"À la verticale de Dieu" d'Aloysius Wilde

À la verticale de Dieu
Auteur : Aloysius Wilde
Éditions : Independently published (17 février 2025)
ISBN : 979-8309514762
467 pages

Quatrième de couverture

Selon le Los Angeles Times, en octobre 2024, l'archidiocèse catholique de Los Angeles a accepté de verser 880 millions de dollars pour indemniser 1 350 victimes d'abus sexuels commis par environ 300 membres du clergé, Mais que valent des chèques face à des vies brisées ? Michael Connor a une autre idée : une vengeance froide, calculée et implacable.

Mon avis

Ce roman a de nombreuses entrées, sur des années différentes avec des personnages qu’on retrouve dans le passé et le présent. La construction très habile, elle maintient le suspense et la curiosité du lecteur ainsi que son intérêt.

On retrouve l’inspectrice Harris, connue des opus précédents. Elle est toujours sans filtre, pleine de vie, capable d’envoyer des réparties amusantes, qui désarçonnent parfois. Elle me plaît bien mais dans cette histoire, on la voit un peu moins dommage…

Elle enquête car un homme est dans un sale état suite à une agression. Son épouse n’y comprend, il lui avait dit être en Suisse pour son travail et pas du tout aux Etats-Unis ! Quand les huissiers se présentent à sa porte, elle craint le pire. Tout son quotidien est bouleversé, elle a peur.

En parallèle, on suit des individus en 2006, on se demande bien quand le lien avec l’époque actuelle (le récit se déroule en 2024) va être établi…. Ce sont des jeunes qui ont des galères et qui rencontrent un bon samaritain… qui les prépare et les oriente pour l’avenir…

Chaque chapitre ou partie est précédé-e d’une citation, assez souvent d’un auteur existant, bien ciblée. Il y a également le lieu, la date pour qu’on se repère car on se déplace pas mal dans le temps et un peu dans l’espace…

Les thèmes abordés sont variés, le rôle et l’influence de la presse et des médias, l’utilisation des connaissances scientifiques pour détourner certains faits, le milieu de l’art, celui de la finance, les relations dans l’église, dans les couples etc…

Au-delà de l’intrigue rondement menée, avec une pointe d’humour, je suis étonnée des connaissances d’Aloysius Wilde ou de la façon dont il utilise ce qu’il découvre dans ses recherches pour que ses histoires tiennent la route (parce que, peut-être qu’il ne sait pas tout mais il se renseigne et introduit au bon moment ce qu’il a appris). Tout est placé au bon moment, du schéma de Ponzi au dol (je n’avais jamais lu, ni entendu ce mot), en passant par plein de choses.

J’ai apprécié la façon dont la vengeance s’est mise en place, les petits « ton frère, ta mère, tes enfants, sont bien à tel endroit ? » pour menacer l’air de rien et faire peser la peur sur ceux qui auraient eu envie de trahir… C’est calculé, rien n’est laissé au hasard pour coincer ceux qui, un jour, ont abusé de leur pourvoir, profité de la situation et fait souffrir.

Une lecture plaisante, sans temps mort !

 

"Dios et Florida" d'Ivy Pochoda (Sing Her Down)

 

Dios et Florida (Sing Her Down)
Auteur : Ivy Pochoda
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Adélaïde Pralon
Éditions : Globe (6 Mars 2025)
ISBN : 978-2383613374
338 pages

Quatrième de couverture

Florence « Florida » Baum se fait discrète dans la prison pour femmes d’Arizona où elle purge sa peine. Elle a beau se considérer comme victime des circonstances, Dios, son ex-codétenue, ne l’entend pas de cette oreille. Elle sait que Florida se cache derrière des excuses pour nier la violence qui l’habite. Lorsque les deux femmes sont libérées de manière anticipée, Florida n’a qu’une idée en tête : récupérer sa Jaguar à Los Angeles pour s’oublier sur les routes. Mais l’obsession de Dios pour Florida se dresse sur son chemin.

Mon avis

Elles sont en prison : Florida, Dios et Kace. On découvre leur quotidien ardu, avec pas mal de violence. Chacune essayant d’être forte et de tenir au milieu de tout ce marasme. On commence à cerner les personnalités, on sent bien que l’une des femmes domine et veut décider de tout. Elle pense que les autres sont comme elle.

Et puis, comme nous sommes en plein confinement, c’est la remise de peine avec une libération anticipée. L’obligation de rester dans un hôtel pour les quinze jours de quarantaine (mais oui, on vous livrera de quoi manger, enfin, ça c’est la promesse ….). Que faire de cette « liberté » lorsqu’on a passé des journées entières dans peu de mètres carrés, à faire peu de choses, à part tourner en rond et faire attention à sa vie ?  Florida est perdue, elle attend la livraison des repas qui ne vient pas. Elle sait qu’elle doit rester deux semaines mais son sang bout, elle n’en peut plus. Elle est dehors sans y être tout à fait. Il y a toujours quatre murs et cette espèce de vide qui l’habite. Et puis cette envie obsédante : récupérer sa jaguar et tracer la route, vivre enfin, rouler et se laisser porter….

Ça la démange de bouger, d’agir, mais les conditions sanitaires bouleversent les codes, comment faire ? Elle se décide et là, Dios surgit, comme venue de nulle part. Imposant sa violence, sa présence, ses décisions. Orientant les choix de Florida. Mais cette dernière a-t-elle besoin d’être prise en charge ? D’être guidée ? N’est-elle pas capable de faire les bons choix sans se laisser influencée ? Ne va-t-elle pas être entraînée malgré elle ?

C’est une cavale infernale qui se met en place. Des rencontres peu ordinaires, des personnes atypiques, des liens qui ne sont pas faits pour durer. On découvre une Amérique où chacun galère, ne peut pas se confier, doit se débrouiller et ne tend pas vraiment la main. Dios « poursuit » Florida de son « amitié ». Elle l’étouffe, elle est persuadée que cette dernière a une part de brutalité contenue et qu’elle doit l’aider à l’exprimer. La course s’accentue, plus rien n’est maîtrisé, c’est dur, ça pulse, les mots s’entrechoquent.

Les points de vue sont multiples (le prénom ou le nom sont indiqués en tête de chapitre). Seules Kace et Dios disent « je », pour les autres il y a un narrateur. J’ai pensé que Florida ne pouvait pas s’exprimer à la première personne, comme si, même sa vie ne lui appartenait plus….

C’est un récit âpre, qui remue, à l’écriture sèche, pleine de questionnements. Les dialogues interpellent sur la place de violence, celle qu’on donne, celle qu’on reçoit, celle qui détruit tout sur son passage, même les âmes humaines…

Ivy Pochoda analyse avec finesse toutes les émotions traversées par les uns et les autres. Elle a sans doute bien observé pour retranscrire ce qu’elle évoque, avec, entre autres, cette ambivalence entre les deux ex détenues, entre attirance et rejet, admiration et dégoût.

Ce sont des portraits de femmes qui fuient (Mais quoi ? Elles-mêmes ? La vie ? N’ont-elles pas tout simplement peur de l’inconnu ?), dans toute leur « nudité » (au sens où rien n’est vraiment caché), que nous offre l’auteur et c’est particulièrement réussi.


"Frankie Elkin - Tome 2 : Dernière soirée" de Lisa Gardner (One Step too Fare)

 

Frankie Elkin - Tome 2 : Dernière soirée (One Step too Fare)
Auteur : Lisa Gardner
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Deniard
Éditions : Albin Michel (2 Janvier 2025)
ISBN : 978-2226476760
462 pages

Quatrième de couverture

Timothy O'Day était un pro de la randonnée en forêt. Pourtant, il y a disparu sans laisser de traces lors de son week-end d'enterrement de vie de garçon, laissant derrière lui deux parents inconsolables, une fiancée désespérée et quatre garçons d'honneur rongés par la culpabilité. Frankie Elkin ne connaît rien à la forêt. Elle a en revanche un flair unique pour retrouver les disparus. Lorsqu'elle apprend qu'une ultime opération de recherches est organisée cinq ans après la disparition de Timothy, elle prend la route pour les montagnes du Wyoming et se joint à l'équipe.

Mon avis

Frankie Elkin est une nouvelle héroïne de Lisa Gardner. Ce roman est sa deuxième aventure mais elle peut se lire indépendamment, même si, sans doute, il y a quelques redites quant à son histoire personnelle.

J’ai fait connaissance avec cette jeune femme, cabossée par la vie, ancienne alcoolique, électron libre qui ne tient pas en place. Elle est de nulle part et de partout. Elle va et vient au gré des disparitions qui l’interpellent. C’est sa spécialité : retrouver des gens qu’elle ne connaît pas, mais qui ont disparu. Cette fois-ci, c’est dans les réserves du Wyoming que ses pas la portent.

Cinq ans auparavant, alors qu’il enterrait sa vie de garçons avec ses amis lors d’un week-end en forêt, Timothy, dit Tim, s’est volatilisé. Depuis, chaque année, en souvenir de lui, son père réunit des professionnels et les copains de son fils pour retourner explorer les lieux afin de récupérer ses restes et de lui donner une sépulture correcte.

Malgré son inexpérience de la randonnée en milieu montagnard, Frankie réussit à se joindre à l’expédition. Elle part avec tout le groupe, beaucoup plus aguerri qu’elle mais elle essaie de faire bonne figure. Heureusement, Luciana, l’autre femme participante, est très bienveillante. Elle est présente avec Daisy, sa chienne de « recherche ».

Rien ne va se passer comme prévu et de nombreux obstacles vont gêner les marcheurs dans leur avancée. Frankie comprend rapidement qu’au-delà de la raison officielle, d’autres choses se trament. Certains secrets sont lourds à porter. Les rescapés sont écrasés par le poids de la culpabilité, Tim était tellement parfait ! Et pour ceux qui restent, est-il possible de faire son deuil sans corps ? On va accompagner toutes ces personnes sur les chemins escarpés, sous l’orage, dans le froid… On souffre avec elles, on tend l’oreille car on se doute bien que tout n’a pas été dit et qu’avec la fatigue, les défenses vont tomber et que peut-être ….

Frankie est une femme intéressante, opiniâtre, observatrice. Elle ne veut pas s’attacher mais pourtant, petit à petit, les amis de Tim prennent place dans son cœur. On voit vraiment l’évolution des relations au cours de ces quelques jours d’investigation.

J’ai vraiment apprécié ce récit, bien construit, bien pensé. La fin m’a semblé un peu rapide. L’écriture (merci à Cécile Deniard, la traductrice) est addictive, fluide. Les dialogues sont bien écrits. Les descriptions des scènes sont précises et chaque émotion est retranscrite avec finesse.

Je vais chercher le tome 1 !

"Ces femmes qui tuent - D'Agrippine à Marie Besnard, les grandes empoisonneuses de l'Histoire" de Gérard Morel

 

Ces femmes qui tuent - D'Agrippine à Marie Besnard, les grandes empoisonneuses de l'Histoire
Auteur : Gérard Morel
Éditions : L’Archipel (27 Février 2025)
ISBN : 978-2809849592
290 pages

Quatrième de couverture

L'ambitieuse impératrice Agrippine, la futile marquise de Brinvilliers, la cupide Catherine Voisin, la subversive Violette Nozière, l'austère et pieuse Marie Besnard... Toutes ces femmes restent auréolées d'une légende maléfique pour avoir tué leurs proches, et pas n'importe comment : par le poison. Or, l'empoisonnement implique ruse et préméditation. Longtemps considéré comme un crime spécifiquement féminin, il est à ce titre plus sévèrement réprimé que le meurtre dans le Code pénal. Il est vrai que les hommes avaient d'autres moyens d'éliminer loyalement leurs ennemis, en duel ou à la guerre, y gagnant au passage un certain prestige.

Mon avis

Gérard Morel s’est déjà penché sur des événements liés à des enquêtes ou équivalent. Dans ce livre, il présente treize femmes, de 15 après Jésus-Christ à 1980…. Un aperçu d’empoisonneuses célèbres ou très connues. Bien entendu, elles sont beaucoup plus nombreuses et il y a toutes celles qui ont agi, dans l’ombre, sans jamais se faire prendre.

Mais qu’est-ce qui a pu les motiver à prendre le risque d’être arrêtées ? Pourquoi en sont-elles venues à de telles extrémités ? Une des idées émises par l’auteur est que les hommes ont la possibilité de se battre en duel, les femmes non…. Ça se défend….

Certaines ont voulu se débarrasser d’époux méchants ou encombrants, d’autres étaient avides de pouvoir. Leur point commun ? Être prêtes à tout pour arriver à leurs fins.  Quelques-unes se sont débrouillées seules, d’autres ont obtenu « le matériel » nécessaire par une connaissance ou en fouinant un peu pour trouver une personne susceptible de préparer le produit adéquat. Il y en a même qui avaient, disaient-elles, beaucoup de rats dans leur demeure et qui se fournissaient sans état d’âme en mort aux rats !

Ce qui est impressionnant, c’est l’ingéniosité dont elles ont fait preuve, avec ou sans aide pour obtenir la mort de ceux qu’elles visaient. Elles ont également montré une volonté à toute épreuve, ne baissant jamais les bras, poursuivant leur but sans se relâcher. Si elles se sont heurtées à des obstacles, elles ont recommencé gardant leur objectif en ligne de mire. Incroyable cette opiniâtreté lorsqu’on imagine les risques pris et le fait qu’elles pouvaient se retrouver en prison ! Leur ténacité m’a impressionnée !

L’écriture de l’auteur est fluide, plaisante. Il s’est énormément renseigné avant d’écrire. Il a tout mis à notre portée sans tomber dans l’excès. Il donne des détails, explique la démarche de chaque tueuse, resitue les faits dans leur contexte et il essaie de comprendre et de transmettre leurs raisons pour choisir de tuer. Car si on y réfléchit, c’est une décision violente et difficile à prendre, donner la mort n’est pas anodin.

Bien sûr, certaines étaient sans doute très malheureuses, voire mal aimées ou mal traitées. Est-ce que ça excuse leur geste ? Quant à celles qui rêvaient de puissance… Leur attitude quand elles sont « coincées » est parfois surprenante. D’aucunes continuent de narguer et ne baissent pas les yeux !

C’est très intéressant et divertissant également. Que le nom soit connu ou pas, on apprend toujours quelque chose car, même si on a entendu parler de ces meurtrières, on ne peut pas tout savoir.

La construction, avec un « épisode » pour chacune permet de lire sans se lasser, et si on fait une pause dans la lecture, de la reprendre sans risque d’oubli ou de mélange.

J’ai particulièrement apprécié les récits concernant Violette Nozière et la veuve Besnard. Probablement parce que j’en avais entendu parler. Pour moi, c’est une belle découverte !

"L'enragé" de Sorj Chalandon

 

L’enragé
Auteur : Sorj Chalandon
Éditions : Grasset (16 août 2023)
ISBN : 978-2246834670
416 pages

Quatrième de couverture

Le soir du 27 août 1934, cinquante-six gamins se sont révoltés et ont fait le mur. Tandis que les fuyards étaient cernés par la mer, les gendarmes offraient une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Alors, les braves gens se sont mis en chasse et ont traqué les fugitifs dans les villages, sur les plages, dans les grottes. Tous ont été capturés. Tous ? Non : aux premières lueurs de l’aube, un évadé manquait à l’appel.

Mon avis

« Tu sais pourquoi je t’ai tendu la main le premier jour ? 
Non, je ne savais pas.
Pour que tu desserres le poing. »

1932. Il s’appelle Jules, ou plutôt « La Teigne » (j’ai pensé à la chanson de Renaud) avec une majuscule. D’ailleurs, il revendique son surnom comme un étendard. Il est habité par la colère, la rage. Il est en maison de redressement à Belle Ile, à Haute Boulogne. Une colonie pénitentiaire où la discipline s’accompagne de violences et de brimades. Même entre les jeunes (tous des garçons) les relations sont compliquées.

Jules a du mal à baisser la tête, à accepter l’injustice, il veut vivre, être libre. Il ne devrait pas être là, lui qui a seulement volé trois œufs parce qu’il avait faim. Combien sont-ils, comme lui, à avoir atterri dans ce lieu de terreur, par un mauvais concours de circonstances ? On les suit pendant quelques chapitres, souffrant pour eux devant tant d’injustices. L’atmosphère est tendue car le quotidien est ardu.

Et puis le soir du 27 août 1934, c’est la mutinerie et cinquante-six gosses s’échappent dont Jules. Il est le seul qu’on ne retrouve pas. Pourtant les îliens, les gendarmes, les touristes, tous cherchent les fuyards pour gagner vingt francs. C’est la récompense chaque fois que l’un d’eux est rattrapé.

Sorj Chalandon, qui a vécu des événements traumatisants lorsqu’il était enfant, a pris la plume à la place de La Teigne et de tous les laissés-pour-compte. Il a mis ses tripes et beaucoup de lui-même dans ce récit. Il nous a transmis les émotions de l’évadé et de ceux qui vont croiser sa route.  Jules peut-il renouer avec la liberté, coincé sur une île ? Qu’est-il en droit d’espérer ?

Inspiré d’un fait réel, ce roman est magistral. Non seulement par le contenu, car au-delà de l’histoire du fuyard, de nombreux thèmes sont abordés, des thèmes graves, forts. Mais également par l’écriture de l’auteur, puissante, envoûtante, comme si vous viviez les faits en direct.  

C’est un texte bouleversant, poignant avec plusieurs individus (hommes ou femmes) attachants. J’ai aimé l’humanité que transmettent certains.

L’enragé est un cri, un cri de douleur, de révolte mais aussi un cri d’amour. Bravo Monsieur Chalandon.

Coup de cœur !


"Ticoco et Le Voleur de couleurs" d'Anne Surrault et Delphes Marchal

 

Ticoco et Le Voleur de couleurs
Auteurs : Anne Surrault (textes) & Delphes Marchal (dessins)
Éditions : Ella éditions (27 Mai 2022)
ISBN : 978-2368035405
96 pages

Quatrième de couverture

Au cœur de la forêt tropicale, les trois singes Ticoco, Titlili et Tikiki ont pour mission de rapporter des plumes colorées pour Karnabal.
Mais quelle surprise chez les perroquets ! Certains petits, comme Mimi Perroquette, ont le plumage terne. Les capucins vont-ils réussir à aider Mimi à retrouver ses couleurs ?

Mon avis

La série Ticoco permet d’aborder des sujets délicats avec des enfants. En partant des aventures de trois singes amusants et attachants, les auteurs ouvrent la possibilité de dialogues et discussions qui auront du sens.

Au début de l’ouvrage, les personnages sont présentés. Il est possible de s’y référer lorsqu’on raconte afin de bien visualiser. En donnant la parole à des animaux, il sera peut-être plus facile pour les jeunes de s’exprimer, il n’y aura pas de comparaison. À la fin, des pages références, très claires, sont là en cas de besoin.

J’ai trouvé astucieux de faire le lien entre les plumes qui perdent leurs couleurs et le mal-être de Mimi Perroquette. Quand on raconte l’histoire on peut établir un parallèle avec la joie de vivre et faire parler ceux qu’on sent tristes ou « éteints ».

Les dessins magnifiques sont bien colorisés et les textes sont bien ciblés. J’ai apprécié qu’ils ailent à l’essentiel sans trop en faire.
Le papier est d’une qualité superbe et le rapport qualité/prix est excellent !

Le thème, cette fois-ci, est important, grave, il s’agit du corps qui appartient à chacun. Avec cet album, les échanges peuvent être lancés. Il faut rappeler à chaque petit ou plus grand que les adultes doivent les respecter. Même si la situation n’a jamais dérapé, redire les choses est essentiel.

À lire en classe, en bibliothèque, à la maison ….



"La plus jolie fin du monde" de Solène Bakowski

 

La plus jolie fin du monde
Auteur : Solène Bakowski
Éditions : Récamier (6 Février 2025)
ISBN : 978-2385771638
322 pages

Quatrième de couverture

Quand Gaëlle apprend que sa grand-mère, Yan, vient d'être victime d'un AVC, elle court la rejoindre sur son île en Bretagne. À l'hôpital, Yan se trompe d'époque, de lieu, voit des choses qui n'existent pas. Dans ses propos décousus auxquels personne ne prête attention, un détail interpelle Gaëlle : un signe, que la vieille femme affirme avoir reçu après 55 ans, 6 mois et 17 jours d'attente. De quoi parle-t-elle ? D'où vient ce décompte si précis ? Gaëlle tente de résoudre le mystère.

Mon avis

Yan a pratiquement élevé Gaëlle, sa petite fille. Elle vit toujours en Bretagne, seule, dans une petite bâtisse, loin de ses deux filles encore vivantes. Mais cette année, cette mamie attentionnée n’a pas souhaité l’anniversaire de « sa puce ». Alors Gaëlle s’inquiète et devant le silence, elle finit par appeler la voisine la plus proche. Elle apprend que sa grand-mère a été victime d’un AVC et qu’elle est hospitalisée. Elle abandonne son travail, pour lequel elle n’avait aucune appétence, et file sur les terres bretonnes.

C’est un besoin viscéral d’être auprès de celle qui a toujours été là pour elle. À elle de prendre le relais, de soutenir, écouter, aider, organiser … La situation est compliquée, la malade a un côté paralysé, des problèmes de déglutition et parfois la mémoire qui part à vau l’eau… Ses deux filles ne se parlent pas, suite à un contentieux. Gaëlle est là au milieu, prise en sandwich. Elle est de la génération suivante et les frangines ne se gênent pas pour lui faire comprendre qu’elle n’a rien à dire, que ce sont elles qui décideront de ce qui convient le mieux pour leur mère. Les relations sont tendues et rien n’est simple.

D’autant plus que parfois, Yan « déparle », elle semble perdue dans des souvenirs lointains et elle parle de Jane ou James ainsi que d’un signe qu’elle a attendu pendant plus de cinquante-cinq ans et qu’elle aurait enfin reçu… Gaëlle écoute, note, regarde dans la vieille demeure, sans trop fouiller, si quelque chose fait « tilt ». Elle se renseigne dans le village, auprès des connaissances et réalise assez vite qu’un fait ancien a divisé les habitants et qu’elle ignore totalement un grand pan du passé de Yan.

Ça tombe bien, elle a du temps et ça lui donnera l’occasion d’échanger en profondeur avec sa mamie chérie et qui sait, peut-être de l’amener vers la guérison ? Elle se lance alors dans une espèce d’enquête, portée par quelques conversations avec son aïeule. Ce n’est pas évident car elle se questionne sur ce qu’elle lui dit. Où se situe la vérité, la part d’interprétation car les pensées sont lointaines et quelquefois confuses ? Elle essaie d’avancer malgré tout entre ce qu’elle ressent, ce qu’elle cerne, ce qu’elle imagine. Et on la suit sur ce chemin …

Ce roman aborde des sujets touchant à l’intime, il est d’une infinie délicatesse, la pudeur est présente, offrant une approche fine des relations humaines, des non-dits, des secrets, de la fin de vie. Le texte se partage entre passé et présent au gré des recherches de la jeune femme et des retours en arrière dans la tête de Yan. Notre perception des événements, des protagonistes s’affine. On met en place quelques pièces du puzzle puis elles bougent, reviennent, d’autres arrivent et bouleversent nos certitudes.

L’écriture de Solène Bakowski est douce, elle aime ses personnages, elle en prend soin, elle les accompagne dans leur quotidien. J’ai trouvé qu’il y avait des réflexions très justes sur l’émancipation de la femme autrefois, sur la vieillesse, sur le choix de continuer les soins ou pas. Ce sont forcément des thèmes qui nous interpellent. Quel que soit notre âge, on se sent concerné ou on le sera et à ce moment-là, quelles options se proposeront à nous ?

Un livre sur la famille, la transmission, une belle découverte !