en inquiéter à part son ami sans papiers Rey – qui a retrouvé son t-shirt ensanglanté dans la forêt – et la femme de ménage de la sororité d’étudiantes blanches où elle vivait. Cette femme n’est autre que la mère de Darren Mathews : elle saisit l’occasion pour tenter de renouer avec son fils. Celui-ci accepte à reculons de se pencher sur la disparition de la jeune fille, formant avec sa mère un improbable duo d’enquêteurs. La disparition de Sera les entraîne d’abord sur la piste du harcèlement raciste, puis sur celle de l’entreprise qui emploie et loge la famille de la jeune fille : Thornhill.

Mon avis

Avant de dire quoi que ce soit sur ce roman, je tiens à saluer le courage dont fait preuve Attica Locke. Elle est née au Texas et dans ses écrits, elle s’interroge sur les tensions raciales dans le Sud des Etats-Unis (elle est bien placée pour en parler car elle a des origines africaines) et elle le fait avec brio mêlant fiction et réalité.

C’est le troisième titre qui est publié aux éditions Liana Levi. On y retrouve Darren Mathews, un Ranger noir (ce qui est rare, il faut le souligner), miné par une histoire personnelle difficile dès son enfance (il est en froid avec sa mère). Il a divorcé, il est maintenant amoureux de Randie mais il boit trop. Il se questionne sans cesse sur son rôle, se sentant écartelé entre la vérité du terrain et ce qu’a promis Trump (on est 2020, quatre ans après l’élection). Il est désappointé et sa fierté de faire ce métier a disparu. Le racisme latent, même envers lui qui représente l’autorité, le dérange. L’application disparate des lois le gêne, la suprématie blanche l’insupporte alors il a fini par démissionner.

Et voilà que celle qui l’a mis au monde débarque chez lui. Il n’a pas envie de lui parler mais elle l’interpelle. Elle fait le ménage dans une sororité où se côtoient des étudiantes venues de tous les milieux. Mais elle a le sentiment que l’une d’elles, Sera, a disparu. Elle est persuadée que ce n’était pas volontaire et qu’elle a sans doute été harcelée à cause de la couleur de sa peau. Darren s’en fiche, il n’a pas envie de se mêler de cette histoire et puis … Il y va et découvre des jeunes filles blanches qui le regardent de haut, méprisantes face à lui. Il ne veut pas en rester là et rend visite aux parents de cette élève. Ils habitent Thornhill. Une « cité » où ils sont logés, aidés par leurs patrons et où « tout va bien ».  Mais sous des dehors bien « policés », n’y-a-t-il pas anguille sous roche ? Se fiant à son instinct, l’ex fonctionnaire décide de creuser, de fouiner. Il est malgré tout sur la corde raide car il risque d’être jugé pour une ancienne affaire et il est « surveillé » de près.

Ce récit est exceptionnel, c’est pour moi le plus abouti des trois que j’ai lus. L’auteur ose parler politique, glisser des faits réels (les afro-américains ayant voté pour Trump, en lui faisant confiance avec ses beaux discours, qui sont déçus et ne le disent pas) dans un texte qui multiplie nos émotions. Elle est dure avec le gouvernement, elle ne mâche pas ses mots, elle a les yeux ouverts et ouvre les nôtres.

« Or, un charlatan talentueux avait pris le volant, et atteint la Maison-Blanche. On racontait qu’il avait prononcé plus de dix mille mensonges depuis qu’il avait prêté serment, et enfreint un nombre incalculable de lois. »

Elle a superbement construit son intrigue. On suit les protagonistes d’un bord ou d’un autre, avec leurs peurs, leurs difficultés, leur attitude face aux obstacles, leurs mensonges pour s’arranger avec la vérité. Darren en apprend plus sur ses premières années, il est déstabilisé, se reprend, replonge … Il est terriblement humain et attachant.

Cette lecture m’a bouleversée par tout ce qu’elle véhicule et procure de réflexions et d’émotions. Le cœur et l’esprit sont touchés indéniablement.

NB : à lire avec un album d’Aretha Franklin pas trop loin …

"L’invitation" de Sebastian Fitzek (Die Einladung)

 

L’invitation (Die Einladung)
Auteur : Sebastian Fitzek
Traduit de l’allemand par Céline Maurice
Éditions : L’Archipel (27 Mars 2025)
ISBN : 978-2809851632
386 pages

Quatrième de couverture

Depuis des années, Marla Lindberg suit une psychothérapie. Atteinte de prosopagnosie – cette incapacité à reconnaître les visages –, elle a appris que son cerveau lui jouait des tours dans les situations extrêmes... Lorsqu'elle reçoit une invitation pour participer à une réunion d'anciens élèves dans les Alpes, Marla l'accepte. Mais quand elle arrive sur place, au milieu des montagnes enneigées, le Chalet des Brumes est désert.

Mon avis

Marla n’a pas eu une enfance facile et rien ne s’est vraiment apaisé à l’adolescence. Elle a pourtant tenu bon et arrive aujourd’hui, à avoir une activité professionnelle. Elle « aide » la police en visionnant des vidéos. Le but ? Voir tout ce que les autres ne voient pas. Elle a un don d’observation accru. Elle perçoit et enregistre une foule de détails qui échappent au commun des mortels. Après une brève conversation avec une personne, elle analyse l’environnement, la tenue, les tics, la posture et tire des conclusions plutôt pointues. Par contre, elle souffre de prosopagnosie et si elle n’a pas retenu quelques éléments précis du visage ou de l’attitude de l’individu, il se peut qu’elle ne le reconnaisse pas. Ce handicap l’isole quelque peu mais elle s’en accommode, elle préfère être seule. Comme elle a subi de nombreux traumatismes, cette solitude l’arrange, un peu comme une barrière de protection.

Malgré tout, elle aimerait être comme avant. Avant le jour où tout a basculé, le jour où la peur a été telle qu’elle n’a pas pu s’en remettre… Lorsqu’elle reçoit une invitation pour un week-end en montagne avec les anciens élèves de son lycée, elle pense que c’est l’occasion qu’elle attendait. Revoir ses anciens camarades, parler, échanger, rire ensemble, se dire les choses et repartir sur de bonnes bases pour être « elle-même » et se libérer de ses angoisses.

Est-ce la bonne solution ? Une fois arrivée sur place, il n’y a personne. Pourtant les chambres semblent occupées… La tension monte, Marla a beau faire des repères, elle se rend compte que rien n’est clair. On est dans un huis clos étouffant et à l’extérieur la vie continue.

Tout l’art de l’auteur, c’est de rendre « possibles » des situations totalement improbables. Bien sûr, si on creuse, on va penser que ce n’est ni réalisable, ni logique. Mais trop tard, on est piégé. Avec lui, tout est réalité et illusion en même temps. L’exactitude d’une page peut être le contraire dans la suivante. Il joue avec nos nerfs, nos certitudes, il nous enserre dans son intrigue, avec des personnages ambivalents, déstabilisants, des faits bizarres qu’on ne sait comment interpréter.

Il nous renvoie des questions ? Qui est-on vraiment ? Qu’est-ce qui nous « façonne » ? Notre passé, notre présent ? Qu’est-ce que la violence, comment s’exprime-t-elle ? Un individu peut-il faire le mal par plaisir, pour voir souffrir un être humain ? Quand une mauvaise action est faite par un groupe, qui est coupable ? Celui qui a agi, celui qui a suggéré l’idée ou tous ?

Avec des chapitres courts, un suspense permanent, le lecteur plonge dans ce récit et ne le lâche plus. L’écriture (merci à la traductrice) de Sebastian Fitzek est incisive, précise, troublante quelques fois. Il ouvre des pistes et on se demande s’il faut les suivre. Le profil psychologique des protagonistes est étudié pour coller à l’histoire, la rendre crédible. Personne n’est vraiment « lisse », les caractères ont plusieurs facettes et on se demande sans cesse où est la vérité.

Ce roman est très prenant, surprenant également, je ne m’attendais pas aux rebondissements tout au long du texte et encore moins à la fin !

Mais où va-t-il chercher tout ça ? Et bien dans la postface, il y a quelques réponses, je laisse chacun les découvrir !


"Jacqueline, je t'écris" de Jean-Michel Bartnicki

 

Jacqueline, je t'écris
Auteur : Jean-Michel Bartnicki
Éditions : Libre 2 Lire (19 octobre 2024)
ISBN : 978-2381575605
312 pages

Quatrième de couverture

Un témoignage authentique et poignant sur la fin de vie, et ce que l’amour peut offrir en pardon. Bouleversant !

Mon avis

Lorsque sa mère n’a plus été capable de rester seule à domicile, Jean-Michel Bartnicki a dû prendre la douloureuse décision de la placer en EHPAD. C’était en 2017. Il écrit que c’est à partir de ce moment-là qu’il a pu « l’aimer ». Elle a pu rester dans cette résidence plusieurs années avant de mourir.

L’auteur a eu besoin de poser des mots sur cette période mais également sur tout ce qu’il a vécu depuis qu’il était enfant lorsque ses grands parents l’ont élevé. En cherchant des explications pour comprendre ce qu’il entendait le concernant quand il était petit et le pourquoi de cette situation, il a « retracé » son histoire.

Ce livre est l’occasion pour lui, de se confier, de « parler » à sa maman (il l’interpelle souvent), de dire tout ce qu’il a sur le cœur. Les questions laissées en suspens, les reproches, ce qui a été « beau ». Tout ne peut pas être négatif dans un chemin de vie mais parfois la route est bien caillouteuse.

Dans ce témoignage, sans langue de bois, de nombreux thèmes d’actualité sont présents. Que faire face à la vieillesse de nos parents, quand ils perdent en autonomie ? Oui, c’est un « crève-cœur » de leur faire quitter leur domicile mais quand les troubles cognitifs sont là, quelles décisions prendre ? A-t-on le choix ?

La présentation de tous ces souvenirs alterne avec des dialogues entre la mère et le fils (elle s’exprime souvent en patois et les « traductions » en bas de page sont nombreuses), des lettres retrouvées dans la demeure familiale, des réflexions personnelles…

Cette dame ne savait peut être pas aimer ou tout simplement, elle était maladroite pour montrer son amour maternel. Je ne me permettrai pas de la juger. Ce récit intime, douloureux, a probablement permis à celui qui l’a rédigé d’aller mieux. Certains lecteurs penseront « à quoi bon », d’autres y trouveront une forme de réconfort en se disant « je me sens moins seul face à tous ces problèmes que je rencontre avec mes parents, d’autres les ont vécus », d’autres encore apprécieront une forme de « courage » pour aller si loin dans la confiance envers celui qui lit et la confidence.

Ce type de texte entraîne forcément quelques répétitions dans l’écriture. Il vaut mieux s’en détacher pour apprécier le contenu et se dire que ce qui est beau et essentiel, c’est que Jean-Michel et Jacqueline aient fini par se rapprocher et …. s’aimer.


"L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994" de Riad Sattouf

 

L'Arabe du futur : Moi, Fadi le frère volé - Tome 1 : 1986-1994
Auteur : Riad Sattouf (texte et dessin)
Éditions ‏ : ‎ Les livres du futur (8 octobre 2024)
ISBN : 978-2959133725
146 pages

Quatrième de couverture

Ce nouveau projet repose sur les histoires que Riad Sattouf a recueillies en 2011 et 2012 auprès de son frère Fadi Sattouf. Dans ce récit, c'est Fadi le narrateur : il retrace son parcours, de son enfance heureuse en Bretagne auprès de sa mère adorée et de ses grands frères, Riad et Yahya, jusqu'à la Syrie de son père, rude et inconnue pour lui.

Mon avis

Riad Sattouf a retrouvé son frère le plus jeune, Fadi, en 2011, vingt ans après l’enlèvement de ce dernier par leur père qui l’a emmené en Syrie avec lui. La mère, restée en Bretagne avec ses deux aînés s’est battue pour le récupérer et divorcer.

Pourtant, Fadi est resté pendant des années en Syrie, à tel point qu’il en a perdu son français, ses habitudes… Au moment des retrouvailles, il a échangé avec Riad et celui-ci a décidé de créer une nouvelle bande dessinée à partir de son histoire. Trois tomes sont prévus, le premier est sorti en octobre 2024.

C’est raconté du point de vue de l’enfant. On peut être surpris par la précision des souvenirs alors que Fadi est très jeune. Peut-être a-t-il regardé des photos, questionné quelques cousins pour retrouver tout ça. Peu importe. On découvre comment ce père a vendu du rêve à son fils, en lui offrant des bonbons, en lui disant que sa maman l’avait oublié, que ses frangins n’étaient pas gentils avec lui (et eux comment ont-ils vécu ce kidnapping ? Ne se sont-ils pas dit « c’est de notre faute ») et qu’il était bien mieux avec lui …. C’est cruel de profiter de la situation de malléabilité d’un petit pour le « mettre à sa main » et le conditionner… Comment se construire ? Le père a vraiment été dur, menteur, méprisant envers les femmes, manipulateur …

On suit donc le quotidien de Fadi sur huit années, c’est son enfance et on voit petit à petit la « bascule » se mettre en place. Il est plus du lieu où il grandit maintenant que de celui où il était avant, même si des « flashs » avec l’image de sa maman reviennent régulièrement. Le dessin expressif et les couleurs sont identiques aux titres précédents. Les dialogues portent à la réflexion. Il y a une pointe d’humour ce qui évite de nous « plomber » le moral en pensant à ce gamin loin de sa famille maternelle.

Ce récit correspond au tome 4 de « L’arabe du futur » et permet de voir les événements d’un autre côté. J’ai beaucoup apprécié de cette lecture, enrichissante et intéressante.

"La ronde de nuit" de Bora Chung (한밤의 시간표)

 

La ronde de nuit (한밤의 시간표)
Auteur : Bora Chung
Traduit du coréen par Kyungran Choi et Pierre Bisiou
Éditions : Rivages (5 Mars 2025)
ISBN : 978-2743666248
176 pages

Quatrième de couverture

Une gardienne de nuit raconte ses rondes dans les couloirs d’un étrange institut de recherche où sont conservés des objets paranormaux. Chaque laboratoire recèle un mystère.

Mon avis

C’est avec ce recueil de nouvelles que je fais connaissance de Bora Chung. Elle est coréenne, née en 1976, elle écrit et traduit. Elle enseigne la littérature et les études de textes de science-fiction. Elle est également très active sur le plan social. « La ronde de nuit » est son second titre traduit en langue française.

Ce sont des mini récits fantastiques, avec juste une pointe de paranormal. J’ai été conquise parce que ça garde un aspect réel, il y a seulement quelques petits phénomènes bizarres qui montrent que ça ne tourne pas « de façon normale ».

Tout est lié à un institut de recherches avec des laboratoires fermés à clé. Sur place, l’Ancienne (avec une majuscule) est là. C’est une femme âgée aveugle qui « voit » tout et sent les événements. Quelques fois, elle raconte, ou bien le ou la protagoniste principal-e du petit texte prend la parole en disant « je ».

C’est seulement la nuit que le lecteur « visite » avec ceux qui surveillent les lieux. Ils font des tours à heure régulière, ne croisent jamais personne. Ils ont des consignes très strictes : ne pas ouvrir les portes, garder leur téléphone éteint et s’ils pensent voir un fait sortant de l’ordinaire, l’ignorer et continuer leur chemin etc… Mais avouez que c’est bien tentant d’essayer de savoir, de glisser son œil dans un trou de serrure, de coller son oreille contre une cloison ou de tenir tête à celui que vous rencontrez alors que vous êtes censés être seuls, surtout lorsqu’on vous a répété que c’était interdit.

Sauf qu’à la moindre incartade tout part de travers et plus rien n’est « maîtrisable ». Il se passe des choses bizarres et si certains essaient d’analyser ou de comprendre, ils perdent encore plus pied, jusqu’à se demander s’ils n’ont pas des hallucinations.

Ceux dont on raconte l’histoire ont eu de temps à autre une attitude qui n’était pas « la bonne », en désobéissant, ou en n’étant pas en « phase » avec ce qu’on attendait d’eux. Comme s’il était nécessaire de rester dans un « moule », de ne pas dévier (on ne se risque pas, par exemple, à ressentir des sentiments pour une personne du même sexe). Alors est-ce que les objets « connectés » et cachés dans les labos se vengent ? Est-ce que les esprits décident de punir les « fautifs » ?

De nombreux thèmes sont abordés par l’intermédiaire de ces textes. La culpabilité, la vengeance, la différence, l’isolement lorsqu’on n’est pas dans la « norme ». Se pose alors la question de savoir ce qu’est la « règle » s’il n’y a plus de place à l’imprévu, à la fantaisie, à l’imagination, à l’ouverture d’esprit, à la curiosité…

L’écriture (merci pour la traduction) est détachée, observatrice, décrivant sans empathie… Du moins en apparence, parce qu’une certaine forme de tendresse se dessine envers les personnages. On sent que l’auteur n’est pas indifférente à leur devenir et elle entretient le mystère à merveille.

Cette lecture m’a transportée et enchantée. J’ai aimé ce fragile équilibre entre fantastique et réalité, on passe de l’un à l’autre en se laissant emporté par les mots, les phrases qui font peur ou sourire ou rêver…. C’est délicat, inspiré et très agréable à lire.

"Ticoco est amoureux" d'Anne Surrault et Delphes Marchal

 

Ticoco est amoureux
Auteurs : Anne Surrault (textes) & Delphes Marchal (dessins)
Éditions : Ella éditions (17 novembre 2024)
ISBN : 978-2368036570
64 pages

Quatrième de couverture

C'est la fête chez les singes Capucins qui retrouvent leurs amis les Ouistitis.
Ticoco et ses cousins sont très heureux de revoir Ouistitine et Ouistintin.
Les yeux de notre petit héros Ticoco, s'emplissent de papillons lorsqu'ils croisent ceux de Ouistitine et son cœur se gonfle de guiliguilis.
Mais comment faire pour lui plaire ?

Mon avis

Ticoco est amoureux et grâce à son histoire, le sujet pourra être abordé avec de jeunes enfants.  Il ne sait pas quelle attitude adopter, parfois il en fait trop en essayant de se faire remarquer, à d’autres moments, il veut tellement être gentil avec l’élue de son cœur qu’il en devient envahissant. Alors, il faut trouver le juste milieu… Pas facile….

À travers plusieurs situations, le lecteur observe le comportement de Ticoco mais également de celle qui reçoit ses attentions. Comme ça ne se passe pas comme il l’espère, Ticoco se renseigne auprès de sa famille et reçoit de bons conseils.

Au début de l’album, les personnages sont présentés et on peut tout de suite les visualiser. Dans les dernières pages, un résumé très ciblé est présenté pour reprendre les trois grandes idées du récit.

Les dessins ont des couleurs vives, très belles. Le papier est d’une qualité exceptionnelle, assez épais, glacé, magnifique. Je trouve que c’est une bonne idée de faire intervenir des animaux. C’est plus facile que de choisir des visages dans lesquels le jeune ne se reconnaîtra pas.

Lu à haute voix par un adulte ou découvert seul-e, cet album a sa place dans l’apprentissage des émotions et des relations.


"Troubles fêtes" de Patrick S. Vast

 

Troubles fêtes
Auteur : Patrick S. Vast
Éditions : Taurnada (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2372581462
250 pages

Quatrième de couverture

Aux Bois radieux, une cité sensible du 93, vivent notamment les Butel, une famille de marginaux, ainsi que Violette Grignon, une retraitée que l'existence a rendue extrêmement méfiante.
La veille de Noël, Johnny Butel, âgé de 25 ans, dérobe les provisions d'un couple de seniors.
La semaine suivante, il récidive avec sa voisine Violette, qui, après avoir hésité, a emporté un revolver pour se rendre au centre commercial.

Mon avis

Après avoir travaillé pendant de longues années, Violette Grignon touche maintenant une petite retraite. Un sou est un sou, elle calcule son budget et ne peut pas se permettre le moindre écart. Ses revenus ne sont pas énormes et c’est pour ça qu’elle habite un immeuble de la cité « Au Bois radieux ». Un joli nom pour un coin pas toujours glamour. Les lieux ne sont pas très bien entretenus. Les tags sont nombreux, les jeunes s’ennuient et traînent, certains dealent…  C’est ce qu’on appelle une « cité » sensible. La police sait ce qu’il s’y passe, mais fait parfois comme les trois singes de la sagesse. C’est peut-être le seul moyen de garder un semblant de paix dans cet endroit parfois agité. Parce qu’on le sait bien, une arrestation et tout s’embrase.

Dans l’immeuble de Violette, il y a Fernand, un voisin âgé, comme elle. Sa fille veut le mettre « pour son bien et sa tranquillité » en maison de retraite. Il n’est pas d’accord et quand les assistantes sociales débarquent (pour voir s’il s’en sort tout seul), il est très en colère car habituellement sa famille ne se préoccupe pas de lui. Il discute avec Violette mais chacun a ses propres ennuis et ils n’échangent pas plus que ça. C’est la solitude qui leur tient compagnie. On les sent tendus mais ils n’ont pas les moyens de déménager.
Et puis, il y a la famille Butel, le père, fan de Hallyday (et l’écoute fort et sans arrêt), a appelé son fils Johnny. Un fainéant qui aimerait bien que l’argent arrive tout seul. Alors il vit de petits larcins. À l’approche de Noël, il rentre avec des sacs bien garnis qu’il a volés à un couple âgé qui venait de faire ses courses. Il a bien envie de remettre ça pour le réveillon. Après tout, ce n’est pas si difficile...

Le contexte social est très bien décrit. L’usine qui ferme, les jeunes désœuvrés, coincés chez leurs parents. Ils se retrouvent en bas du HLM, se moquent de ceux qui passent et ne savent pas que faire de leur temps libre.

Comment des personnes si différentes se retrouvent-elles à habiter un même lieu ? Il y a un gouffre entre eux. Ils ne peuvent pas se comprendre, se parler.

Violette n’est pas en confiance, elle se méfie des Butel, des trafiquants de tout bord, de ceux qui s’approchent trop près et visent peut-être son porte-monnaie. Elle voudrait vivre sa petite vie sans peur mais ce n’est pas vraiment possible. Elle n’est jamais détendue. Alors ce jour-là, en allant faire ses achats, elle est sur le qui-vive et tout dégénère.

Ce récit montre qu’on ne maîtrise pas tout, que l’effet papillon, comme un jeu de dominos, entraîne les faits sans qu’il soit possible d’arrêter l’engrenage. C’est terrible et une fois pris dans la spirale, on ne peut rien arrêter.

L’auteur a su observer ou se renseigner car son texte est immersif. On est au cœur de la cité, les difficultés relationnelles, les peurs des uns, les envies d’en découdre des autres… la vie avec tous ses obstacles, ses répits aussi, mais est-ce qu’ils durent vraiment ?

Avec une écriture rythmée, Patrick S. Vast nous entraîne dans un récit addictif, il y a de l’action, des émotions et les thèmes abordés sont criants d’actualité.

"Les anges n’habitent pas tous au paradis" de Maria P. Mischitelli

 

Les anges n’habitent pas tous au paradis
Auteur : Maria P. Mischitelli
Éditions : du Caïman (11 Mars 2025)
ISBN : 978-2493739230
274 pages

Quatrième de couverture

1939, Los Angeles. Dans leur luxueuse propriété de Beverly Hills, Madame Müller découvre sa domestique mexicaine – Gloria Marquez – sauvagement assassinée. Son corps est mutilé selon un ancien rite aztèque. Lana Monterey, une jeune détective privée est chargée de l'enquête. Accompagnée de sa complice, une cinquantenaire gay, iconoclaste, désabusée, haute en couleurs et gouailleuse, Lana plonge dans cette enquête complexe confrontant ces femmes détectives aux interdits d'une société patriarcale, dans un Los Angeles obsédé par son expansion où sévissent les guerres de l'eau et du pouvoir.

Mon avis

Lana élève seule ses deux enfants. Elle s’est séparée de son époux après avoir découvert sa trahison. Elle a été embauchée par un ancien camarade de classe, Carston, pour des missions de détective. Elle débute dans le métier et ce n’est pas facile pour elle. Elle a malgré tout de la volonté, un bon sens de l’observation et de la ténacité. C’est pour ça que son co-équipier l’envoie chez les Müller, dans leur belle demeure du quartier de Beverly Hills. Ils ont demandé une enquête car leur bonne mexicaine, Gloria Marquez, a été assassinée et mutilée.

Quand Lana arrive sur les lieux, elle est confrontée à une mise en scène terriblement violente et dure qui n’est pas sans rappeler un rite aztèque. En face d’elle l’équipe de police dont le lieutenant Jack Kaminski, son ex-mari.  Cela ne va pas simplifier les investigations et les relations. Vont-ils rester à leur place sans interférer ou se tiendront-ils mutuellement au courant de leurs découvertes ? Aucun des deux n’est ravi de la situation, c’est sûr…

Depuis sa séparation, Lana a pris de l’assurance et elle n’a pas l’intention de se laisser impressionner par son ancien conjoint. Elle fera ce qu’elle décide et tant pis s’il n’arrête pas de lui déconseiller ce métier. Chacun sa vie. Elle m’a bien plu Lana, il ne faut pas se fier aux apparences, elle « en veut » et elle a raison. Sa route croise celle d’Ezra, une femme à l’allure masculine, totalement désinhibée, et qui n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui dérange un peu vu qu’on est à Los Angeles en 1939. Mais bon, elles se mettent en binôme et c’est plutôt une bonne idée. Deux cerveaux féminins, ça carbure ! En plus, Ezra a des connaissances et manie bien la langue espagnole. Elle peut donc creuser du côté des gens que fréquentait la domestique. Qui était vraiment Gloria ? Une femme discrète et dévouée pour ses patrons ? Ou se servait-elle de sa situation de « personne transparente », qu’on ne « calcule » pas pour obtenir des informations ? Qui a pu vouloir sa mort et pourquoi ? En quoi pouvait-elle déranger ?

Au-delà de l’enquête, c’est tout le contexte historique qui est intéressant et très bien retranscrit. J’ai même eu le sentiment que ce roman avait été écrit il y a longtemps, dans les années où il se déroule. Cet aspect est particulièrement réussi. On sent bien que la gent féminine devait rester au foyer, élever les gosses et se taire. Ou alors, travailler seulement en cas de besoin et sans faire de vague et sans chercher à obtenir un poste réservé à un mec, un vrai, hein ?

De nombreux thèmes sont abordés à travers ce récit. Le patriarcat, les droits des personnes d’origine étrangère, les magouilles politiques, l’influence des croyances et de ceux qui « manipulent », et bien d’autres sujets.

J’ai particulièrement apprécié l’atmosphère, on s’y croirait ! C’est comme si on regardait un film d’époque en noir et blanc. L’écriture est truculente, maniant l’humour quand il le faut, noire également, parfaitement dosée. Les faits s’enchaînent sur un bon rythme. Les protagonistes hauts en couleur ont du cachet et l’ensemble est équilibré.

"Les sous-traitants" de Stéphane Lanos

 

Les sous-traitants
Auteur : Stéphane Lanos
Éditions : de la Lanterne (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2487978034
480 pages

Quatrième de couverture

Quinze ans après l’accident de la centrale nucléaire de Cruas, la Nouvelle République est au pouvoir. Elle a mis fin à la politique de Préférence nationale et applique son programme de Fin de l’État social. Lyon, juillet 2037. Une tuerie de masse éclate en plein centre-ville. Alexandre, journaliste arrogant et mis au placard de la rédaction de DNews, est envoyé à Lyon pour couvrir l’événement avec sa cameraman Alicia. Le suspect, fou furieux, est traqué par la police, mais également par des mercenaires qui agissent pour le compte de la mystérieuse société Arès. Il est finalement découvert, tué par arme à feu. Alors que les autorités veulent faire croire à un suicide, Alexandre comprend qu’il a été assassiné…

Mon avis

Cette dystopie peut être lue indépendamment du « 100 ème singe », titre précédent évoquant une France qui perd pied politiquement. L’écriture nerveuse de l’auteur nous plonge en 2037. Les gens aisés vivent entre eux, dans des résidences ultra protégées. Les autres sont relégués dans des coins où ils ne doivent pas faire de vagues et où les conditions de vie sont bien différentes. Les progrès scientifiques sont importants, trop sans doute, et offerts à ceux qui peuvent les monnayer.

« Madame » n’est plus au pouvoir et la Nouvelle République est en place. Les gouvernants ont l’intention de mettre fin à l’état social en se faisant aider de grands groupes industriels. Mais n’y a-t-il pas des hommes qui manipulent dans l’ombre ? Entre la « vitrine » exposée, le discours tenu et ce qui se trame derrière, le gouffre est immense …

Le but de la plupart des individus est de performer individuellement, gavés de médicaments pour tenir le coup (angoisses, douleurs, manque de sommeil…), connectés en permanence (lentilles, prothèses, exosquelette…). Certains ne s’embarrassent plus d’une famille, d’une vie de couple, les deux seraient synonymes de perte de temps. C’est dire combien leur quotidien est creux mais sont-ils encore capables de raisonner par eux-mêmes ?

Alexandre, issu d’une riche famille, dragueur, beau gosse parfois superficiel, n’a plus de missions au sein de la rédaction de DNews. Il a trop « joué », courtisant toutes les femmes à sa portée sans réfléchir et ça s’est retourné contre lui. Alors qu’il vient pour tenter sa chance une dernière fois auprès de son patron, un concours de circonstances favorable lui permet de partir à Lyon avec Alicia comme « camerawoman ». Là-bas, un homme a tué plusieurs personnes sans qu’on en comprenne les raisons, d’autant plus qu’il n’a rien revendiqué. Il sent que la situation n’est pas claire et il décide de creuser l’affaire.

Alexandre est un petit « péteux », mais au fil du temps, il va en rabattre et devenir un peu plus « buvable ». Sans doute parce qu’il ne va pas fréquenter n’importe qui. Le caractère de sa coéquipière est à l’opposé du sien mais elle finit par l’obliger à se poser les bonnes questions. Alors, il s’investit, réfléchit, et progresse, il devient même attachant. Des tas de pensées font leur chemin dans son esprit et comme son père n’est pas très net, il n’hésite pas à s’opposer à lui, le poussant dans ses retranchements. On sent qu’Alexandre découvre ce qu’il ignorait ou avait choisi d’ignorer.

L’intrigue est menée sur un rythme soutenu, on suit différents personnages (le nom, la date et le lieu sont indiqués, on ne se perd jamais). Le style est percutant, volontaire. Stéphane Lanos, dans sa fiction, pointe du doigt tout ce qui pourrait dériver si les sociétés privées prenaient trop de pouvoir, si certaines substances n’étaient pas utilisées à bon escient. C’est édifiant. Il tient des propos forts et son récit peut entraîner de nombreuses discussions, débtas et réflexions. Il décrit un contexte politique qui, sous prétexte d’être rassurant, étouffe les initiatives, dirige les personnalités, pilote tout sans avoir l’air en manœuvrant et en tirant les ficelles. La tension monte au fil des pages, il nous tient en haleine. Son texte est habilement construit malgré de nombreuses ramifications.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture. Elle secoue, nous rappelle qu’il faut être vigilant face aux inégalités, à la violence, aux progrès scientifiques détournés …. L’évolution des protagonistes est intéressante, certains restent butés dans leurs convictions, d’autres ouvrent les yeux et quelques-uns sont prêts à tout pour remettre l’honnêteté au centre des débats.

C’est un roman particulièrement réussi !

"Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 2 : L'année des fiançailles" de Rosie Clarke (Love and Marriage at Harpers)

 

Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 2 : L'année des fiançailles (Love and Marriage at Harpers)
Auteur : Rosie Clarke
Traduit de l’anglais par Martine Desoille
Éditions : L’Archipel (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2809851359
352 pages

Quatrième de couverture

Londres, 1913. Quatre vendeuses de Harpers, grand magasin d'Oxford Street, sont déterminées à réussir tant professionnellement que personnellement. Vivant sous un même toit, elles pourront se soutenir en cas de coup dur, ou se réjouir quand la première d'entre elles annoncera ses fiançailles...

Mon avis

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé les quatre filles de chez Harpers (un grand magasin d’Oxford Street). Elles sont amies et partagent maintenant un appartement. Elles ont toutes un emploi dans ce grand commerce dont Ben est le patron. Elles ont trouvé chacune une place en fonction de leurs compétences. Assez présent au moment de l’ouverture, le directeur est reparti aux Etats-Unis et tarde à rentrer. Sally, une des jeunes femmes du groupe de copines, à qui il a confié la responsabilité des achats pense que son attitude est un peu légère car il n’y a pas longtemps qu’elle a ce poste. Elle aurait bien besoin de soutien.

On est à Londres, en 1913, et les suffragettes, avec Emmeline Pankhurst et sa fille, se battent pour les droits des femmes. Tout ce qui est décrit sur cette « lutte » est excessivement intéressant et m’a donné envie d’en savoir plus. Elles ne demandaient, finalement, que des choses « normales » : un salaire identique pour les mêmes fonctions que les hommes, le droit de travailler et de ne pas être condamnées à être mère au foyer, avoir la possibilité de louer un logement, etc. Finalement, heureusement qu’elles se sont bougées pour nous… Ce contexte historique est assez riche, bien documenté, et intégré au récit. Il est même question de certaines chansons d’époque (que je me suis empressée de chercher et d’écouter).
De plus, je n’avais jamais entendu parler du décret du « chat et de la souris » (Cat and Mouse Act). Cette loi cherchait à contrecarrer les grèves de la faim des suffragettes emprisonnées, en autorisant la libération temporaire des prisonnières, puis leur réenfermement une fois celles-ci réalimentées. Bien sûr, ces militantes avaient parfois des actes répréhensibles (bris de vitres, incendies, outrages à agents) mais si on les avait écoutées…auraient-elles eu le besoin d’agir ainsi ? Les quatre colocataires, malgré leur envie de s’investir, comprennent qu’elles doivent rester prudentes car le danger est réel.

Ce roman met en avant de beaux portraits de femmes dévouées, qui s’effacent pour aider les autres, au risque de s’oublier. Si elles rencontrent l’amour, il faut qu’elles restent vigilantes pour ne pas se faire étouffer et que leur futur époux décide de tout. J’ai apprécié que la plupart osent parler, tenir tête (avec stratégie et douceur) sans jamais baisser les bras. Comme elles sont quatre, elles échangent, exposent leurs idées et leurs opinions sans crainte du jugement. Ainsi, elles « étoffent » leur caractère et leur confiance en elle et peuvent se sentir plus fortes face à l’adversité. Leur amitié n’est pas un vain mot, elle fait sens. De plus, elles s’enrichissent de leurs différences.

 J’ai aimé les accompagner, découvrir ceux qu’elles rencontrent, observer leurs réactions en fonction de leur personnalité. Elles n’ont rien de mièvre. Elles ont des points communs mais chacune sa façon d’être, de réagir, d’envisager l’avenir. Elles « grandissent » et s’affirment au contact les unes des autres. Et se respectent ! Leur quotidien est fait de hauts et de bas, elles vivent de nouvelles expériences, se trompent de temps à autre, se font berner, s’angoissent, espèrent, se découragent mais rebondissent. Cette lecture procure de la curiosité pour les faits historiques évoqués et de nombreuses émotions par rapport aux événements présentés. C’est vraiment bien pensé !

J’ai passé un bon moment et j’ai hâte de poursuivre avec les autres tomes !

"Bastion" de Jacky Schwartzmann

 

Bastion
Auteur : Jacky Schwartzmann
Éditions : Seuil (14 mars 2025)
ISBN : 978-2021547757
304 pages

Quatrième de couverture

Lorsque Jean-Marc Balzan, vieux garçon sans enfant, prend enfin sa retraite, il est persuadé qu’il va se la couler douce. Petits restos, voyages, la liberté, quoi. Mais c’est compter sans Bernard, son plus vieil ami. Ils sont potes à la vie à la mort depuis l’école maternelle. Et ce que Jean-Marc fait de mieux dans la vie, c’est rattraper les conneries de Bernard. Ce dernier est sympa, il peut faire preuve d’intelligence, mais il est aussi capable d’être très con. Aussi, lorsqu’il s’engage dans l’équipe de campagne d’Éric Zemmour pour la présidentielle de 2027, Jean-Marc craint le pire.

Mon avis

Jean-Marc vient de prendre sa retraite. Pas de compagne, pas d’enfant, pas de vieux parents dont il faudrait s’occuper. Arrêter son activité professionnelle est synonyme pour lui, d’emploi du temps libre, de voyages, restaurants, sorties diverses et plus si affinités. Il a bien l’intention d’en profiter au maximum !

Il a un copain, Bernard, qu’il côtoie depuis l’école. Ils se connaissent par cœur, ils ont partagé les bêtises, les coups de cœur. Ils peuvent compter l’un sur l’autre, quelles que soient les circonstances. D’ailleurs, c’est souvent que Jean-Marc prend soin de son pote et rattrape ses bourdes. Lorsque Bernard annonce qu’il s’engage pour la campagne d’Éric Zemmour., son ami prend peur et ne comprend pas. Alors, il décide de le protéger. Il l’accompagnera et veillera sur lui. Cela paraît simple comme ça, vu de l’extérieur mais ce n’est pas le cas. Jean-Marc va se retrouver entraîné et embourbé dans des situations qui risquent bien de lui échapper.

Au départ, il s’agit simplement de trouver des parrainages. Bien qu’il n’ait pas l’intention de voter Zemmour, encore moins de se faire embobiner, il va avec son copain. Il se dit qu’il lui ouvrira les yeux, qu’il l’empêchera de partir à la dérive. En même temps, lui, il faut qu’il soit crédible car tout le monde le croit mordu et prêt à choisir Z. Une hérésie quand on sait qu’il est plutôt gaucho.

« Je suis en effet ce qu’on appelait autrefois un socialiste, et que je qualifierais aujourd’hui d’orphelin politique. »

Il s’intègre donc au groupe, il observe, il essaie de ne pas trop questionner mais de savoir et de comprendre le but de ces messieurs (curieusement, il y a peu de femmes…) dont Didier qui est ultracrépidarien (non, je n’ai pas fait un pari pour placer ce mot mais il est beau non ?). Il se « prend au jeu », parce que finalement ça ressemble à ça, il joue un rôle. Rien à voir avec ses idées profondes bien entendu… Et pourtant, insidieusement un engrenage se met en place et …

Il y a maintenant du piment dans son quotidien, il ne sait plus que faire mais il est quelques fois obligé d’agir, pas forcément en accord avec ses convictions. La ville de Lyon est très présente dans cette intrigue, je visualisais bien les lieux. Les personnages hauts en couleurs, bougent beaucoup, ont énormément d’idées plus ou moins farfelues, c’est excellent !

Avec son écriture vive, son humour décapant, l’auteur nous emmène dans une histoire loufoque, aux accents très (trop malheureusement parfois) réalistes. Sous de dehors très drôles, les sujets sont graves. Il aborde tout, sans complexe, sans filtre, il ose, on en prend plein les yeux, plein la tête et on réalise qu’il a raison. Bien sûr, la formulation est brute de décoffrage et nous fait rire (jaune parfois) mais le propos ciblé est très juste. Avec une aventure un tantinet (et même plus) déjantée, il balance des réflexions dans son style acerbe, qui décoiffe. Peut-être que certains n’aimeront pas, penseront que c’est trop, qu’il exagère.

Moi, je suis d’accord avec le bandeau de la couverture et Antoine de Caunes, « jetez au feu les antidépresseurs », lisez Schwartzmann, riez, lisez, reprenez une dose de ce livre et gagnez des minutes de vie (car quand on rit, on gagne des minutes de vie, tout le monde le sait !)


Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 1 : L'ouverture du grand magasin de Rosie Clarke (The Shop Girls of Harpers)

 

Les demoiselles d'Oxford Street - Tome 1 : L'ouverture du grand magasin (The Shop Girls of Harpers)
Auteur : Rosie Clarke
Traduit de l’anglais par Martine Desoille
Éditions : Archipoche (13 Mars 2025)
ISBN : 979-1039206235
360 pages

Quatrième de couverture

En ce mois de mars 1912, le Tout-Londres frissonne en attendant l'événement de l'année. Harper's, grand magasin pouvant rivaliser avec la célèbre maison Harrods, va bientôt ouvrir ses portes sur Oxford Street. Sally, Beth, Maggie et Rachel, qui font connaissance lors de leur entretien d'embauche, ont toutes la chance d'être recrutées. L'aventure commence pour ces petites mains qui vont devenir demoiselles de magasin.

Mon avis

Mars 1912, Londres, un grand magasin va ouvrir ! C’est un événement, d’autant plus qu’il y a déjà la maison Harrods. Y-a-t-il suffisamment de place et d’acheteurs pour les deux boutiques ? Les habitants se laisseront-ils tenter par cette innovation ?

Une chose est certaine. Qui dit nouveau commerce, dit nouvelles embauches. Il faut des vendeuses (et oui, à l’époque, les tâches sont réparties ainsi : ce sont principalement des femmes qui sont derrière les comptoirs), des responsables de rayons, des gestionnaires des stocks, etc …. C’est comme ça que Sally, Beth, Maggie et Rachel se croisent lors des entretiens et échangent quelques mots. Le « courant » passe tout de suite entre elles et cela les rassure. Si elles sont choisies, elles pourront tisser des liens d’amitié et se sentir moins seules. Chacune, pour des raisons diverses, a besoin d’un emploi.

L’une est veuve, deux autres sont orphelines et la dernière a un père handicapé. Travailler n’est pas une option mais une obligation, pour s’en sortir tout simplement. Elles sont prises ! Elles seront affectées au même « étalage » (bijoux, gants, sacs, chapeaux…) mais pas à des postes identiques, en fonction de leurs compétences. Elles vendront des objets luxueux qu’elles ne peuvent pas s’offrir … Mais qui sait ? Peut-être un jour….

On s’attache très vite à elles. Elles ont souffert (et vont encore avoir des problèmes) et essaient d’avancer dans leur vie en espérant des jours meilleurs. Leur quotidien n’est pas toujours facile, parfois on leur met des bâtons dans les roues, on les méprise, on les critique…mais elles se serrent les coudes. Leur amitié n’est pas un vain mot, elles s’écoutent, s’entraident, se conseillent … Ce qui est intéressant à constater c’est qu’elles ne sont pas issues du même milieu mais réussissent, malgré leurs différences, à être en « phase », respectueuses et prêtes à tout les unes pour les autres. Tout simplement, parce qu’elles ont un cœur et que la bonté, l’empathie font partie de leurs qualités.

L’auteur a fait un travail de recherches sérieux. Des événements historiques réels sont introduits dans son récit. C’est assez léger mais ça met une toile de fond cohérente et c’est bien fait. De plus les conditions de travail (que ce soit pour la branche commerciale avec les commandes à faire en amont etc, ou dans un autre domaine) sont décrites avec assez de détails. En ce qui concerne la vie de tous les jours, on réalise qu’il est difficile, en 1912, pour les femmes, de s’installer seules, de sortir sans chaperon, de prendre la parole, d’avoir le même salaire que les hommes, d’évoluer sans dépendre du milieu où on est né … Mais, heureusement, les mouvements féministes commencent à se mettre en place !

J’ai eu un plaisir immense à lire ce roman et à suivre ces quatre amies. Si certaines situations sont un petit peu prévisibles, ça n’a aucune importance. De nombreux thèmes sont abordés, ce n’est pas approfondi mais l’essentiel, c’est d’en parler pour situer le contexte, évoquer les obstacles, rappeler ce qu’il se passait quelques années avant la première guerre mondiale.

 L’écriture (merci à la traductrice pour le vocabulaire de qualité) est fluide, plaisante, il se passe toujours quelque chose, je n’ai pas vu le temps passer et je vais m’empresser de lire la suite !

"In extremis" d'Anouk Shutterberg

In extremis
Auteur : Anouk Shutterberg
Éditions : Récamier (13 mars 2025)
ISBN : 978-2385771652
400 pages

Quatrième de couverture

Dans le torrent de la Leysse, à Chambéry, sont retrouvées des têtes de femmes coupées, maquillées et coiffées d'une couronne d'edelweiss. Axelle, journaliste aux faits divers, décide de mener l'enquête. Tout converge vers Valfréjus, station réputée pour les sports extrêmes. Derrière l'ambiance festive qui règne en altitude, au milieu des amateurs de sensations fortes, un tueur se dissimule.

Mon avis

« In extremis » est un roman addictif, bien rédigé, explorant la noirceur de l’âme humaine.
Je suis ressortie de cette lecture, lessivée, secouée, mais également admirative car tout s’emboîte à merveille sans fausse note ce qui est la preuve d’un excellent travail de fond.

On fait rapidement connaissance avec une fratrie : un frère et ses deux sœurs. Lui, Paul est entraîneur et manager de sa frangine Marie, sportive de l’extrême principalement en montagne Elle est un peu tête brûlée et veut toujours repousser les limites. Les sponsors lui demandent toujours plus, va-t-elle tenir le rythme ? Le souhaite-t-elle ou veut-elle souffler ? L’autre fille, Axelle, pratique les mêmes activités mais sans prendre autant de risques. Elle est journaliste à la rubrique faits divers d’un quotidien. Pour alimenter ses articles, elle est assez proche de Fred, un policier qui lui souffle des scoops (ou si elle a vent de quelque chose, elle le sollicite).

L’horreur frappe. Des têtes de femmes coupées, mises en scène, sont retrouvées dans le torrent de la Leysse, à Chambéry. Axelle essaie d’avoir des informations pour rédiger son papier. Elle sent que des éléments échappent à la police et elle de son côté questionne, fouine. Un tueur a agi, risque-t-il de récidiver ? Comment le coincer ? la peur s’installe et chacun va finir par se méfier de son voisin. Faut-il rechercher dans les relations des « décapitées », sont-elles choisies au hasard ou selon un critère précis ?

Les événements amèneront le récit à Vafréjus, une station de ski où l’atmosphère est à la fête (mais est-ce que ça va durer ?). Le lecteur observe les sportifs, plein d’énergie, de vitalité, prêtes à faire la fête. Le calme peut-il être seulement apparence ? Peut-on profiter d’un séjour sans avoir peur ?

En parallèle de ce qui se déroule dans présent, nous lisons les confidences d’une personne et au fil de ses révélations, nous cernons qui elle est. C’est progressif et ça apporte quelques éclaircissements.

La tension monte de plus en plus. On ne sait pas, on ne sait plus et pourtant on espère que tout va se résoudre, que ça va aller mieux car on a peur. Une play list (qui a accompagné l’auteur lorsqu’elle écrivait), disponible, nous plonge dans l’atmosphère de cette intrigue. J’ai trouvé intéressant d’avoir accès aux pensées de certains, afin de mieux cerner le pourquoi de leurs agissements. J’ai été traversée par de nombreuses émotions : colère, angoisse, dégoût, soulagement mais si court... J’ai serré les poings quand les faits ne tournaient pas comme je l’avais envisagé.

Anouk Shutterberg a ce don qui me semble plus qu’important : on se sent concerné par l’histoire qu’elle présente comme si on connaissait ceux et celles qu’elle décrit. Son écriture fluide, accrocheuse nous entraîne dans l’univers qu’elle a choisi. Et on n’en sort qu’à la toute fin. Elle sait nous prendre dans ses rets, ce qu’elle décrit nous noue le ventre. On veut comprendre comment une personne peut en arriver à de telles extrémités. Et quand on a les explications, c’est terrible.

Un nouveau titre très réussi pour une autrice à suivre !

 

"Les enquêtes de l’Aliéniste - Tome 3 : Les égarés des catacombes" de Jean-Luc Bizien

Les enquêtes de l’Aliéniste - Tome 3 : Les égarés des catacombes
Auteur : Jean-Luc Bizien
Éditions : L’Archipel (13 Mars 2025)
ISBN : 978-2809849578
400 pages

Quatrième de couverture

Simon Bloomberg, aliéniste, est approché par un couple qui s'accuse mutuellement de violences et de cruauté mentale. Leurs troublantes confessions le tourmentent et le plongent dans des abîmes de doute. À son tour, il est aspiré dans un maelström de sauvagerie qui l'entraînera au cœur des ténèbres...

Mon avis

Quel plaisir de retrouver l’univers de Simon Bloomberg, aliéniste à la Cour des Miracles à Paris en 1890, en plein hiver. Il vit toujours dans sa demeure mystérieuse, aidé de la jeune Sarah pour les prises de rendez-vous entre autres. Il y a également une femme de chambre et une cuisinière ainsi qu’Ulysse (un géant un peu candide), qui, s’il n’habite pas sur place, rend de nombreux services malgré quelques maladresses et un peu trop d’impulsivité.

Parmi ses patients, un homme le consulte. Il explique avoir des accès de colère contre sa femme et ne pas pouvoir se dominer dans ces cas-là. Il casse tout, dit des mots qui dépassent sa pensée et ne peut gérer cette fureur qui l’habite. Simon écoute, surpris et se dit qu’une de ses priorités va être d’aider ce patient à se calmer pour qu’il soit moins dangereux et ainsi protéger sa compagne. Quelque temps plus tard, il reçoit, dans son cabinet, une jeune femme blessée, le docteur est vite inquiet. Il comprend que c’est l’épouse.  Est-ce bon, au niveau déontologie de recevoir les deux parties ? Sa position est délicate. Quelques éléments des deux entretiens l’interpellent. Disent-ils la vérité ? Comment s’en assurer ? Troublé, il essaie de mener une enquête en parallèle…pas facile… d’autant plus que cela l’entraîne dans les catacombes.

De son côté, Sarah est perturbée. Ces visiteurs ne lui inspirent pas confiance. Elle fouine dans le bureau de son patron car il tient un journal intime. Sa conscience la tiraille, elle sait qu’elle ne doit pas mais … si ça pouvait lui permettre de mieux le comprendre…

Avant de parler du récit, je tiens à souligner le soin apporté au livre lui-même. La magnifique couverture et les pages intérieures de début et de fin avec le plan des catacombes en modèle ancien, c’est tout simplement beau et ça plonge déjà dans l’atmosphère. À la fin, un appendice sur le lieu évoqué. C’est très complet et instructif ! Et dans les remerciements, l’auteur explique pourquoi il a rédigé ce texte, où il a mis beaucoup de lui.

J’apprécie l’ambiance des histoires de Simon et Sarah. On est vraiment projeté dans ce vieux Paris, où les fiacres circulent, avec de temps à autre des rues mal éclairées, des malfrats, des gens dont il faut se méfier. Les endroits choisis pour situer l’intrigue sont intéressants d’autant plus que l’auteur glisse intelligemment des faits ayant existé, ce qui rend tout ça encore plus palpitant.

La relation qui se construit entre l’aliéniste et son aide évolue et ça apporte un plus, la place d’Ulysse aussi. L’écriture de Jean-Luc Bizien est agréable, il a un véritable don pour camper une scène, la rendre visuelle et vous procurer quelques frissons. C’est très bien pensé. Ses romans pourraient être adaptés en série.

Dans ce tome, il aborde le mensonge, la manipulation, le fait que les émotions peuvent submerger et fausser l’interprétation. Pourquoi ment-on ? Pour être dans une réalité qui nous convient mieux ? Parce qu’on n’a pas le choix ? Pour arriver à nos fins ? Dans quel état est notre esprit après avoir agi de cette façon ? Jusqu’où s’exprime la violence et le besoin de domination ? Les réflexions qui jalonnent l’histoire ne sont pas dénuées d’intérêt. On sent que tout a été réfléchi. Il y a de la psychologie en plus de l’enquête dans un bel équilibre.

Le style se bonifie au cours des aventures de Simon et la suite sera sans doute prometteuse !

 

"Royaume en péril" de Thomas D. Lee (Perilous Time)

 

Royaume en péril (Perilous Times)
Auteur : Thomas D. Lee
Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Thibaud Eliroff
Éditions : Bourgois (6 Mars 2025)
ISBN : 978-2267054644
686 pages

Quatrième de couverture

Keu, frère adoptif du Roi Arthur, et ses compagnons d’armes – tous chevaliers de la Table Ronde – reviennent à la vie à chaque fois que le Royaume d’Angleterre est en péril. Cette fois-ci, à son réveil, c’est une Angleterre en prise avec les effets du réchauffement climatique et en proie à des troubles politiques que découvre Keu. La police et l’armée ont été privatisées, la montée des eaux a redessiné les côtes et une bonne partie du pays a été vendu à des puissances étrangères. On parle même d’un dragon…

Mon avis

Jubilatoire !

Merlin les a rendus invincibles mais lorsque le Royaume d’Angleterre n’a pas besoin d’eux, ils dorment sous leur tertre. Par contre, chaque fois qu’il y a péril, ils reviennent à la vie pour sauver le pays. C’est comme ça qu’ils ont vécu plusieurs guerres plus ou moins dangereuses. Ils ne sont pas forcément tous au même endroit et dans un premier temps, chacun doit se débrouiller dans cet univers à la fois connu (ce sont les mêmes lieux) et inconnu (ils ne savent pas à quelle époque ils sont, ce qui va mal et ce qu’ils doivent faire pour aider.)

C’est Keu, le frère adoptif du Roi Arthur que nous découvrons en premier. Il serait bien resté encore au calme, profondément enfoui. Il rencontre Mariam. Avec ses amies, cette jeune féministe agit dans l’ombre. Elles forment un petit groupe très intéressant, écolos jusqu’au bout des ongles.

-Pourquoi revenir et sauver des gens ? Qu’est-ce que vous y gagnez ?
-En toute honnêteté, je veux juste retourner me coucher. Plus tôt j’en finis avec le bordel en cours, plus vite je retourne sous mon tertre.

C’est dire la motivation du guerrier …

Pourtant, il a « bon fond » comme on dit et rapidement, il se met en devoir de secourir ceux qui souffrent. C’est parfois maladroit (il tue une biche pour nourrir les filles alors qu’elles sont végétariennes), un peu impulsif mais il essaie. Il ne comprend pas tout à ce « nouveau » monde. Des noms de localités ou autres ont évolué. L’environnement, le matériel, beaucoup de choses sont différentes… Et surtout le réchauffement climatique est là, le relief a changé, la montée des eaux est dangereuse. En plus de nombreux troubles politiques agitent la société où chacun renvoie la faute sur le voisin, lui posant ainsi une part de culpabilité sur les épaules.  On observe des gens sans logement, d’autres sans abri, des gangs font régner la terreur. Tout le pays est mal en point.

De son côté, Lancelot n’a pas la même approche des événements. Lui, est en contact avec Marlowe.

Est-ce que des chevaliers venus du passé peuvent améliorer la situation alors qu’ils ne savent rien de ce qui se trame, se joue ? Est-ce que leurs pouvoirs magiques peuvent être utiles ? Keu pense que parfois croire en soi permet d’accomplir de grandes choses aussi bien qu’avec la magie. Je suis entièrement d’accord !

Il y a des retours dans le passé au gré des souvenirs des personnages, on apprend ce qu’ils ont vécu avant d’être « ici et maintenant » (une moitié de l’Angleterre sous l’eau, l’autre qui meurt de faim).

Cette version moderne, limite fantastique, de la légende du Roi Arthur est tout à fait jubilatoire. Malgré les nombreux thèmes, graves, abordés, j’ai beaucoup ri tant « devant » certaines scènes qu’en lisant les dialogues. L’écriture (merci au traducteur) est fluide, sans cesse en mouvement, pleine de vie, d’actions, on ne s’ennuie pas une seconde malgré le nombre de pages important.

Il peut être amusant de chercher dans ce récit les vraies références et celles qui sont transformées ou inventées mais je ne connais pas assez bien la légende pour me lancer.

L’auteur l’explique dans ses remerciements, il a jeté de nombreux brouillons de cette histoire qu’il a commencé en 2016. Et puis il a fait une rencontre et il a été encouragé pour suivre un master d’écriture. Il aurait été vraiment dommage qu’il renonce ! C’est une lecture divertissante, enrichissante et qui porte à la réflexion sur l’avenir de la planète. Une belle réussite !


"À la verticale de Dieu" d'Aloysius Wilde

À la verticale de Dieu
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Independently published (17 février 2025)
ISBN : 979-8309514762
467 pages

Quatrième de couverture

Selon le Los Angeles Times, en octobre 2024, l'archidiocèse catholique de Los Angeles a accepté de verser 880 millions de dollars pour indemniser 1 350 victimes d'abus sexuels commis par environ 300 membres du clergé, Mais que valent des chèques face à des vies brisées ? Michael Connor a une autre idée : une vengeance froide, calculée et implacable.

Mon avis

Ce roman a de nombreuses entrées, sur des années différentes avec des personnages qu’on retrouve dans le passé et le présent. La construction très habile, elle maintient le suspense et la curiosité du lecteur ainsi que son intérêt.

On retrouve l’inspectrice Harris, connue des opus précédents. Elle est toujours sans filtre, pleine de vie, capable d’envoyer des réparties amusantes, qui désarçonnent parfois. Elle me plaît bien mais dans cette histoire, on la voit un peu moins dommage…

Elle enquête car un homme est dans un sale état suite à une agression. Son épouse n’y comprend, il lui avait dit être en Suisse pour son travail et pas du tout aux Etats-Unis ! Quand les huissiers se présentent à sa porte, elle craint le pire. Tout son quotidien est bouleversé, elle a peur.

En parallèle, on suit des individus en 2006, on se demande bien quand le lien avec l’époque actuelle (le récit se déroule en 2024) va être établi…. Ce sont des jeunes qui ont des galères et qui rencontrent un bon samaritain… qui les prépare et les oriente pour l’avenir…

Chaque chapitre ou partie est précédé-e d’une citation, assez souvent d’un auteur existant, bien ciblée. Il y a également le lieu, la date pour qu’on se repère car on se déplace pas mal dans le temps et un peu dans l’espace…

Les thèmes abordés sont variés, le rôle et l’influence de la presse et des médias, l’utilisation des connaissances scientifiques pour détourner certains faits, le milieu de l’art, celui de la finance, les relations dans l’église, dans les couples etc…

Au-delà de l’intrigue rondement menée, avec une pointe d’humour, je suis étonnée des connaissances d’Aloysius Wilde ou de la façon dont il utilise ce qu’il découvre dans ses recherches pour que ses histoires tiennent la route (parce que, peut-être qu’il ne sait pas tout mais il se renseigne et introduit au bon moment ce qu’il a appris). Tout est placé au bon moment, du schéma de Ponzi au dol (je n’avais jamais lu, ni entendu ce mot), en passant par plein de choses.

J’ai apprécié la façon dont la vengeance s’est mise en place, les petits « ton frère, ta mère, tes enfants, sont bien à tel endroit ? » pour menacer l’air de rien et faire peser la peur sur ceux qui auraient eu envie de trahir… C’est calculé, rien n’est laissé au hasard pour coincer ceux qui, un jour, ont abusé de leur pourvoir, profité de la situation et fait souffrir.

Une lecture plaisante, sans temps mort !

 

"Dios et Florida" d'Ivy Pochoda (Sing Her Down)

 

Dios et Florida (Sing Her Down)
Auteur : Ivy Pochoda
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Globe (6 Mars 2025)
ISBN : 978-2383613374
338 pages

Quatrième de couverture

Florence « Florida » Baum se fait discrète dans la prison pour femmes d’Arizona où elle purge sa peine. Elle a beau se considérer comme victime des circonstances, Dios, son ex-codétenue, ne l’entend pas de cette oreille. Elle sait que Florida se cache derrière des excuses pour nier la violence qui l’habite. Lorsque les deux femmes sont libérées de manière anticipée, Florida n’a qu’une idée en tête : récupérer sa Jaguar à Los Angeles pour s’oublier sur les routes. Mais l’obsession de Dios pour Florida se dresse sur son chemin.

Mon avis

Elles sont en prison : Florida, Dios et Kace. On découvre leur quotidien ardu, avec pas mal de violence. Chacune essayant d’être forte et de tenir au milieu de tout ce marasme. On commence à cerner les personnalités, on sent bien que l’une des femmes domine et veut décider de tout. Elle pense que les autres sont comme elle.

Et puis, comme nous sommes en plein confinement, c’est la remise de peine avec une libération anticipée. L’obligation de rester dans un hôtel pour les quinze jours de quarantaine (mais oui, on vous livrera de quoi manger, enfin, ça c’est la promesse ….). Que faire de cette « liberté » lorsqu’on a passé des journées entières dans peu de mètres carrés, à faire peu de choses, à part tourner en rond et faire attention à sa vie ?  Florida est perdue, elle attend la livraison des repas qui ne vient pas. Elle sait qu’elle doit rester deux semaines mais son sang bout, elle n’en peut plus. Elle est dehors sans y être tout à fait. Il y a toujours quatre murs et cette espèce de vide qui l’habite. Et puis cette envie obsédante : récupérer sa jaguar et tracer la route, vivre enfin, rouler et se laisser porter….

Ça la démange de bouger, d’agir, mais les conditions sanitaires bouleversent les codes, comment faire ? Elle se décide et là, Dios surgit, comme venue de nulle part. Imposant sa violence, sa présence, ses décisions. Orientant les choix de Florida. Mais cette dernière a-t-elle besoin d’être prise en charge ? D’être guidée ? N’est-elle pas capable de faire les bons choix sans se laisser influencée ? Ne va-t-elle pas être entraînée malgré elle ?

C’est une cavale infernale qui se met en place. Des rencontres peu ordinaires, des personnes atypiques, des liens qui ne sont pas faits pour durer. On découvre une Amérique où chacun galère, ne peut pas se confier, doit se débrouiller et ne tend pas vraiment la main. Dios « poursuit » Florida de son « amitié ». Elle l’étouffe, elle est persuadée que cette dernière a une part de brutalité contenue et qu’elle doit l’aider à l’exprimer. La course s’accentue, plus rien n’est maîtrisé, c’est dur, ça pulse, les mots s’entrechoquent.

Les points de vue sont multiples (le prénom ou le nom sont indiqués en tête de chapitre). Seules Kace et Dios disent « je », pour les autres il y a un narrateur. J’ai pensé que Florida ne pouvait pas s’exprimer à la première personne, comme si, même sa vie ne lui appartenait plus….

C’est un récit âpre, qui remue, à l’écriture sèche, pleine de questionnements. Les dialogues interpellent sur la place de violence, celle qu’on donne, celle qu’on reçoit, celle qui détruit tout sur son passage, même les âmes humaines…

Ivy Pochoda analyse avec finesse toutes les émotions traversées par les uns et les autres. Elle a sans doute bien observé pour retranscrire ce qu’elle évoque, avec, entre autres, cette ambivalence entre les deux ex détenues, entre attirance et rejet, admiration et dégoût.

Ce sont des portraits de femmes qui fuient (Mais quoi ? Elles-mêmes ? La vie ? N’ont-elles pas tout simplement peur de l’inconnu ?), dans toute leur « nudité » (au sens où rien n’est vraiment caché), que nous offre l’auteur et c’est particulièrement réussi.


"Frankie Elkin - Tome 2 : Dernière soirée" de Lisa Gardner (One Step too Fare)

 

Frankie Elkin - Tome 2 : Dernière soirée (One Step too Fare)
Auteur : Lisa Gardner
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Deniard
Éditions : Albin Michel (2 Janvier 2025)
ISBN : 978-2226476760
462 pages

Quatrième de couverture

Timothy O'Day était un pro de la randonnée en forêt. Pourtant, il y a disparu sans laisser de traces lors de son week-end d'enterrement de vie de garçon, laissant derrière lui deux parents inconsolables, une fiancée désespérée et quatre garçons d'honneur rongés par la culpabilité. Frankie Elkin ne connaît rien à la forêt. Elle a en revanche un flair unique pour retrouver les disparus. Lorsqu'elle apprend qu'une ultime opération de recherches est organisée cinq ans après la disparition de Timothy, elle prend la route pour les montagnes du Wyoming et se joint à l'équipe.

Mon avis

Frankie Elkin est une nouvelle héroïne de Lisa Gardner. Ce roman est sa deuxième aventure mais elle peut se lire indépendamment, même si, sans doute, il y a quelques redites quant à son histoire personnelle.

J’ai fait connaissance avec cette jeune femme, cabossée par la vie, ancienne alcoolique, électron libre qui ne tient pas en place. Elle est de nulle part et de partout. Elle va et vient au gré des disparitions qui l’interpellent. C’est sa spécialité : retrouver des gens qu’elle ne connaît pas, mais qui ont disparu. Cette fois-ci, c’est dans les réserves du Wyoming que ses pas la portent.

Cinq ans auparavant, alors qu’il enterrait sa vie de garçons avec ses amis lors d’un week-end en forêt, Timothy, dit Tim, s’est volatilisé. Depuis, chaque année, en souvenir de lui, son père réunit des professionnels et les copains de son fils pour retourner explorer les lieux afin de récupérer ses restes et de lui donner une sépulture correcte.

Malgré son inexpérience de la randonnée en milieu montagnard, Frankie réussit à se joindre à l’expédition. Elle part avec tout le groupe, beaucoup plus aguerri qu’elle mais elle essaie de faire bonne figure. Heureusement, Luciana, l’autre femme participante, est très bienveillante. Elle est présente avec Daisy, sa chienne de « recherche ».

Rien ne va se passer comme prévu et de nombreux obstacles vont gêner les marcheurs dans leur avancée. Frankie comprend rapidement qu’au-delà de la raison officielle, d’autres choses se trament. Certains secrets sont lourds à porter. Les rescapés sont écrasés par le poids de la culpabilité, Tim était tellement parfait ! Et pour ceux qui restent, est-il possible de faire son deuil sans corps ? On va accompagner toutes ces personnes sur les chemins escarpés, sous l’orage, dans le froid… On souffre avec elles, on tend l’oreille car on se doute bien que tout n’a pas été dit et qu’avec la fatigue, les défenses vont tomber et que peut-être ….

Frankie est une femme intéressante, opiniâtre, observatrice. Elle ne veut pas s’attacher mais pourtant, petit à petit, les amis de Tim prennent place dans son cœur. On voit vraiment l’évolution des relations au cours de ces quelques jours d’investigation.

J’ai vraiment apprécié ce récit, bien construit, bien pensé. La fin m’a semblé un peu rapide. L’écriture (merci à Cécile Deniard, la traductrice) est addictive, fluide. Les dialogues sont bien écrits. Les descriptions des scènes sont précises et chaque émotion est retranscrite avec finesse.

Je vais chercher le tome 1 !

"Ces femmes qui tuent - D'Agrippine à Marie Besnard, les grandes empoisonneuses de l'Histoire" de Gérard Morel

 

Ces femmes qui tuent - D'Agrippine à Marie Besnard, les grandes empoisonneuses de l'Histoire
Auteur : Gérard Morel
Éditions : L’Archipel (27 Février 2025)
ISBN : 978-2809849592
290 pages

Quatrième de couverture

L'ambitieuse impératrice Agrippine, la futile marquise de Brinvilliers, la cupide Catherine Voisin, la subversive Violette Nozière, l'austère et pieuse Marie Besnard... Toutes ces femmes restent auréolées d'une légende maléfique pour avoir tué leurs proches, et pas n'importe comment : par le poison. Or, l'empoisonnement implique ruse et préméditation. Longtemps considéré comme un crime spécifiquement féminin, il est à ce titre plus sévèrement réprimé que le meurtre dans le Code pénal. Il est vrai que les hommes avaient d'autres moyens d'éliminer loyalement leurs ennemis, en duel ou à la guerre, y gagnant au passage un certain prestige.

Mon avis

Gérard Morel s’est déjà penché sur des événements liés à des enquêtes ou équivalent. Dans ce livre, il présente treize femmes, de 15 après Jésus-Christ à 1980…. Un aperçu d’empoisonneuses célèbres ou très connues. Bien entendu, elles sont beaucoup plus nombreuses et il y a toutes celles qui ont agi, dans l’ombre, sans jamais se faire prendre.

Mais qu’est-ce qui a pu les motiver à prendre le risque d’être arrêtées ? Pourquoi en sont-elles venues à de telles extrémités ? Une des idées émises par l’auteur est que les hommes ont la possibilité de se battre en duel, les femmes non…. Ça se défend….

Certaines ont voulu se débarrasser d’époux méchants ou encombrants, d’autres étaient avides de pouvoir. Leur point commun ? Être prêtes à tout pour arriver à leurs fins.  Quelques-unes se sont débrouillées seules, d’autres ont obtenu « le matériel » nécessaire par une connaissance ou en fouinant un peu pour trouver une personne susceptible de préparer le produit adéquat. Il y en a même qui avaient, disaient-elles, beaucoup de rats dans leur demeure et qui se fournissaient sans état d’âme en mort aux rats !

Ce qui est impressionnant, c’est l’ingéniosité dont elles ont fait preuve, avec ou sans aide pour obtenir la mort de ceux qu’elles visaient. Elles ont également montré une volonté à toute épreuve, ne baissant jamais les bras, poursuivant leur but sans se relâcher. Si elles se sont heurtées à des obstacles, elles ont recommencé gardant leur objectif en ligne de mire. Incroyable cette opiniâtreté lorsqu’on imagine les risques pris et le fait qu’elles pouvaient se retrouver en prison ! Leur ténacité m’a impressionnée !

L’écriture de l’auteur est fluide, plaisante. Il s’est énormément renseigné avant d’écrire. Il a tout mis à notre portée sans tomber dans l’excès. Il donne des détails, explique la démarche de chaque tueuse, resitue les faits dans leur contexte et il essaie de comprendre et de transmettre leurs raisons pour choisir de tuer. Car si on y réfléchit, c’est une décision violente et difficile à prendre, donner la mort n’est pas anodin.

Bien sûr, certaines étaient sans doute très malheureuses, voire mal aimées ou mal traitées. Est-ce que ça excuse leur geste ? Quant à celles qui rêvaient de puissance… Leur attitude quand elles sont « coincées » est parfois surprenante. D’aucunes continuent de narguer et ne baissent pas les yeux !

C’est très intéressant et divertissant également. Que le nom soit connu ou pas, on apprend toujours quelque chose car, même si on a entendu parler de ces meurtrières, on ne peut pas tout savoir.

La construction, avec un « épisode » pour chacune permet de lire sans se lasser, et si on fait une pause dans la lecture, de la reprendre sans risque d’oubli ou de mélange.

J’ai particulièrement apprécié les récits concernant Violette Nozière et la veuve Besnard. Probablement parce que j’en avais entendu parler. Pour moi, c’est une belle découverte !

"L'enragé" de Sorj Chalandon

 

L’enragé
Auteur : Sorj Chalandon
Éditions : Grasset (16 août 2023)
ISBN : 978-2246834670
416 pages

Quatrième de couverture

Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.

Mon avis

« Tu sais pourquoi je t’ai tendu la main le premier jour ? 
Non, je ne savais pas.
Pour que tu desserres le poing. »

1932. Il s’appelle Jules, ou plutôt « La Teigne » (j’ai pensé à la chanson de Renaud) avec une majuscule. D’ailleurs, il revendique son surnom comme un étendard. Il est habité par la colère, la rage. Il est en maison de redressement à Belle Ile, à Haute Boulogne. Une colonie pénitentiaire où la discipline s’accompagne de violences et de brimades. Même entre les jeunes (tous des garçons) les relations sont compliquées.

Jules a du mal à baisser la tête, à accepter l’injustice, il veut vivre, être libre. Il ne devrait pas être là, lui qui a seulement volé trois œufs parce qu’il avait faim. Combien sont-ils, comme lui, à avoir atterri dans ce lieu de terreur, par un mauvais concours de circonstances ? On les suit pendant quelques chapitres, souffrant pour eux devant tant d’injustices. L’atmosphère est tendue car le quotidien est ardu.

Et puis le soir du 27 août 1934, c’est la mutinerie et cinquante-six gosses s’échappent dont Jules. Il est le seul qu’on ne retrouve pas. Pourtant les îliens, les gendarmes, les touristes, tous cherchent les fuyards pour gagner vingt francs. C’est la récompense chaque fois que l’un d’eux est rattrapé.

Sorj Chalandon, qui a vécu des événements traumatisants lorsqu’il était enfant, a pris la plume à la place de La Teigne et de tous les laissés-pour-compte. Il a mis ses tripes et beaucoup de lui-même dans ce récit. Il nous a transmis les émotions de l’évadé et de ceux qui vont croiser sa route.  Jules peut-il renouer avec la liberté, coincé sur une île ? Qu’est-il en droit d’espérer ?

Inspiré d’un fait réel, ce roman est magistral. Non seulement par le contenu, car au-delà de l’histoire du fuyard, de nombreux thèmes sont abordés, des thèmes graves, forts. Mais également par l’écriture de l’auteur, puissante, envoûtante, comme si vous viviez les faits en direct.  

C’est un texte bouleversant, poignant avec plusieurs individus (hommes ou femmes) attachants. J’ai aimé l’humanité que transmettent certains.

L’enragé est un cri, un cri de douleur, de révolte mais aussi un cri d’amour. Bravo Monsieur Chalandon.

Coup de cœur !